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Jour 12 : Une actrice trans couronnée, un Iranien distingué, une Nadine Labaki engagée

Cette année encore, « L’Orient-Le Jour » vous a raconté les coulisses du plus grand festival du cinéma au monde. Des cancans de bistrot au tapis rouge guindé, en passant par les soirées alcoolisées.

Jour 12 : Une actrice trans couronnée, un Iranien distingué, une Nadine Labaki engagée

Karla Sofía Gascón, actrice espagnole, Zoe Saldaña et Selena Gomez, ainsi que Adriana Paz ont été récompensées par un prix d'ensemble d'interprétation féminine pour Emilia Perez. Sameer al-Doumy/AFP

Dans les ruelles et grands cafés de la Croisette, les agents font grise mine. Crispé, Arthur, jeune imprésario d’une célèbre comédienne française, avale un ibuprofène avec le reste de son cappuccino refroidi. Son actrice a une flambée d’anxiété et ne souhaite plus quitter son lit.

« Qu’est-ce que tu veux ? De l’aspirine ? De l’argent ? Mon âme toute entière ? », hurle-t-il au téléphone, exaspéré par le nouveau caprice d’un talent qui lui « a fait perdre la moitié de ses cheveux en dix jours ». À deux heures d’une série d’interviews prévue à l'hôtel Martinez, le manager d'une trentaine d'années se voit contraint d’annuler tous les rendez-vous. « Je suis désolé, elle est surbookée et doit se préparer pour ce soir », affabule-t-il aux journalistes, tout aussi nerveux, à l'autre bout du fil.

Deux semaines après le démarrage des euphoriques festivités, c’est épuisée que la ville azuréenne s'apprête à découvrir le palmarès de cette très hollywoodienne 77e édition.

Avant la montée des marches, anonymes et wannabes s'arrêtent devant le tapis rouge. Photo Téa Ziadé/L’Orient-Le Jour

Devant les portiques de sécurité, il n’est même pas encore midi que les badauds ont déjà installé leurs recharges externes et magazines. Il faut bien tuer le temps. Du côté du « gang des escabeaux », plus bronzé et fripé que jamais, les pronostics vont bon train. Non pas pour essayer de prédire les grands gagnants de la soirée, mais pour deviner qui passera signer quelques autographes. « Huppert ne nous approchera jamais, elle est si hautaine cette bonne femme ! », scande Fabienne, un appareil photo bon marché autour du cou.

De cette marée de fans du troisième âge au teint rouge écrevisse, aucun ne peut citer un seul film en sélection. « Manquerait plus que ce soit un festival de cinéma ! On est là pour les stars, nous ! », plaisante Cécile, plus friande des téléfilms de France 3 que des réalisations de Leos Carax ou d’Emmanuelle Bercot, pourtant adorées par la cinéphilie cannoise. « C’est le grand soir, je veux voir de la vedette ! ».

Montée royale

Aux alentours du Palais, les entrevues sont très vite expédiées en début de journée. Les restaurants, bistrots et glaciers se vident au fur et à mesure que l’après-midi s'écoule alors que la rue d’Antibes, habituellement touristique, redonne leurs droits aux résidents dépassés.

Avancée d’une demi-heure par peur de retarder le lancement de la cérémonie de clôture, la montée des marches voit les égéries L’Oréal - Elle Fanning et Andie MacDowell pour ne citer qu’elles - donner le coup d’envoi des solennités.

La réalisatrice Coralie Fargeat et son actrice principale Demi Moore, le 25 mai 2024, avant la cérémonie de clôture du festival de Cannes. Photo Loic Venance/AFP

De Demi Moore à Laurent Lafitte, les figures qui ont marqué cet ambitieux cru 2024 reviennent gravir les 24 marches les menant vers une Salle Lumière aux invités brushingués. Du moins jusqu'à ce que retentisse la musique de Star Wars, électrisant la foule et marquant la présence inespérée de George Lucas, venue recevoir une Palme d’or d’honneur des mains de Francis Ford Coppola.

Dans la principale salle de presse qui se remplit mollement, les critiques ciné et correspondants glitter applaudissent Greta Gerwig et son jury, qui posent ensemble sur un tapis rouge prêt à être roulé.

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Ça tombe bien, Camille Cottin - maîtresse de cérémonie peu mémorable - appelle le gratin du 7e art à installer leurs robes longues et smokings taillés dans les sièges incommodes d’un établissement suranné. Le décorum et prompteur sont prêts.

La diversité triomphale

Sur scène, l’actrice belge Lubna Azabel - à la tête de la Cinéfondation - présente son prix et appelle à « la libération des otages sans condition et un cessez-le-feu immédiat ». De quoi donner le ton d’une nuitée fortement politisée.

Plus tard, Nadine Labaki, jurée de la sélection officielle cette année, lance un appel subtil, clairvoyant. « Ce n’est pas normal de rester normal quand il y a des milliers d’enfants qui meurent sous les bombes dans leur sommeil. L’art n’est pas coupable mais responsable », dixit la réalisatrice libanaise avant d’annoncer un prix spécial accordé au dernier long métrage de Mohammad Rasoulof, tourné dans la clandestinité.

L'Iranien Mohammad Rasoulof, lauréat du Prix spécial. Photo Sameer al-Doumy/AFP

Le cinéaste, qui a fui Téhéran après une condamnation à huit ans de prison, désigne une rage que les strass ne peuvent apaiser face à un régime iranien condamnant citoyens et artistes au silence le plus assassin. Une récompense symbolique, visuellement puissante.

Autre signal fort, le discours de Karla Sofía Gascón, révélation de la plus récente fantaisie signée Jacques Audiard. Sacrée - communément avec les trois autres actrices principales d’Emilia Perez - meilleure interprète féminine, elle devient la première femme transgenre à recevoir tel honneur. En dédiant cette décoration à « toutes les personnes trans qui souffrent », celle qui campe le rôle d’un narcotrafiquant qui change de carrière et de genre, offre une visibilité inédite à une communauté encore hyper-marginalisée, sous-représentée. Cannes, c’est aussi et surtout ça.

Karla Sofía Gascón et Jacques Audiard, le 25 mai 2024. Photo Valery Hache/AFP

« Je vais vous rendre votre argent », s’amuse à affirmer Gascón face aux jurés touchés en embrassant sa traductrice et se trompant de chemin vers la sortie. De quoi faire ressortir la fadeur d’une Mélanie Laurent blasée lui succédant sur les planches luisantes du théâtre...

« Qui a remporté la timbale déjà ? », questionne Iris, une chroniqueuse de Vanity Fair, quinze minutes à peine après la fin d’une rapide remise de trophées à garder au-dessus de la cheminée. En effet, hormis les grands cinéphiles, la Palme d’or remise à Anora de l’Américain Sean Baker sera très vite oubliée, noyée dans un océan de célébrités et de personnalités délibérément pathétiques ou génialement outrancières. N’est pas Justine Triet qui veut…

Le réalisateur américain Sean Baker a reçu la Palme d'or. Photo AFP/Christophe Simon

Dehors, les escabeaux se referment enfin. Les tentes abritant boutiques de gadgets et babioles aussi. Les festivaliers, satisfaits mais physiquement affaiblis, retourneront demain à « un quotidien plus gris », rappelle Nicole. Cette dernière se rendra au chevet de son mari atteint d'Alzheimer et vivant ses derniers jours dans un Ehpad. Philippe, son voisin d’échelle, retournera quant à lui travailler dans un supermarché pour tenter de boucler des fins de mois difficiles, alors qu’Amina accourt déjà pour prendre soin de son fils handicapé.

« Cannes, c’est la la fête du cinéma ! », insiste Jacqueline, une Niçoise aux faux airs d’Amanda Lear. « Mais c’est aussi un prétexte pour faire rêver des gens comme nous ! La vie est assez compliquée, on s’y attache comme on peut, devant un écran et avec une petite coupe de champagne à la main », ajoute-t-elle. Sur ce, santé !

Dans les ruelles et grands cafés de la Croisette, les agents font grise mine. Crispé, Arthur, jeune imprésario d’une célèbre comédienne française, avale un ibuprofène avec le reste de son cappuccino refroidi. Son actrice a une flambée d’anxiété et ne souhaite plus quitter son lit.« Qu’est-ce que tu veux ? De l’aspirine ? De l’argent ? Mon âme toute entière ? », hurle-t-il...
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Engagée Nadine Labaki mais pas trop, du genre elliptique.

Marionet

17 h 12, le 26 mai 2024

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  • Engagée Nadine Labaki mais pas trop, du genre elliptique.

    Marionet

    17 h 12, le 26 mai 2024

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