Jour 11 : Mouna Ayoub ou le retour d'une mondaine perdue de vue

La Croisette est en gueule de bois. À un peu moins de 24 heures de la tant attendue cérémonie de clôture, les festivaliers et accrédités ne cachent plus leur empressement de passer à autre chose. « C’était bien mais là, on se concentre sur les préparations pour Venise », confie une attachée de presse au planning déjà surchargé pour les 16 mois à venir.

La veille, tout le gotha s’était retrouvé autour de milliers de bouteilles de champagne rosé à l'Eden Roc, sur le Cap d’Antibes, pour le grand gala de l’AmfAR. Demi Moore, Diane Kruger, Michelle Yeoh, les actrices ayant marqué cette quinzaine ont toutes, ou presque, répondu présentes. Mais entre les mannequins que personne ne reconnaît plus et les chanteuses au tube unique, des surprises se sont invitées.

Sarah Ferguson, ou Fergie pour les intimes, a surpris l'assistance par sa présence dans une robe à 15.000 euros. Photo Sameer al-Doumy/AFP

Paris Jackson, fille du roi de la pop, et Sarah Ferguson, princesse déchue et ex-femme du prince Andrew - tout aussi rétrogradé - se partagent un briquet, fument ensemble des Vogues sur un balcon. Dans la pièce d’à côté, Tommy Hilfiger tente de mettre un nom sur le visage d’une Coco Rocha emplumée, accoudée à une Heidi Klum quelque peu alcoolisée. Plus surprenant encore, la présence de la reine du camp américain, Cher, accompagnée de son très tactile nouveau compagnon, de 40 ans son cadet. Vous avez bien lu.

Piercing à la narine, la Dark lady oscarisée est venu interpréter ses intemporels devant un parterre de milliardaires conquis par le franc-parler de l'icône des seventies, plus kitsch et tendance que jamais.

Cher et son nouveau compagnon Alexander Edwards au gala de l'AmfAR, le 23 mai 2024. Photo Stefano Rellandini/AFP

« Cher a marqué mon époque, ma vie ! », note Kathleen, directrice de la rédaction d’un mensuel britannique au sortant d’une soirée qui tient bien sa réputation de grande fête inaccessible. « Elle est venue lever des fonds pour lutter contre le sida, et c’est super ! Mais disons-le, elle était surtout là pour exhiber son toy-boy. Où est-ce qu’on peut s’en procurer un ? ».

De Lescure à Hanouna

À quelques mètres du Palais, les rédactions des émissions de France Télévisions commencent à ranger caméras et gros micros. Le plateau de C à vous, exceptionnellement délocalisé à Cannes pendant ces dix derniers jours, s'apprête à prendre l’antenne pour la dernière fois.

Pierre Lescure, chroniqueur culturel et ancien président du festival - de 2014 à 2022 -, révise ses fiches. À presque 80 ans, celui qui a aussi été le grand patron et cofondateur de Canal+ « ne souhaite nullement lâcher la rampe, n’est jamais blasé, il reste toujours aussi excité de partager ses impressions et idées avec les actrices et acteurs qui passent par nos studios », affirme un membre de l’équipe du talk-show de France 5.

Les locaux provisoires de France Télévisions sur la Croisette. Photo Téa Ziadé/L'Orient-Le Jour

Laissé pour compte ces dernières années par la chaotique chaîne cryptée rachetée par le magnat Vincent Bolloré, le Festival de Cannes, autrefois mine d’or pour les audiences, s’est vu télévisuellement ressuscité avec le rachat de ses droits de diffusion par les chaînes de France Télé, devenu partenaire média privilégié depuis trois ans.

« L’esprit Canal est mort et enterré, vous avez vu ce que Bolloré en a fait ? Avant, c’était la classe de Michel Denisot et d’Antoine de Caunes, aujourd’hui c’est le cirque de Cyril Hanouna et de Pascal Praud », étaye amer un ex-collaborateur de CNews…

De Téhéran à la Croisette

C’est justement sur un plateau de France 5, C ce soir, que se retrouvent deux figures engagées du cinéma iranien. En lice pour le grand prix, Mohammad Rasoulof fait une première apparition aux côtés de Golshifteh Farahani, envahie par l’émotion.

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Le metteur en scène, arrivé jeudi à Cannes pour présenter en personne son dernier long métrage, Les graines du figuier sauvage, se fait longuement acclamer dans les coulisses comme sur le plateau. Onze jours après avoir fui clandestinement Téhéran, le cinéaste conte dans ce film l’histoire d’un juge d'instruction faisant face au tribunal révolutionnaire au lendemain de la mort de Mahsa Amini, en septembre 2022.

« Quand j’étais en train de traverser la frontière, j’ai lancé un dernier regard à ma terre natale et je me suis dit ‘j’y retournerai’ », a-t-il révélé face à une assistance remuée et des artistes contraints, eux aussi, à fuir un régime aussi craintif que répressif. « C’est un moment très fort, probablement celui qui restera dans les mémoires de cette 77e édition », analyse Misha, ex-réfugiée syrienne devenue chroniqueuse pour un quotidien anglophone suédois…

Viola Davis, première arrivée à la soirée L'Oréal Paris à Cannes, le 24 mai 2024. Photo Téa Ziadé/L’Orient-Le Jour

Plus engagé, le festival n’en oublie pas moins les strass qui en font une attraction mondiale. Sur la plage des Palmes, la grande soirée annuelle L’Oréal Paris - honorant les jeunes réalisatrices - bat son plein. Helen Mirren, Viola Davis ou encore Elle Fanning, les indéboulonnables égéries prennent possession des lieux, alors que la présidente Iris Knobloch tente d’esquiver le regard des chroniqueuses de mode l’invitant à poser face à un photo-call.

Entrée discrètement au moment où les photographes scandent leur joie de revoir une Andie MacDowell enjouée, Mouna Ayoub se glisse entre les tables nappées et flûtes de champagne vidées. La plus influente des acheteuses de mode libanaises évite, depuis plusieurs années maintenant, la presse comme son propre pays.

Andie MacDowell, éternelle égérie de L'Oréal Paris, le 24 mai 2024. Photo Téa Ziadé/L’Orient-Le Jour

Deux décennies après une peopolisation outrancière signée Thierry Ardisson, la méconnaissable socialite se tient désormais loin des circuits médiatiques avec lesquels elle a longtemps adoré jouer. Aujourd’hui grand-mère, l’ex-mondaine claque la bise aux journalistes et membres d’une haute société disparate, avec qui elle dit souhaiter retravailler peut-être un jour. La discrétion a ses limites.