Au Courant patriotique libre, l’heure est au mutisme. Aucun responsable du parti ne veut commenter l’affaire Élias Bou Saab, vice-président de la Chambre et député du Metn, qui ferait l’objet d’une décision de limogeage de cette formation à l’issue d’une procédure partisane engagée contre lui il y a plusieurs mois. Une information rapportée à L’Orient-Le Jour de sources concordantes.
M. Bou Saab est loin d'être la première victime de la machine Gebran Bassil, qui multiplie les procédures à l'encontre de ses opposants internes depuis 2015. Mais c'est la première fois que le chef du CPL vise aussi haut, ciblant le numéro deux de la Chambre. M. Bassil serait-il donc en train d’élargir le « Gebranistan » ? La question se pose surtout parce que M. Bou Saab a longtemps été proche du fondateur du CPL, l'ancien président Michel Aoun, tout en n'étant pas encarté dans un premier temps.
Élias Bou Saab a toujours été vu comme un cas particulier au sein du CPL. À l’issue des législatives de mai 2022, il s’est rapproché du président de la Chambre, Nabih Berry, qui était (encore à l’époque) un des plus grands adversaires locaux du courant aouniste. Ironiquement, ce n’est qu’après le limogeage (encore non officialisé) de l’adjoint de Nabih Berry que Gebran Bassil a décidé de renouer avec le chef du législatif... Pour ce qui est de la présidentielle, Élias Bou Saab a été le seul au sein du camp anti-Bassil à oser déroger au mot d’ordre du CPL de voter Jihad Azour (candidat sur lequel les aounistes étaient parvenus à converger avec l’opposition), lors de la séance parlementaire tenue le 14 juin dernier et consacrée à l’élection d’un nouveau chef de l’État. « Ne vous en faites pas, je vais m'entretenir tout de suite avec Gebran Bassil », avait-il lancé aux journalistes à l’issue du vote, comme pour réduire le fossé avec le chef du courant orange. Sauf que cette démarche n'a pas porté ses fruits, une procédure partisane ayant été officiellement engagée contre lui deux semaines après la séance électorale devant le tribunal partisan, « le conseil des sages ». À tout cela, s'ajoute le fait que M. Bou Saab s'était progressivement éloigné du chef du CPL après les sanctions imposées par les États-Unis contre ce dernier, en novembre 2020.
Selon les informations obtenues par L’OLJ, on reproche à M. Bou Saab son « manque de discipline ». D'ailleurs, l'intéressé ne prenait plus part depuis un moment aux réunions hebdomadaires du bloc du Liban fort (affilié au CPL). De sources informées, on indique à notre journal que ce tribunal partisan a recommandé de radier M. Bou Saab, une décision que le leader du CPL n'aurait cependant toujours pas signée, après plusieurs mois de cette recommandation. « C’était une façon pour M. Bassil de garder la porte ouverte aux médiateurs qui tentaient de résoudre le problème et rapprocher les points de vue », raconte une personnalité au courant de l’affaire sous couvert d’anonymat. M. Bassil a même proposé une solution médiane. Dans ses grandes lignes, celle-ci prévoyait de maintenir M. Bou Saab au sein du bloc parlementaire aouniste, sans qu’il ne fasse partie du CPL en tant que membre encarté. Un peu à la manière du parti Tachnag qui fait partie du bloc, tout en se réservant une marge de liberté. Une proposition que le principal concerné aurait rejetée. « Élias Bou Saab a toujours été attaché à sa propre marge de manœuvre. Au point de vouloir en faire usage dans de gros dossiers comme celui de la présidentielle », estime la même source.
Vers « la collision inévitable »
Pour le moment, le CPL entretient sciemment le flou « Quand il y aura quelque chose à dire, un communiqué officiel sera publié », se contente de lancer un cadre haut placé du parti, affirmant que « personne (autre que le vice-président de la Chambre) ne fait l’objet d’une procédure similaire ». Une façon de balayer d’un revers de la main des informations relayées récemment dans la presse selon lesquelles plusieurs autres parlementaires comptés parmi les détracteurs de M. Bassil seraient à leur tour dans le viseur du directoire du parti. À en croire ces informations, il s’agirait notamment du trio Ibrahim Kanaan (Metn), Simon Abi Ramia (Jbeil) et Alain Aoun (Baabda), ce dernier étant le neveu du fondateur du parti. De quoi rendre difficile pour M. Bassil le choix de le mettre à l’écart. Toutefois, selon des sources informées, le cas de Alain Aoun sera mis sur la table après celui de M. Bou Saab. Rappelons que les parlementaires en question n’ont pas caché leur opposition au choix de Gebran Bassil, notamment en ce qui concerne la présidentielle. Peu avant la séance du 14 juin, ils avaient suscité de sérieuses craintes quant à leur éventuelle volonté de désobéir au mot d’ordre du parti. Mais ils s’y étaient finalement conformés sous l’effet de l’autorité morale de Michel Aoun, la précieuse carte que M. Bassil avait jouée pour faire avaler la pilule Azour à tout le monde.
L’affaire Bou Saab n’est donc pas la seule à avoir secoué le CPL. Il y a aussi la polémique suscitée par May Khoreiche, ex-vice-présidente du parti pour les affaires politiques. Dans une interview qui a fait le tour des réseaux sociaux ces dernières semaines, l'avocate n'a pas mâché ses mots en critiquant la manière dont elle a été virée de son poste de la part de M. Bassil qui, en septembre 2023, a été réélu d'office à la tête de la formation orange. Ses propos avaient donc suscité des interrogations quant à l'éventualité de la voir, elle aussi, mise à la porte. Mais tel n'est pas le cas, apprend-on de source proche de l'intéressée.
Pourquoi les tempêtes se font-elles aussi fréquentes chez les aounistes ? Au-delà de la langue de bois dont usent les officiels du parti, certains anciens membres du CPL trouvent la réponse dans les choix et les agissements du chef du parti. « Gebran Bassil est aujourd’hui en position de faiblesse, à cause de mauvaises décisions qu’il a prises par le passé », déplore un ancien membre de la formation. « Aujourd’hui, M. Bassil opte pour la fuite en avant, mais sa démarche ne fera qu’affaiblir le CPL et mener le directoire à la collision inévitable avec ses détracteurs », dit-il. Aujourd'hui, le CPL évite de justesse le scénario d’un schisme total… du moins pour le moment.
""""Gebranistan"" , ""M. Bassil serait-il donc en train d’élargir le « Gebranistan » ?"" nous sommes donc dans le culte du chef, et je comprends fort bien ce principe, que le pouvoir ne se partage pas. Seulement beaucoup de têtes tombent depuis Mario Aoun, pour ne pas remonter au début de la fondation de cette formation. Quelle menace constitue Bou Saab (orthodoxe) pour les ambitions présidentielles du zaïm maronite de Batroun, et du CPL ? Sûrement dans les coulisses, il en va autrement... Il prend également le risque d'affaiblir sa formation... Chaque formation politique a son seul chef..
22 h 10, le 23 avril 2024