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Nos Lecteurs ont la Parole

L’usage de la force assure-t-il la paix ?

Aujourd’hui comme hier : 2010/2024. L’utilisation de la force excessive répond à des besoins clairs de l’armée israélienne. Elle est instrumentalisée dans le but d’atteindre des objectifs déterminés que nous pouvons synthétiser en quatre points : effrayer par l’exemple, l’impunité, l’indépendance et, le plus important, susciter par l’excès et l’humiliation une réaction violente chez les ennemis pour pouvoir les présenter par la suite comme terroristes. Ci-après un extrait de l’article que j’ai publié dans le magazine Arabies, numéro de juillet 2010. Toujours la même stratégie et l’instrumentalisation de cette violence excessive.

« Cette interrogation lancée par Marek Halter, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, s’avère d’une actualité brûlante suite aux violences israéliennes des dernières semaines.

L’action du gouvernement Netanyahu contre les navires de la Hourriya tentant de forcer le blocus de Gaza illustre bien les quatre constantes de la doctrine israélienne d’usage de la force sous couvert de sécurité.

– La force brutale, comme exemple et comme message : du massacre de Deir Yassine à la destruction totale de Gaza, en passant par la politique de destruction systématique des logements des « activistes » palestiniens, cette position, voulue préventive, hélas déjà expérimentée par d’autres régimes et sous d’autres cieux, vise à marquer par l’exemple à paralyser et en quelque sorte à « fataliser ». La décision de l’assaut contre les navires s’inscrit dans cette logique de riposte massive exemplaire à une action non dangereuse et fort habile, par ailleurs, des organisateurs.

– La force brutale, comme signe d’indépendance : de l’assassinat de Bernadotte, représentant officiel de la communauté internationale, au massacre de Cana en 1996 par le bombardement des civils regroupés dans un immeuble des Nations unies, c’est un message constant d’indépendance vis-à-vis de toutes les lois, quand il s’agit de risque de sécurité « subjective » ou perçue comme telle par les Israéliens. Ainsi, avis est donné à tous les bien-pensants, quitte à mettre à mal le mythe d’Israël défenseur des valeurs et lois occidentales. C’est bien sous cet angle qu’il convient de lire l’attaque des bateaux dans les eaux internationales, violant ainsi l’une des lois universelles, les plus anciennes, même si, en l’occurrence, il n’y avait aucun danger réel pour la sécurité d’Israël.

– La force brutale, comme marque d’impunité : dès que les pressions se font pesantes, notamment de la part du principal allié que sont les États-Unis, faire usage de la force, guerre, destructions massives ou violations territoriales, permet de se retrouver devant les instances internationales. Dans cette situation, la superpuissance se contraint à user de son droit de veto systématique, ou de sa puissance diplomatique pour empêcher toute condamnation, ou toute résolution appropriée, sous couvert d’alliance stratégique, ou de défense du camp occidental. C’est ce qui s’est produit avec les dernières opérations militaires, puisque les États-Unis ont bloqué les propositions, fort timides par ailleurs, de membres du Conseil de sécurité prônant une commission d’enquête internationale, pour se contenter d’une banale commission d’enquête interne « impartiale » digne des petits délits au sein de l’armée.

– La force brutale pour radicaliser ses ennemis : Israël n’a eu de cesse de vouloir façonner l’image de ses ennemis. Dans un premier temps, il déploya une énergie énorme pour décrédibiliser le nationalisme arabe, profitant de l’impact des dernières actions coloniales sur les opinions occidentales. Il réussit ensuite à infliger à ce mouvement des humiliations successives qui eurent raison des timides tentatives d’ouverture et de modernisation des chefs arabes. Israël refusa toute concession utile, diabolisant les grands leaders, qui étaient pourtant les seuls à pouvoir négocier avec lui, et généralement encouragea tout facteur d’instabilité. La bienveillance à l’égard du Hamas naissant ou d’autres groupuscules extrémistes visait à diviser le leadership palestinien. À première vue, cette démarche aurait pu être la bonne en paralysant ces ennemis et en les empêchant de faire vivre le nationalisme arabe. Dans la réalité, Nasser, humilié, incapable d’obtenir la moindre avancée sur le terrain du conflit, ne put empêcher la montée des fondamentalismes, le lancement de la résistance et le développement de l’intégrisme. Il en fut de même pour Arafat, qui, après les ouvertures d’Oslo, fut isolé dans la Moukata’a, humilié et mis au ban des nations dans le but de faire émerger un interlocuteur plus docile. Par la suite, et à force d’affaiblir Abbas et Moubarak, conciliants et accommodants sur les principaux sujets de négociation, mais qui n’obtenaient rien et à qui on ne concédait pas grand-chose, on renforça la montée des extrêmes, faisant des mouvements religieux les seuls vrais détenteurs des clefs de la guerre et de la paix. Cette stratégie de sape menée à l’intérieur était complétée par une déstabilisation menée par l’extérieur, comme ce fut le cas pour Saddam sacrifié au nom du risque sécuritaire israélien et présenté en suppôt du terrorisme mondial. Fallait-il être grand clerc pour deviner que faire sauter le verrou irakien ouvrait la voie au démantèlement du territoire en entités religieuses et au pouvoir fondamentaliste iranien ? Et par voie de conséquence, au règne du religieux et à l’ère des conflits interreligieux ?

La sécurité et l’intégration d’Israël ne peuvent s’imaginer durablement que dans le cadre d’une région pacifiée, démocratisée, unifiée. Il est illusoire et suicidaire de croire que d’un amas d’entités religieuses, censées justifier son existence et rongées par les guerres intestines, sortira pour Israël une normalisation et une intégration pacifiques… »

Ibrahim HANNA EL-DAHER

Ancien ministre

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Aujourd’hui comme hier : 2010/2024. L’utilisation de la force excessive répond à des besoins clairs de l’armée israélienne. Elle est instrumentalisée dans le but d’atteindre des objectifs déterminés que nous pouvons synthétiser en quatre points : effrayer par l’exemple, l’impunité, l’indépendance et, le plus important, susciter par l’excès et l’humiliation...

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Nasser a humilié les arabes avec sa défaite

Eleni Caridopoulou

17 h 05, le 10 avril 2024

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  • Nasser a humilié les arabes avec sa défaite

    Eleni Caridopoulou

    17 h 05, le 10 avril 2024

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