S’il y a pire que la guirlande des chefs politiques qui paradent et se visitent entre eux à l’heure où les Libanais normaux essayent encore de travailler, c’est bien la cohorte des niaiseux suspendus à leurs saillies grotesques. Épiant leurs moindres faits et gestes, ils végètent dans l’espoir idiot de percevoir le frémissement salutaire de leur neurone unique qui déboucherait le cloaque dans lequel ils barbotent depuis un demi-siècle.
Et il n’y a pas que les analphabètes d’entre eux qui s’y collent ! Souvent, ce sont des hominidés bien sous tous rapports, certains sont même bardés de diplômes et tout le tintouin, se lavent les mains avant de passer à table, se brossent les dents après le repas… On les voit scotchés sur leur téléphone ou tablette, guettant le moindre borborygme du plus petit sous-fifre au plus gros gougnafier, afin, disent-ils, de « comprendre ».
Mais comprendre quoi ? Qu’il n’y aura plus jamais de président au Liban, même s’il ne doit plus présider qu’un tas de fumier, et qu’il n’y a que le Basileus et le Franju qui ne le savent pas encore ?
Que, depuis plus de 50 ans, tout ce qui pouvait être dit a été vomi, régurgité, dégurgité ? Que le stock d’indignations, d’insultes et d’injures a été largement entamé et qu’il se situe désormais en deçà des réserves stratégiques du bas de la ceinture ?
Qu’y a-t-il à comprendre quand le ministre du Pognon, grand argentier de la République, se transforme soudain en aspirateur turbo de taxes et impôts en dollars lourds, alors que les biftons macaques de la même devise ont tourné chiffres virtuels dansants pour animer les écrans de veille des ordinateurs des banquiers ?
Quoi comprendre quand nous sommes les dépositaires uniques au monde de la théorie universelle des 32 ans d’osmose entre le fion d’un berrypède et le fauteuil de son perchoir au Parlement ? Quand le trouillard et maître lécheur du Sérail déverse des litres de salive pour dénoncer les agressions israéliennes, mais n’ose piper mot à l’adresse de celui qui les a provoquées ?
Que piger, enfin, quand le turban numéro deux du Parti barbu entend guerroyer contre les Hébreux « quel qu’en soit le prix » ?
Sans doute jusqu’aux derniers pauvres bougres du Liban-Sud à qui il ne reste plus que le paradis des 70 vierges comme ultime espoir... En revanche, celui qui les envoie au casse-pipe par brassées est incollable sur tout ce qui touche à l’Empire perse : pas un bouton d’uniforme, pas un caleçon usagé de l’armée iranienne dont il ne reconnaisse immédiatement le régiment.
Bref, entre les lampées de pessimisme et les gorgées de déprime, la situation générale du Liban se résume ainsi : une avancée en arrière du pas en avant dans le recul de toute perspective d’avenir. Un tango argentin déglingué, quoi !
gabynasr@lorientlejour.com
Excellent, comme toujours. Merci
21 h 53, le 03 avril 2024