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Politique - Décryptage

Entre les Émirats et le Hezbollah un premier test, et peut-être de nouvelles perspectives


Après trois nuits à Abou Dhabi, le chef de l’unité de liaison et de coordination au sein du Hezbollah Wafic Safa est revenu à Beyrouth comme il en était parti, à bord d’un avion privé émirati. Mais sans les sept détenus libanais dont les médias avaient annoncé la libération imminente. Aussitôt, les analyses et les spéculations se sont multipliées, certaines affirmant que la mission a échoué et d’autres estimant au contraire qu’elle était réussie, mais que sa concrétisation va prendre un peu de temps.

La vérité est, comme d’habitude, quelque part entre les deux. Selon des sources concordantes, la visite de Safa aux Émirats est d’abord le fruit de concertations qui ont commencé il y a plus d’un an. Ensuite, elle a eu lieu à la demande des autorités d’Abou Dhabi qui non seulement ont mis à la disposition du responsable du Hezbollah un de leurs avions privés, mais ont aussi divulgué l’information qui aurait pu rester secrète. Ce qui montre que d’une part, il s’agit d’un grand tournant dans la politique des Émirats à l’égard du Hezbollah et de « l’axe de la résistance » et d’autre part, que c’est un processus sur le long terme qui devrait aussi englober à un moment tous les États du Golfe, dont l’Arabie saoudite.

Dans les détails : les négociations pour la libération des détenus aux Émirats ont commencé il y a plus de deux ans, grâce à une médiation de l’ancien directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim. Ce dernier, qui était devenu spécialiste dans les négociations pour la libération de détenus dans plusieurs pays de la région, avait donc été choisi par les deux camps pour essayer de parvenir à un résultat dans ce dossier. Après de longs mois de discussions, Abbas Ibrahim avait obtenu en 2022 la libération de 15 Libanais détenus aux Émirats. Mais ceux-ci n’avaient pas fait l’objet de jugements, ce qui rendait plus facile leur libération. Par contre, les cas des détenus condamnés étaient plus difficiles. La loi émiratie ne prévoit en effet pas de possibilité de les libérer avant qu’ils aient purgé leurs peines qu’à travers une décision du chef de l’État, à l’occasion des fêtes, qu’elles soient religieuses ou nationale. Après la libération des détenus non jugés, il fallait donc attendre le bon moment pour soulever la question des condamnés, surtout que parmi les sept, il y en avait au moins quatre qui étaient condamnés à perpétuité.

Entre-temps, les autorités émiraties ont fait savoir qu’elles souhaitaient établir un contact direct avec le Hezbollah, dans une volonté d’améliorer les relations avec cette partie libanaise. Cette volonté s’inscrit d’ailleurs dans la nouvelle stratégie des Émirats de régler tous les problèmes avec les pays environnants, de l’Iran à l’Irak, à la Syrie, jusqu’à Israël, selon la théorie dite de « zéro conflit ». Cette décision a été prise par les autorités dans la foulée de la guerre du Yémen et de ses conséquences sur la stabilité et la prospérité dans le golfe Arabique (ou Persique). Les autorités syriennes, avec lesquels les Émirats ont été pratiquement le premier État du Golfe à rétablir les relations diplomatiques depuis 5 ans, ont été mises à contribution. Des réunions ont été ainsi organisées par le chef des renseignements syriens, le général Houssam Louka, entre le secrétaire général du Conseil national émirati Ali Mohammad Hammad al-Chamissi et Wafic Safa.

Au début, les réunions ont été tenues secrètes, et ce sont les Émirats qui ont cette fois-ci décidé de les divulguer. Ce qui est interprété comme un message politique à toutes les parties concernées d’un changement dans l’attitude à l’égard du Hezbollah. Ce dernier aurait pour sa part préféré que ce dialogue direct, qui est encore dans sa première étape, reste secret. Il avance pour preuve de l’importance de la discrétion dans ce genre de dossiers, les interprétations faites au sujet du retour de Safa au Liban, sans les détenus libérés, notamment celles qui parlent d’échec de la visite. Alors que, selon le Hezbollah, la libération devrait avoir lieu dans la période de la fête du Fitr et peut-être par étapes.

En tout cas, le Hezbollah insiste pour dire que le dialogue avec les autorités des Émirats reste limité au dossier des détenus qui est, selon lui, une question humanitaire. Par contre, les sources proches des autorités émiraties préfèrent parler d’ouverture politique, qui commence par les détenus et pourrait s’élargir à d’autres sujets.

Toujours selon les sources proches des Émirats, les autorités de ce pays n’auraient certainement pas pris une telle initiative sans des concertations avec les autres États du Golfe et en particulier l’Arabie saoudite. Les Émirats auraient donc agi en « éclaireurs », pour ouvrir la voie à d’autres parties, d’autant qu’il y a des détenus libanais en Arabie et ailleurs dans le Golfe. La libération des détenus aux Émirats, si elle se concrétise, serait ainsi un premier pas en cette direction.

Le Hezbollah, lui, préfère rester discret sur cette question, mais il ne cache pas sa satisfaction de voir ses relations s’améliorer avec les Émirats et peut-être plus tard, avec d’autres États du Golfe, en particulier avec l’Arabie. Il a en effet en tête la reconstruction des villages du Sud bombardés par les Israéliens, où les destructions sont énormes. Lui-même n’a pas les possibilités de procéder à cette reconstruction, ni l’État libanais non plus. Donc, toute ouverture en direction des États du Golfe ne peut être que dans l’intérêt du Liban en général et des habitants du Sud en particulier. Pour l’instant, l’initiative des autorités émiraties semble un pas positif dans ce sens, et le dossier des détenus libanais est donc un premier test.

Après trois nuits à Abou Dhabi, le chef de l’unité de liaison et de coordination au sein du Hezbollah Wafic Safa est revenu à Beyrouth comme il en était parti, à bord d’un avion privé émirati. Mais sans les sept détenus libanais dont les médias avaient annoncé la libération imminente. Aussitôt, les analyses et les spéculations se sont multipliées, certaines affirmant que la...

commentaires (4)

"Il a en effet en tête la reconstruction des villages du Sud bombardés par les Israéliens, où les destructions sont énormes"... écoute, voilà le truc, je te démarre une guéguerre soutenu par xerxes des temps modernes, tut'fais détruire ton logis et j'appelle mon cousin haï mais riche pour reconstruire plus beau et puis hop... re-belotte dans ... bof dix ans? Ok??

Wlek Sanferlou

13 h 49, le 23 mars 2024

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Commentaires (4)

  • "Il a en effet en tête la reconstruction des villages du Sud bombardés par les Israéliens, où les destructions sont énormes"... écoute, voilà le truc, je te démarre une guéguerre soutenu par xerxes des temps modernes, tut'fais détruire ton logis et j'appelle mon cousin haï mais riche pour reconstruire plus beau et puis hop... re-belotte dans ... bof dix ans? Ok??

    Wlek Sanferlou

    13 h 49, le 23 mars 2024

  • Qui l’eût dit qui l’eût cru. Le parti de dieu aux émirats et bientôt partout, qui sait ? Seuls les chrétiens, dont la situation dans cette région est danger existentiel et en raison des complexes des uns vis-à-vis de Bassil, n’arrivent à converger sur aucun dossier. Des nkeyet mesquines.

    Hitti arlette

    11 h 42, le 23 mars 2024

  • Merci pour un article informatif et analytique. De grands changements sont en cours en géopolitique du Moyen Orient. Ceux qui insistent à vivre dans le déni parceque la vérité ne leur convient pas seront responsables devant leurs lecteurs. Merci encore pour vos articles toujours, à mon avis, impartials et pertinents.

    Raed Habib

    11 h 20, le 23 mars 2024

  • Madame Haddad, SVP laissez un peu d’encens qu’on puisse l’utiliser à bon escient durant la Semaine Sainte. Votre encensement du Hezbollah frôle l’adoration absolue. Vos décryptages sont tout simplement choquants

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 44, le 23 mars 2024

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