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Politique - Magistrature

Ghada Aoun sera-t-elle démise de ses fonctions ?

La procureure générale du Mont-Liban devrait être entendue vendredi par le Conseil supérieur de discipline des magistrats, suite à un recours qu’elle avait porté contre une décision de la destituer prise par le Conseil disciplinaire.

Ghada Aoun sera-t-elle démise de ses fonctions ?

La procureure Ghada Aoun, lors d'une perquisition dans les locaux de la société de convoyage de fonds Mecattaf . Photo ANI

La procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, continue de subir des déboires devant les instances disciplinaires de la magistrature. Après avoir fait l’objet, en mai 2023, d’une décision de destitution de ses fonctions judiciaires, adoptée par le Conseil disciplinaire des magistrats, voilà qu’elle est convoquée pour une audience, prévue vendredi, devant le Conseil supérieur de discipline, auprès duquel elle avait interjeté appel.

Quoique les enquêtes, audiences et toutes autres procédures menées par ces instances soient soumises au sceau du secret, les motifs des poursuites engagées contre la procureure sont en partie connus : perquisitions ultramédiatisées au siège de la société de convoyage de fonds Mecattaf, effectuées devant de nombreux partisans du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) dont elle est proche ; refus de se conformer à une décision prise en juin 2021 par l’ancien procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, de la dessaisir des affaires liées aux crimes financiers ; violation du droit de réserve ; refus de répondre aux convocations du parquet de cassation, etc.

Pour mémoire

Le sort de Ghada Aoun lié à la décision de la Haute Commission de discipline

L’annonce de l’assignation de la juge Aoun a soulevé de vives contestations dans les milieux des avocats qui soutiennent son action contre les banques, enclenchée peu après le début de la crise économique dans le pays en 2019. Dans les milieux bancaires, on s'en est au contraire félicité, d'autant qu'on accuse la magistrate d’être populiste et de traiter les seuls dossiers qui servent le camp aouniste.

La magistrate Aoun avait engagé des poursuites contre l’ex-gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé et procédé à l’arrestation de son frère Raja, en mars 2022, de même qu’elle avait ciblé plusieurs banques libanaises, interdisant à leurs PDG de voyager et de disposer de leurs biens.

Sit-in

Parmi les parties qui considèrent que Ghada Aoun incarne la défense des déposants et la lutte anticorruption susceptible de sanctionner le cartel politico-financier, figure une association nommée Calibre, qui se présente comme « un collectif pour la justice libre ». Avec d’autres acteurs de la société civile, elle a appelé mercredi à se joindre au sit-in organisé vendredi à 9h devant le Palais de justice, en concomitance avec l’audience prévue devant le Conseil supérieur de discipline. Un de ses membres s’insurge via L’Orient-Le Jour contre une éventuelle sanction de la procureure. « Elle a été convoquée pour avoir lancé des avis de recherche et pris des mesures contre les PDG des banques, et pour avoir chargé des experts de vérifier les comptes de ces établissements », s’indigne-t-il, réclamant sous couvert d’anonymat de « libérer la justice et les déposants de l’emprise du système ».

Sensibilisation internationale

Les réactions sont également parvenues de France. William Bourdon, avocat de l'association Sherpa et du collectif des Victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban, a adressé à la procureure du Mont-Liban un message de soutien, saluant « le courage, l’indépendance et le professionnalisme des enquêtes au Liban, qui se sont, dans certains cas, révélées décisives ». « Ces enquêtes et leurs résultats ont également favorisé l’émergence de la vérité en France dans le cadre de l’instruction ouverte sur la plainte que nous avons déposée », a déclaré Me Bourdon.

L’ONG Sherpa avait présenté une plainte contre X devant la justice française en mai 2021 pour soupçons de blanchiment, recel et association de malfaiteurs, « Je vous propose (…) de solliciter les grandes associations professionnelles des magistrats à l’échelon international, et notamment européen, mais également français », a-t-il encore écrit dans son message de sympathie.

Joint par L’OLJ, l’avocat français affirme vouloir mobiliser les syndicats professionnels des magistrats français, notamment l’Union syndicale des magistrats (USM), ainsi que l'Association des magistrats européens pour la démocratie et les libertés (MEDEL), qui représente des juges de plusieurs pays d’Europe. À la question de savoir quel serait le résultat d’une telle sensibilisation, Me Bourdon affirme qu'elle pourrait se concrétiser par « une forme d’expression publique » à travers « un communiqué publié à l’adresse des instances judiciaires et politiques libanaises ».

Le Conseil supérieur de discipline est présidé par le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, et composé de quatre autres juges de cet organisme, Afif Hakim, Habib Mezher, Dany Chebli et Mireille Haddad. Lors de l’audience, l’Inspection judiciaire (IJ) sera vraisemblablement représentée par sa présidente par intérim, Samar Sawwah. Le rôle de l’IJ équivaut à celui du ministère public (parquet) dans les procès ordinaires, consistant à défendre l’intérêt général. La procédure contre Ghada Aoun avait d’ailleurs débuté auprès de cette instance, qui avait alors mené une enquête préliminaire. Elle s’était poursuivie devant le Conseil disciplinaire qui a effectué ses propres investigations, avant de décréter la destitution de la procureure du Mont-Liban. Le Conseil supérieur de discipline devra à nouveau entendre cette dernière et collecter d’autres éléments avant de rendre son jugement. Le verdict définitif se fera donc attendre.

Mettre fin à l’impunité

Selon une source informée, Ghada Aoun (ou sa défense) devrait contester vendredi « son interdiction de poursuivre les dossiers des banques », alors qu’elle considère être compétente pour le faire, en sa qualité de procureure générale du Mont-Liban.

On sait que plusieurs établissements bancaires ont porté des demandes de dessaisissement dont la juge Aoun refuse d’être notifiée. Celle-ci est également visée par des actions en responsabilité de l’État, qui lui ôtent légalement sa mainmise sur les dossiers concernés, du simple fait d’avoir été enregistrés au greffe de l’assemblée plénière de la Cour de cassation.

Le directeur de l’Agenda légal, Nizar Saghiyé, critique « le caractère sévère » de la décision du Conseil disciplinaire, estimant qu'elle n'est pas proportionnelle aux infractions présumées. « Certaines circonstances imposent parfois à des magistrats soucieux de remplir leurs fonctions de continuer à le faire malgré les recours qui les ciblent », indique-t-il. « La juge Aoun est poursuivie parce qu’« elle s’oppose à son interdiction de continuer à traiter les dossiers qu’elle a ouverts, alors que d’autres magistrats ne sont nullement inquiétés pour des dossiers qu’ils ferment », déplore Me Saghiyé.

Quant à l’obligation de réserve due par les magistrats, et que la procureure a été accusée d’enfreindre, l’avocat activiste préconise de « contextualiser les paroles et agissements de tout juge qui lutte pour empêcher l’entrave au cours de la justice », estimant que « mettre fin à l’impunité constitue un intérêt social prioritaire ».

Me Saghiyé critique, par ailleurs, la procédure disciplinaire, telle qu'édictée par la loi. Ainsi, un magistrat ne peut porter un recours devant le Conseil d'État contre les décisions administratives des autorités judiciaires, ce qui, selon l'avocat, ne garantit pas « un procès équitable ».  Le directeur de l'Agenda légal note également que le Conseil supérieur de discipline est composé du président du CSM qui avait lui-même nommé les membres du Conseil disciplinaire. il rappelle aussi que le CSM avait adressé lui-même à l’Inspection judiciaire des plaintes contre la juge Aoun.

La procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, continue de subir des déboires devant les instances disciplinaires de la magistrature. Après avoir fait l’objet, en mai 2023, d’une décision de destitution de ses fonctions judiciaires, adoptée par le Conseil disciplinaire des magistrats, voilà qu’elle est convoquée pour une audience, prévue vendredi, devant...

commentaires (4)

A l’époque du sinistre mandat, cette juge croyait être au dessus des lois parce qu’elle était mandatée par le régime mafieux et s’appelait pareil. Maintenant que ce nom rime avec destructions et corruption elle n’est plus sacralisée par les libanais qui croyaient voir en elle un exemple puisque ses actes étaient ciblés contre certains et pas d’autres. On balaie devant sa porte avant de s’attaquer aux autres. Ceci dit tous ses collègues mafieux qui trônent dans les palais de justice ne valent guère mieux et feraient mieux de la mettre en sourdine par ce que leur tout va bientôt arriver.

Sissi zayyat

11 h 42, le 22 mars 2024

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Commentaires (4)

  • A l’époque du sinistre mandat, cette juge croyait être au dessus des lois parce qu’elle était mandatée par le régime mafieux et s’appelait pareil. Maintenant que ce nom rime avec destructions et corruption elle n’est plus sacralisée par les libanais qui croyaient voir en elle un exemple puisque ses actes étaient ciblés contre certains et pas d’autres. On balaie devant sa porte avant de s’attaquer aux autres. Ceci dit tous ses collègues mafieux qui trônent dans les palais de justice ne valent guère mieux et feraient mieux de la mettre en sourdine par ce que leur tout va bientôt arriver.

    Sissi zayyat

    11 h 42, le 22 mars 2024

  • C’est simple. Tout l’appareil judiciaire au Liban doit être dissous et de nouvelles nominations doivent être effectuées par une commission de la cour internationale

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 02, le 22 mars 2024

  • C'est le monde a l'envers. La justice Libanaise sanctionne ceux qui s'en prennent au mafieux, aux voleurs et aux assassins. L'impunite est le sort des responsables de l'explosion du port, des acteurs du vol des depots, des beneficiaires de la corruption aux plus hauts niveaux de l'etat, des incompetents arrogants et vereux de la gouvernance, de la fonction publique et, y compris, du corps judiciaire. Sans oublier les assassins des opposants politiques. Gibiers de potence.

    Michel Trad

    04 h 00, le 22 mars 2024

  • Libanais, faîtes du ménage au sein des instances judiciaires, auprès du Conseil disciplinaire des magistrats dans un premier temps, sous la coupe du cartel politico- financier.

    peacepeiche@gmail.com

    03 h 56, le 22 mars 2024

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