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Économie - Finance

Une plateforme de trading peut-elle prospecter au Liban sans agrément de l’AMC ou de la BDL ?

Une de ces sociétés qui opère sa propre plateforme de courtage en ligne a organisé un événement de relations publiques à Naccache en février dernier.
Une plateforme de trading peut-elle prospecter au Liban sans agrément de l’AMC ou de la BDL ?

Photo d'un écran de mobile montrant différentes applications de trading en ligne. P.H.B.

Une salle de réception dans la localité urbaine de Naccache (Metn) a hébergé courant février un événement de relations publiques organisé par Taurex, une société appartenant à une catégorie d’acteurs peu présente sur le marché libanais : les plateformes électroniques de courtage en ligne ou de trading.

Son fondateur et PDG Nick Cooke et son directeur pour la région Mena, Amer Zino, étaient tous les deux présents pour présenter la société et faire valoir ses atouts et inaugurer son bureau de représentation installé à Naccache. La marque Taurex regroupe plusieurs entités basées aux Royaume-Uni, en Bulgarie, à Chypre, aux Seychelles et en Sierra Leone. Elle affirme pourvoir offrir plus d'un millier de produits financiers sur 6 catégories d’actifs (devises, matières premières, cryptomonnaies, métaux précieux, etc.). Au Liban, elle possède deux principaux concurrents : Credit Financier Invest (CFI) qui est présent en Jordanie, au Vanuatu, en Égypte, ou encore en Cisjordanie ; et Amana, qui a un pied dans l’État fédéral du Labuan, en Malaisie.

La différence est que contrairement à CFI, qui possède une licence délivrée par la Banque du Liban, et Amana, qui est agréé par l’Autorité des marchés de capitaux (AMC ou CMA, selon l’acronyme anglais), Taurex n’est enregistré auprès d’aucune des deux entités. Une particularité que nous avons pu confirmer directement auprès de Amer Zino. A noter que l’AMC, qui était menacée de fermeture en début d’année suite à un des problèmes liés à son financement, a finalement pu reprendre le travail au prix de quelques ajustements.

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Pas de passage par les banques libanaises

Selon lui, Taurex n’a pas besoin d’obtenir ces agréments même s’il possède un bureau de représentation au Liban parce qu’aucun des services qu’il propose n’est en réalité fourni sur le territoire national. « Nos clients prennent contact avec nous et nous traitons avec eux directement à partir des territoires où Taurex est enregistré en bonne et due forme auprès des autorités financières dont ils dépendent », explique-t-il. « Nous ne passons pas non plus par les banques libanaises », ajoute-t-il. Le secteur bancaire du pays est dysfonctionnel depuis le début de la crise qui y a éclaté en 2019.

Selon les informations disponibles sur son site, Taurex est agréé aux îles Seychelles (via sa société Zenfinex Global Limited), en Sierra Leone (Stochastic Africal SL) et à Saint Vincent et Grenadines, dans les Caraïbes (Zenfinex Global LLC). Aucun des trois pays ne figure sur les listes grise ou noire du Groupe d’action financière, qui regroupe les mauvais élèves en matière de transparence financière, de lutte contre le blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. En février dernier, les Seychelles ont récemment été retirés de la liste noire de l’Union européenne des paradis fiscaux après s’être engagés en 2021 à se soumettre à un examen supplémentaire de leurs systèmes fiscaux par le Forum mondial sur la transparence et l'échange d’informations fiscales. A titre de comparaisom, CFI et Amana sont aussi présents aux Seychelles, à Chypre, à Londres ou encore à Dubaï, en sachant que les Émirats sont sur la liste grise du Gafi.

Première question qui se pose : compte tenu de ses objectifs, Taurex a-t-il besoin d'une licence de l'AMC ? « La société n’effectue aucune transaction au Liban ou à partir de comptes ouverts au Liban et se contente de faire une mise en relation entre le prospect et la société à l'étranger qui détient le compte client. Elle n’a donc pas besoin d’obtenir une licence de l'autorité des marchés de capitaux », explique Walid Kadri, membre du conseil d’administration de la compagnie.

« Dans le cas où l’interaction va plus loin, même s’il s’agit de simples conseils d’investissement, prise d'ordre de marché ou services client mêmes basiques, il faut que la société soit agréée par l’AMC », précise M. Kadri en indiquant qu'une des multiples licences livrables par le régulateur englobe justement les activités de conseil.

Même réponse du côté d’un expert proche de la Banque du Liban. « Tant qu’elle ne se lance pas dans des activités de change ou de banque et qu’il s ‘agit d’une plateforme électronique de trading, c’est l’AMC qui est compétente, pas la BDL », explique-t-elle.

La deuxième question est tout aussi décisive : est-ce que Taurex pouvait, sans licence de l’AMC ou de la BDL, d’organiser un événement dont l'objectif visait clairement à solliciter des clients potentiels sur le marché libanais ? La société ne s’en est pas caché en assurant dans sa communication être en mesure de « démontrer » sa capacité à créer des « opportunités pour les traders au Liban ».

La réponse à cette question fait débat, selon les avis d'un autre expert du secteur financier et d'un dirigeant de banque au Liban, qui se sont exprimés aussi sous couvert d’anonymat.


Réglementation spécifique

Sur le principe, la démarche de Taurex revient à faire la promotion de sa plateforme sur le territoire libanais et pourrait être considérée comme étant en infraction avec la loi et les réglementations locales en vigueur. « Il s’agit tout de même de services financiers pour lesquels une société qui n’est pas agréée vient concurrencer d’autres qui possèdent une licence, en se soustrayant à tout contrôle potentiel », estime le banquier. « Ce n’est pas comme s’il s’agissait de publicité en ligne. C’est de la sollicitation directe », insiste-t-il.

L'expert financier lui prend une approche médiane. « Si l’interaction entre la société et ses clients se résume à son plus simple appareil : à savoir orienter les clients vers un bureau à l’étranger qui se chargera d’établir toutes les démarches liées à l’opération de courtage (introducing brokerage), alors l’événement de relations publiques organisé par la plateforme n’est pas forcément répréhensible en soi. Cependant il y a un texte régissant les communications publicitaires qui devrait être appliqué ». 

Il s'agit de la section D de la réglementation Series 3000  régissant divers aspect de l'activité des sociétés dépendant de l'AMC. Une partie de cette section est consacrée aux "communications directes" dans le cadre de la publicité pour les "titres financiers", et englobe les appels téléphoniques ou encore les interactions directes. 

La troisième source considère qu’en l’état actuel des choses, le fait que Taurex ait organisé un seul événement et se soit arrêté là, clos pour le moment le débat. Jusqu’à la prochaine fois.

A noter enfin que les deux autres plateformes cités dans cet article ont aussi des bureaux de représentation dans des pays où elles ne sont pas enregistrées auprès des autorités financières et que les réponses des experts ne s'appliquent pas aux cas des publicités en ligne ou via les médias traditionnles -télévision et radio - diffusés depuis l'étranger.

Une salle de réception dans la localité urbaine de Naccache (Metn) a hébergé courant février un événement de relations publiques organisé par Taurex, une société appartenant à une catégorie d’acteurs peu présente sur le marché libanais : les plateformes électroniques de courtage en ligne ou de trading.Son fondateur et PDG Nick Cooke et son directeur pour la région Mena, Amer...

commentaires (3)

La question n'est pas lá. La vraie question est pourquoi le cartel des banques n'a pas durant 30 ans (depuis que le courtage en ligne existe) offert á ses clients le service de trading en ligne á un cout abordable.Pour plumer les déposants en les obligeant á passer des ordres manuels hors de prix?Pour les obliger plutôt á épargner et donc pour placer leur argent en Bons du Tresor?Pour les obliger á acheter des actions locales spéculatives et peu liquides?Du fait de l'incompétence?

Moi

13 h 38, le 26 mars 2024

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Commentaires (3)

  • La question n'est pas lá. La vraie question est pourquoi le cartel des banques n'a pas durant 30 ans (depuis que le courtage en ligne existe) offert á ses clients le service de trading en ligne á un cout abordable.Pour plumer les déposants en les obligeant á passer des ordres manuels hors de prix?Pour les obliger plutôt á épargner et donc pour placer leur argent en Bons du Tresor?Pour les obliger á acheter des actions locales spéculatives et peu liquides?Du fait de l'incompétence?

    Moi

    13 h 38, le 26 mars 2024

  • je rajoute que le Liban est l'endroit idéal pour attirer les pigeons, qui se croient des faucons!

    Jack Gardner

    11 h 25, le 26 mars 2024

  • Toute les plateformes de trading sont en un endroit ou les investisseurs amateurs perdent leur argent en pensant que acheter en bas et vendre en haut est simple :) En fait, c'est une arnaque légitime ou le client final n'est pas protégé de sa propre connerie Chacun son metier les gars...

    Jack Gardner

    11 h 23, le 26 mars 2024

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