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Monde - DIPLOMATIE

Sur fond d'accord avec l'Iran, le Niger rompt sa coopération militaire avec les Etats-Unis

La junte à Niamey a été accusée d’explorer la possibilité de permettre à Téhéran l’accès à ses réserves d’uranium, révèle le « Wall Street Journal ».

Sur fond d'accord avec l'Iran, le Niger rompt sa coopération militaire avec les Etats-Unis

Une réunion entre les délégations iranienne et nigérienne menée respectivement par le ministre des Affaires étragères Hossein Amir-Abdollahian et le chef de la diplomatie nommé par la junte Bakary Yaou Sangare, le 24 octobre 2023, à Téhéran. Iranian Foreign Ministry/AFP

Après la France, c’est avec les États-Unis que les chefs militaires nigériens ont décidé samedi soir de suspendre leur collaboration pour lutter contre les groupes jihadistes au Sahel. Une décision éclair, qui intervient après que Niamey a été accusé par des responsables américains d’explorer secrètement la possibilité d’un accord avec l’Iran pour lui permettre d’accéder à ses ressources en uranium, selon le Wall Street Journal. À la tête d’une délégation en visite au Niger la semaine dernière, la sous-secrétaire d’État aux Affaires africaines Molly Phee a eu des discussions tendues avec la junte au pouvoir, soulevant notamment la question d’un potentiel accord avec Téhéran, d’après des sources officielles citées par le quotidien.

Accord en gestation

Le porte-parole des militaires, le colonel Amadou Abdramane, a accusé samedi les responsables américains de « condescendance », leur reprochant de « nier au peuple nigérien souverain le droit de choisir ses partenaires ». Il a en outre rejeté les « allégations mensongères » insinuant que le Niger aurait « signé un accord secret sur l’uranium avec la République islamique d’Iran ».

Ces derniers mois, des officiels américains et occidentaux avaient déjà laissé entendre avoir des informations concernant un accord en gestation entre les deux pays. Washington craignait notamment que les discussions à ce sujet aient avancé durant la visite du Premier ministre nommé par la junte nigérienne à Téhéran, où il a rencontré en janvier le président Ebrahim Raïssi et d’autres responsables iraniens. Selon une source au fait du dossier citée par le Wall Street Journal, les deux parties auraient déjà signé un accord préliminaire autorisant Téhéran à acquérir de l’uranium nigérien, tandis que deux autres responsables ont avancé que le deal n’avait pas encore été finalisé. Enrichi, cet élément sert à alimenter des centrales nucléaires civiles, mais un taux d’enrichissement élevé signale une utilisation militaire, 90 % étant considéré comme le seuil indiqué pour alimenter une bombe atomique. À la suite du retrait unilatéral des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018, la République islamique a repris le développement de son programme atomique en augmentant ses stocks d’uranium et leur enrichissement, préalablement limité à 3,67 % dans le cadre du deal signé en 2015.

Fausses informations ?

Si l’Iran produit à l’heure actuelle suffisamment d’uranium pour alimenter son programme nucléaire, le régime n’a jamais caché sa volonté d’augmenter ses capacités à une échelle plus industrielle, nécessitant pour ce faire de plus larges quantités de cet élément. Une perspective qui inquiète Washington et les Occidentaux, bien que Téhéran ait toujours nié avoir des visées militaires. D’autant plus au moment où « l’axe de la résistance » mené par Téhéran maintient plusieurs fronts actifs en pleine guerre à Gaza, déclenchée il y a plus de cinq mois à la suite des attaques du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Septième producteur mondial en 2022, avec une part de marché de près de 5 %, le Niger compte surtout jusqu’à présent des clients européens. La compagnie française Orano, appartenant majoritairement à l’État, est notamment partenaire de la société nationale nigérienne chargée de l’extraction d’uranium dans le pays. Alors que l’arrivée au pouvoir de la junte – le 26 juillet 2023 après un coup d’État contre le président démocratiquement élu Mohammad Bazoum – a tendu les relations avec Paris, le directeur général d’Orano avait signalé en février que les autorités nigériennes n’envisageaient pas de contrer l’activité de la compagnie française, rapporte le Wall Street Journal. Le porte-parole de la junte a pour sa part rappelé que les États-Unis avaient utilisé de fausses informations quant à la présence d’armes de destruction massive en Irak pour lancer leur offensive sur le pays en 2003. À l’époque, le président américain George W. Bush s’était notamment référé à des renseignements – discrédités par la suite –- affirmant que le dictateur Saddam Hussein avait tenté d’acquérir au Niger de l’oxyde d’uranium, aussi connu sous le nom de « yellowcake », pour son programme nucléaire.

Pour mémoire

La présence de Wagner au Moyen-Orient

Si le porte-parole de la junte nigérienne n’a pas directement appelé au départ des quelque 1 100 soldats et employés américains présents sur place, il a annoncé la fin immédiate de l’accord militaire de 2012 leur permettant de gérer notamment une base de drones à Agadez de près de 110 millions de dollars, censée surveiller les affiliés du groupe État islamique et d’el-Qaëda actifs au Sahel. Pays-clé de la lutte antiterroriste, le Niger avait déjà décidé de cesser toute coopération sécuritaire avec la France, forçant l’Hexagone à retirer plus de 1 500 soldats stationnés dans le pays en décembre 2023. Paris y a vu la main de Moscou, qui a lancé de nombreuses campagnes de désinformation contre les Français en Afrique visant à renforcer son assise auprès de plusieurs régimes militaires de la région, notamment au Mali où est actif le groupe paramilitaire Wagner. Depuis sa prise de pouvoir, la junte s’est en effet rapprochée du Kremlin. En janvier, le ministre russe de la Défense a annoncé un accord pour renforcer la coopération de défense entre les deux pays, tandis que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé la création d’une force conjointe pour lutter contre le terrorisme jihadiste en Afrique de l’Ouest. 

Après la France, c’est avec les États-Unis que les chefs militaires nigériens ont décidé samedi soir de suspendre leur collaboration pour lutter contre les groupes jihadistes au Sahel. Une décision éclair, qui intervient après que Niamey a été accusé par des responsables américains d’explorer secrètement la possibilité d’un accord avec l’Iran pour lui permettre...

commentaires (1)

Le Niger est un pays souverain n'est-ce pas ? Il décide donc librement de ce qui convient à ses orientations économiques, politiques et stratégiques.

HERVE LE ROUX

12 h 00, le 19 mars 2024

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Commentaires (1)

  • Le Niger est un pays souverain n'est-ce pas ? Il décide donc librement de ce qui convient à ses orientations économiques, politiques et stratégiques.

    HERVE LE ROUX

    12 h 00, le 19 mars 2024

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