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Moyen-Orient - Conflit

Port temporaire américain à Gaza : enjeux et précédents

L'objectif est de fournir quotidiennement quelque deux millions de repas ou deux millions de bouteilles d'eau d'ici 60 jours. 

Des marines américains construisent un port temporaire à Bowen, en Australie, le 28 juillet 2023 (Photo David Resnick/U.S. Army)

La technique a fait ses preuves mais nécessite une logistique lourde. L'armée américaine va déployer une "jetée temporaire" au large de la bande de Gaza, censée permettre d'y acheminer enfin de gros volumes d'aide humanitaire. Le président américain Joe Biden a annoncé la semaine passée avoir ordonné l'établissement d'un port de substitution au large du territoire palestinien en guerre.

Quatre bateaux de l'armée américaine ont quitté une base de Virginie (est) mardi en direction de la région. Explications et questions autour d'une structure à vocation humanitaire.

Le projet américain

L'objectif est de fournir quotidiennement quelque deux millions de repas ou deux millions de bouteilles d'eau d'ici 60 jours (dont la moitié seront consacrés à acheminer le matériel depuis la côte Est des Etats-Unis). 

Le projet, confié à la 7e Brigade expéditionnaire de transport basée en Virginie, est "un port maritime temporaire offshore" permettant aux navires militaires ou civils de déposer leur cargaison, expliquait la semaine dernière le général Pat Ryder, porte-parole du Pentagone, lors d'un point presse.

L'aide sera ensuite apportée, par des navires de soutien logistique, jusqu'à une jetée menant vers la côte d'environ 500 mètres de long, et d'une largeur suffisante pour accueillir deux voies simultanées. Le système a été testé en 2023 lors des manœuvres "Talisman Sabre" organisées par les Etats-Unis et l'Australie au large des côtes du Queensland.

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A Gaza, environ un millier de soldats monteront la structure, issue de techniques simples mais réunissant des pièces très lourdes. "Il n'y aura pas de forces américaines déployées au sol", a répété Pat Ryder, évoquant une coordination "avec d'autres nations" pour la distribution de l'aide elle-même.

Les précédents

Un tel procédé a été déployé pour la dernière fois à Haïti, après le tremblement de terre qui avait fait plus de 200.000 morts le 12 janvier 2010. 

Il s'est substitué aux infrastructures portuaires de Port-au-Prince, affaiblies par "des grues à portique renversées, des quais effondrés et des voies maritimes obstruées", rappelle le site internet de l'administration maritime du département américain des transports.

En temps de guerre, le premier avatar d'un tel dispositif remonte au Débarquement de Normandie en 1944 avec le fameux "Port Mulberry", composé d'éléments préfabriqués en Grande-Bretagne et acheminés vers les côtes françaises. 

Une structure "essentielle", selon Salvatore Mercogliano, historien maritime. Les Alliés "envahissaient une plage et ne prenaient pas de port, après les leçons de l'attaque (ratée et meurtrière) sur Dieppe en 1942", rappelle-t-il à l'AFP. 

Un système similaire a aussi été utilisé pendant la guerre du Vietnam, au large de Danang (centre), dans les années 60.

Alternative au largage aérien

Le largage aérien "est précis et rapide, mais limité dans sa capacité pour certains types d'approvisionnements", estime sur X le général américain à la retraite Mark Hertling.

"C'est aussi relativement cher. Après le déploiement dans la zone de parachutes onéreux et de GPS, il est difficile de les récupérer", ajoute-t-il, plaidant en faveur du port temporaire.

Pour Salvatore Mercogliano, recourir à un port temporaire, "ce n'est pas rapide, cela ne livrera pas des quantités énormes, mais comparé à rien ou à des largages, c'est une grosse amélioration". 

Il serait pourtant "bien plus facile" de laisser entrer l'aide par voie terrestre, ajoute-t-il. Mais cette option est bloquée sur le plan politique. 

Construire un port temporaire, "c'est la solution la plus compliquée", abonde à cet égard Michel Goya, colonel à la retraite et historien militaire français.

En 1944, l'un des deux ports Mulberry a été détruit par une tempête. Mais les marées limitées et la météo clémente de la Méditerranée devraient faciliter l'utilisation de ces "gros blocs attachés les uns aux autres", ajoute-t-il.

La sécurité en question

Reste à sécuriser le complexe dans une zone sous haute tension. "Nous allons nous concentrer sur la sécurité de nos hommes, ainsi que le travail avec nos partenaires de la région pour assurer que l'aide soit délivrée de façon sûre", a admis Pat Ryder.

"Est-ce que le Hamas va laisser faire, viser les jetées, les quais flottants, les navires approchant ? Ce n'est pas une question à prendre à la légère", prévient Salvatore Mercogliano. 

Une telle structure, fixe et massive, est forcément exposée à une attaque ennemie. Mais il paraît improbable que le mouvement islamiste palestinien, au pouvoir à Gaza depuis 2007, attaque une structure qui délivre de l'aide à sa propre population.

"Le risque serait aussi de provoquer une opération américaine contre le Hamas" en riposte, note Michel Goya, qui prévoit que Washington devrait déployer à proximité "un porte-hélicoptère d'assaut" et éventuellement un porte-avion et son groupe aéronaval pour intervenir en cas de menace.

La technique a fait ses preuves mais nécessite une logistique lourde. L'armée américaine va déployer une "jetée temporaire" au large de la bande de Gaza, censée permettre d'y acheminer enfin de gros volumes d'aide humanitaire. Le président américain Joe Biden a annoncé la semaine passée avoir ordonné l'établissement d'un port de substitution au large du territoire...

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