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Culture - Entretien

La soprano Julie Fuchs à Beyrouth : Je suis, d’une certaine manière, en couple avec ma voix

La soprano française, qui se produira les 14 et 15 mars au Festival al-Bustan, raconte à « L'Orient-Le Jour » son rapport avec sa voix, l’outil essentiel qui lui permet de se consoler, de voyager et de s’immerger dans l’œuvre des grands génies de la musique. Elle évoque également son lien particulier avec l’humour, sa passion pour Mozart, et démystifie l’image intimidante de l’opéra. Rencontre.

La soprano Julie Fuchs à Beyrouth : Je suis, d’une certaine manière, en couple avec ma voix

La soprano française Julie Fuchs. Photo Sarah Bouasse

Julie Fuchs, comment avez-vous découvert votre voix ?

Mon premier contact avec la musique s’est fait à travers le violon que j’ai commencé à jouer à sept ans. Instinctivement, je me suis mise à lire les partitions en chantant, ce que mes professeurs trouvaient plutôt bien. Cependant, c’est à Avignon, en découvrant l’opéra, que le véritable coup de foudre s’est produit. J’ai compris à ce moment-là que ma voix était l’outil qui me permettrait de me consoler, de voyager et, surtout, de m’immerger dans l’œuvre de génies musicaux.

Quel est votre rapport avec votre voix ?

Je pourrais le comparer à une relation de couple, avec toutes ses nuances. On peut choisir de partir quand ça ne fonctionne pas, de considérer sa voix comme un ennemi ou, au contraire, de travailler ensemble pour s’améliorer, se poser des questions et essayer de se faire confiance. C’est exactement le même lien que j’entretiens avec ma voix. On traverse différentes périodes, parfois compliquées, mais rien ne peut égaler la relation entre un chanteur et sa voix. Ma voix est mon baromètre, mon gouvernail. Elle me guide à travers ma vie, que ce soit en amont, inconsciemment, ou en aval, lorsque je prends conscience de mes choix. Ma voix est le reflet de ma vie, de l’évolution de mon corps de femme et de maman.

Pour le concert au Liban, Julie Fuchs chantera des airs d’opéra connus, de Joni Mitchell à Mozart en passant par Bizet et Rossini. Photo DR

Comment prenez-vous soin de votre voix ?

J’ai traversé des périodes de colère envers ma voix, surtout lorsque je tombais malade en voulant jouer continuellement. Aujourd’hui, j’essaie de tirer des leçons de ce que ma voix traverse, en appréciant le chemin parcouru. Je me dis : « Aujourd’hui ne ressemble pas à hier et ne ressemblera pas à demain. Pourquoi ? Comment puis-je vivre cette difficulté ? » Cela me permet de devenir meilleure en comprenant comment résoudre ces défis. C’est une relation d’apprentissage et lorsque je suis malade cela m’oblige à être douce avec moi-même, indulgente à une leçon difficile pour ceux éduqués dans la perfection musicale.

Vous venez d’un milieu classique exigeant. Qu’est-ce qui, pour vous, définit une grande voix ?

Dans la musique classique, surtout dans l’opéra, ce qui me touche, c’est la fusion entre la voix et le rôle. Une voix seule peut avoir un beau timbre, mais cela ne suffit pas. C’est comme voir un vêtement bien cousu, cela peut être esthétiquement plaisant, mais pas nécessairement émouvant. Ce qui m’émeut, c’est d’entendre par exemple Violetta chantée par une voix qui apporte une couleur unique à ce rôle. Une voix seule, avec une perspective classique et esthétique, ne me convainc pas. Ce qui me touche, c’est quand une voix me permet d’entrer en intimité avec l’artiste, révélant quelque chose que nous avons tous tendance à dissimuler.

L’opéra requiert plus que le chant. Comment abordez-vous le théâtre, le mouvement, voire la danse que l’opéra implique ?

Rencontrer un metteur en scène est une expérience enrichissante en tant qu’artiste et chanteur. Explorer la subtilité de la compréhension humaine est une chance incroyable. C’est cela qui permet la création de chefs-d’œuvre. Ce qui me passionne, ce n’est pas simplement la puissance ou la hauteur vocale, mais comment transmettre une subtilité ou une émotion à travers une inflexion de voix, des mouvements du corps et aussi un rôle qu’on investit.

L’humour a occupé une place importante dans votre parcours, notamment avec l’opéra-comique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Au début, les gens ont remarqué ma facilité à jouer et mon plaisir à ne pas me prendre au sérieux. Ne pas se prendre au sérieux, c’est ce qui me plaît, en fait. C’est avoir la capacité de prendre du recul, de se moquer de soi-même si nécessaire, de ne pas être toujours sérieux. Cela m’a valu plusieurs rôles. Faire pleurer est facile pour un chanteur d’opéra, mais faire rire demande une autre dimension. C’est aussi une façon de se détendre par rapport à notre milieu et notre répertoire.

La soprano Julie Fuchs. © Gérard Uféras

Vous avez consacré un album à Mozart en 2022, « Amadé ». Pourquoi lui et comment avez-vous abordé cet exercice périlleux ?

Pas du tout périlleux pour moi, étrangement. J’attendais depuis des années de réaliser cet album. Avec le label, cela a été un peu compliqué au départ, mais j’ai pris les choses en main et produit l’album de A à Z. Cela ne m’a pas fait peur, car c’est vraiment mon répertoire. J’ai grandi avec Mozart, et j’ai voulu présenter un Mozart plus intime, loin de l’image imposante de la musique classique. J’ai voulu montrer un homme au talent exceptionnel, capable de donner de la beauté à des choses apparemment insignifiantes. C’est cela que j’adore chez Mozart. Le disque s’appelle Amadé en référence à une partie de son prénom.

L’opéra peut sembler intimidant. Que diriez-vous aux Libanais, surtout qui se sentent intimidés par ce genre ?

Je ne sais pas ce que pensent les gens, mais je suis consciente des clichés véhiculés. C’est pourquoi j’ai lancé l’initiative « Opera is Open » sur les réseaux sociaux. L’idée est de faire gagner des billets pour l’opéra, avec pour condition qu’une des deux personnes présentes vienne pour la première fois. Les retours que j’ai eus de ces personnes, qui étaient émues et surprises, montrent la réalité de ceux qui découvrent l’opéra. Peut-être qu’ils n’ont pas tout compris, mais ils ont ressenti une émotion et c’est cela qui compte.

Vous êtes très active sur les réseaux sociaux. Comment cela contribue-t-il à rapprocher le public de l’opéra ?

C’est un équilibre délicat. L’opéra peut sembler cher, long, avec ses propres codes, mais les gens ne sont pas informés. Le problème réside dans la visibilité de l’opéra et les préjugés associés. L’opéra a des mises en scène modernes, des sous-titres et propose des tarifs avantageux si l’on s’y prend à l’avance. En prenant les choses en main, en tant qu’artiste vivant réellement cette expérience, je veux montrer une autre facette de l’opéra, loin du simple « venez, ça va être super ! ». J’ai commencé le violon à sept ans sans être issue d’une famille de musiciens. Si cela a fonctionné pour moi, cela peut fonctionner pour d’autres.

Qu’avez-vous prévu pour le récital du 14 mars au Festival al-Bustan ?

La première partie du programme sera une sélection de ma tournée en cours. Pour le concert au Liban, on nous a demandé d’inclure des airs d’opéra plus connus, de Joni Mitchell à Mozart en passant par Bizet et Rossini. Ce sera une performance spéciale pour le public libanais.

Venir à Beyrouth en ces temps tumultueux ne vous inquiète pas ?

Honnêtement, ce sont plus les autres qui s’inquiètent pour moi lorsque je dis que je viens au Liban que moi-même. J’ai confiance en ceux qui m’invitent. Si on me dit de venir, c’est que c’est sûr. Ce sera ma première fois, et j’espère avoir un peu de temps pour découvrir Beyrouth, une ville que je ne connais pas du tout. Je suis également impatiente de rencontrer un nouveau public.

Julie Fuchs, comment avez-vous découvert votre voix ?Mon premier contact avec la musique s’est fait à travers le violon que j’ai commencé à jouer à sept ans. Instinctivement, je me suis mise à lire les partitions en chantant, ce que mes professeurs trouvaient plutôt bien. Cependant, c’est à Avignon, en découvrant l’opéra, que le véritable coup de foudre s’est produit. J’ai...

commentaires (1)

Elle est en couple avec sa voix? Tant mieux pour elle. Elle n’aura pas besoin de conjoint alors ? :) :)

LE FRANCOPHONE

15 h 54, le 13 mars 2024

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Commentaires (1)

  • Elle est en couple avec sa voix? Tant mieux pour elle. Elle n’aura pas besoin de conjoint alors ? :) :)

    LE FRANCOPHONE

    15 h 54, le 13 mars 2024

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