
Des membres du Hezbollah lors des funérailles d'un combattant du parti tué suite à des bombardements israéliens au Liban-Sud, le 21 octobre 2023. Photo Mohammad Yassine
« Nous prions pour le Liban-Sud, ses enfants, ses habitants, ses femmes et pour les hommes de la Résistance ». Ces propos n’ont pas été prononcés par un partisan déclaré du Hezbollah, qui est engagé depuis le début de la guerre de Gaza dans des combats à la frontière libano-israélienne contre l’État hébreu. Ils ont été tenus par une religieuse, sœur Maya Ziadé, devant des élèves de primaire à l’école de l'Immaculée conception de Ghbalé, dans le Kesrouan, selon une vidéo qui a fait le tour de la toile. Des propos qui ne lui ont pas valu son renvoi, mais qui ont suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux.
راهبة تطلب من تلاميذ مدرسة في الغبالة الصلاة لـ #الجنوب ولرجال #المقاومة pic.twitter.com/H4DW22aeRm
— LebanonOn (@LebanonOnNews) March 9, 2024
« La semaine dernière, nous avons abordé la question suivante : comment construire un pays si on ne sait pas aimer », rappelle d'abord la religieuse, debout sur la première marche d’un escabeau dans un couloir de l’école devant des dizaines d’enfants. Avant de se laisser emporter, en élevant sa voix et son index : « Dans le Sud, des enfants de votre âge disent qu’ils n’ont pas de rêves autres que la protection de notre territoire. Aujourd’hui, nous prions pour le Sud, ses enfants, ses habitants, ses femmes et pour les hommes de la Résistance… ».
« Des hommes du Liban »
Face aux écoliers et enseignantes qui les accompagnent, soeur Maya Ziadé ne revient pas sur ses propos : « J’assume ce que je dis, parce que ce sont des hommes du Liban. Des hommes qui se fatiguent pour protéger le pays. Si nous ne prions pas pour eux et ne les aimons pas, en dépit de ce à quoi on pense, nous sommes des traîtres à l’égard de notre territoire, de notre pays et de tout livre que nous lisons ».
Cet engagement à l’égard de la population de Gaza, à laquelle le Hezbollah apporte son soutien depuis le Liban, transparaît aussi sur les réseaux sociaux de la religieuse. Près de deux semaines après le début de la guerre Hamas-Israël, sœur Maya Ziadé a posté sur sa photo de profil des vers pro-Palestine du poète syrien Nizar Kabbani : « Le viol de la terre ne nous effraie pas (…) vous avez coupé les arbres par la cime, mais les racines sont restées ».
Bassil affiche sa solidarité avec la sœur
Sur la toile, l’engagement de la religieuse ne fait pas l’unanimité. Plusieurs internautes, dont le député de Batroun Gebran Bassil, ont salué ses propos, estimant qu’ils ne vont pas à l’encontre des valeurs chrétiennes. « Que sœur Maya Ziadé demande à ses élèves de prier pour le Sud, ses hommes, ses femmes, ses enfants et ses martyrs, est une application des enseignements du Christ », a réagi le chef du Courant patriotique libre lundi.
Il a également estimé que « celui qui meurt en martyr pour le Liban est un martyr pour le pays ». « Nos martyrs dans le Sud sont des martyrs libanais, même si nous sommes opposés au slogan ‘Martyrs sur la route de Jérusalem’ », a-t-il ajouté, dans une référence à l’expression utilisée par le Hezbollah pour annoncer la mort de ses membres dans les combats avec Israël. Selon notre décompte, au moins 242 combattants du parti chiite ont été tués depuis le début des affrontements à la frontière israélo-libanaise, le 8 octobre 2023.
« Incitation contre des personnalités chrétiennes »
Cette affaire a également fait réagir l'évêque grec-orthodoxe de Sebastia à Jérusalem, Atallah Hanna. « Des parties suspectes cherchent à inciter contre les personnalités chrétiennes qui défendent la Palestine », a-t-il estimé sur sa page Facebook.
La religieuse « n’a pas demandé qu’on aille combattre avec eux (les combattants de la résistance, ndlr), mais qu’on prie » pour eux, s’est encore insurgée une internaute sur X. D’autres ont réalisé un montage photo de la religieuse face à un combattant du Hezbollah, estimant qu’elle est une « résistante orientale du Liban ».
Certains internautes ont estimé en revanche que la religieuse ne peut afficher son soutien aux combattants du Hezbollah dans un cadre scolaire. Un point de vue également partagé par des parents excédés par ses propos. « Il est vrai que sœur Maya a appelé les élèves à prier, mais elle ne peut se permettre de parler de politique à nos enfants, même dans le cadre de la catéchèse », a dénoncé une mère à notre publication sous couvert d'anonymat.
Quid du sort de la religieuse ?
Contactée par notre publication, la direction de l’école de l'Immaculée conception, qui accueille uniquement des élèves jusqu’à la classe de 6ème, s’est abstenue de tout commentaire. La religieuse n’a pas non plus fait suite à nos demandes de commentaire.
Une source informée, qui a requis l’anonymat, a indiqué à notre publication que sœur Maya ne fait pas partie du cadre professoral de l’établissement, mais de la Congrégation italienne des sœurs de l'Immaculée conception qui ont fondé l’école, ce qui lui permet d'adresser occasionnellement aux élèves des messages catéchétiques. Elle a également précisé que la religieuse n'a pas été renvoyée, contrairement aux informations qui ont circulé sur les réseaux.
Que cette personne s’occupe de religion et non de politique. J’aimerais bien voir sa tête lorsque le projet initial du Hezbollah de transformer le Liban en république islamique se concrétisera. Elle n’a qu’à aller prêcher en Iran, elle verra ainsi de ses propres yeux la tolérance de ceux pour qui elle veut prier
10 h 22, le 14 mars 2024