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Politique - Repère

Vacance, intérim, prorogation : la République libanaise en lambeaux

Près de la moitié des postes de première catégorie sont vacants au Liban, selon une étude du cabinet de statistiques « Information International » menée fin 2023. 

Vacance, intérim, prorogation : la République libanaise en lambeaux

De gauche à droite : le directeur par intérim de la Sûreté générale Élias Baïssari, le gouverneur par intérim de la Banque du Liban Wassim Mansouri, le commandant en chef de l'armée libanaise Joseph Aoun, le chef d’état-major de l'armée libanaise Hassane Audi, le procureur général près la Cour de cassation Jamal Hajjar. Photo montage Jaimee Haddad

Le Liban est sans président depuis octobre 2022. Son gouvernement expédie les affaires courantes depuis mai 2022. Ses députés désertent, par moments, le Parlement. Et pourtant, ses institutions continuent de fonctionner, plutôt mal que bien. Comment ? Par intérims, nominations douteuses ou prorogations.

Depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre 2022, la succession à plusieurs postes-clés de l’État, liés autant à la sécurité qu’à la justice et aux finances, a été pourvue de la sorte afin de tenter de limiter la casse dans un pays en plein effondrement structurel, non sans créer des remous politiques et confessionnels. Si un maronite a remplacé un chiite à la tête de la Sûreté générale en mars, l’inverse s’est produit quelques mois plus tard à la Banque du Liban (BDL).

Ces solutions alternatives, souvent sources de polémiques et mises en place à la dernière minute, viennent s’ajouter à une série de vacances de postes de fonctionnaires, ainsi qu’au blocage, depuis avant même la fin du mandat Aoun, de permutations de postes diplomatiques de première et deuxième catégories et de nominations judiciaires.

Infographie Jaimee Haddad

Retour sur les dernières prorogations, désignations et successions par intérim décidées ces derniers mois pour combler la vacance de postes-clés, en pleine crise présidentielle au Liban.

À la tête de la Sûreté générale : Élias Baïssari

Début 2023, la question de la succession de Abbas Ibrahim à la tête de la Sûreté générale (SG) est sur toutes les lèvres, alors qu’il atteint l’âge de la retraite. Il est notamment question de la prorogation de son mandat, soutenue par le Hezbollah, une idée finalement abandonnée. Élias Baïssari est alors nommé directeur général par intérim, le 3 mars 2023, sur la base d’une décision du ministère de l’Intérieur. Pour garantir cette succession, le mandat de ce haut gradé de la SG, chargé de l’administration du bureau de Abbas Ibrahim, et qui approche lui aussi de la retraite, est prorogé de neuf mois.

Avec cet intérim, M. Baïssari, qui est maronite, occupe un poste réservé aux chiites depuis la fin des années quatre-vingt-dix.

Pour mémoire

Vacance présidentielle : quatre précédents dans l'histoire du Liban

En novembre 2023, le mandat du général Baïssari a une nouvelle fois été renouvelé pour un an. Il restera donc en poste jusqu’en décembre 2024. Si un nouveau président n’est pas élu, le directeur par intérim de la SG pourrait à nouveau voir son mandat être prorogé, le gouvernement Mikati, chargé d’expédier les affaires courantes, n’étant pas habilité à nommer un nouveau directeur du service de sécurité.

Aux rênes de la Banque du Liban : Wassim Manssouri

Il a accédé, malgré lui, à la tête de la BDL le 31 juillet 2023. Sa nomination est intervenue après trente ans de mandats successifs de Riad Salamé, dont la fin a été marquée par une crise économique inédite et des accusations, au Liban et à l’étranger, de détournement de fonds publics.

En mai 2023, le secrétaire général du Hezbollah avait déjà pavé la voie à la succession de Riad Salamé. Hassan Nasrallah avait estimé qu’il n’y aurait pas de prorogation du mandat ni de désignation d’un successeur, laissant entendre qu’il faudrait, comme cela avait été le cas avec la direction de la SG, que le premier vice-gouverneur, un chiite, prenne la tête par intérim de la banque centrale, généralement dirigée par un maronite.

Avant d’occuper son poste, Wassim Manssouri avait émis certaines conditions pour qu’il puisse mener à bien sa mission. Il a ainsi requis une couverture légale pour continuer de puiser dans les réserves obligatoires de la BDL et une coopération entre l’exécutif et le législatif pour pouvoir mettre en place les réformes requises par le Fonds monétaire international (FMI) afin de débloquer son aide financière au Liban.

Au commandement de l’armée : Joseph Aoun prorogé

La prorogation de son mandat a été votée par le Parlement à la mi-décembre 2023 et confirmée par le gouvernement Mikati quatre jours plus tard. Le commandant en chef de l’armée libanaise, Joseph Aoun, était censé quitter ses fonctions le 10 janvier, mais a finalement été maintenu à son poste après que les députés ont approuvé le report d’un an du départ à la retraite des généraux à la tête des services de sécurité. Le chef d’état-major, qui devait normalement lui succéder par intérim, avait déjà pris sa retraite en décembre 2022.

Avant d’être approuvée, la prorogation du mandat de Joseph Aoun s’est heurtée à plusieurs obstacles, notamment au veto chrétien du chef du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil, qui entretient des liens tendus avec le chef de l’armée, perçu comme un prétendant sérieux à la présidentielle. Début janvier, la formation aouniste a aussi présenté un recours en invalidation de la loi votée au Parlement, mais le numéro un de l’institution militaire a été maintenu à son poste, les débats au sein du Conseil constitutionnel ayant débouché sur une non-décision.

Selon plusieurs observateurs, le maintien de Joseph Aoun lui permet de rester dans la course à Baabda, en attendant le règlement politique régional de l’après-guerre à Gaza.

Hassane Audi à l’état-major

Le Conseil des ministres a nommé Hassane Audi à l’unanimité des présents, le 8 février 2024, au poste de chef d’état-major, qui était vacant depuis décembre 2022, en dépit d’un refus chrétien de voir le cabinet sortant procéder à des nominations en pleine vacance à la tête de l’État.

Le cabinet a étudié le dossier en se basant sur une étude établie par le secrétaire général du Conseil, Mahmoud Makkiyé, pour éviter le vide au sein de l’armée. Dans l’un de ses points, elle met en avant le fait que les circonstances de la guerre entre le Hezbollah et Israël au Liban-Sud nécessitent de nommer un chef d’état-major.

La nomination de l’officier druze, qui serait le fruit de contacts entre le leader druze Walid Joumblatt et le chef des Marada Sleiman Frangié, a eu lieu malgré le boycott du Conseil par les ministres aounistes, dont le premier concerné, le ministre de la Défense Maurice Slim, et conformément à la volonté du commandant en chef de l’armée.

Jamal Hajjar, procureur général

Le président du Conseil supérieur de la magistrature, Souheil Abboud, l’a nommé au poste de procureur général près la Cour de cassation par intérim le 20 février 2024, le gouvernement ne pouvant procéder à des nominations qui ne font pas partie des affaires courantes en l’absence d’un président de la République.

Jamal Hajjar a succédé à Ghassan Oueidate, deux jours avant que ce dernier n’atteigne l’âge de la retraite. La succession de M. Oueidate, qui avait engagé des poursuites contre le juge Tarek Bitar, en charge de l’enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth, était attendue par les proches des victimes du drame.

Le chef temporaire du parquet présidait la 7e chambre pénale de la Cour de cassation.

Plus de 48 % des postes de première catégorie vacants

Selon une étude menée fin 2023 par « Information International » (« al-Douwaliya lil-Maaloumat ») et fournie à notre publication par Mohammad Chamseddine, chercheur au sein du cabinet de statistiques, 97 postes de première catégorie sur 202 sont vacants au Liban. Dans le détail, 41,9 % de ces postes sont réservés aux chrétiens, 48 % aux musulmans. Le reste entre dans la catégorie des non-définis.

« Les postes de première catégorie sont répartis de sorte à garantir un équilibre confessionnel. Mais si la vacance présidentielle s’éternisait et les nominations se poursuivaient de cette manière, cela pourrait conduire à fausser le jeu de la représentation confessionnelle », prévient M. Chamseddine.

Le Liban est sans président depuis octobre 2022. Son gouvernement expédie les affaires courantes depuis mai 2022. Ses députés désertent, par moments, le Parlement. Et pourtant, ses institutions continuent de fonctionner, plutôt mal que bien. Comment ? Par intérims, nominations douteuses ou prorogations.Depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre 2022, la succession à plusieurs...

commentaires (3)

Prénom: Liban, Nom de famille: Intérim Occupation: Mendiant ...

Wlek Sanferlou

13 h 57, le 23 février 2024

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Prénom: Liban, Nom de famille: Intérim Occupation: Mendiant ...

    Wlek Sanferlou

    13 h 57, le 23 février 2024

  • Le HB a maintenu Salamé en connaissance de cause. Il a voulu assécher les caisses et dépouiller le pays et ses institutions pour s’imposer comme le seul financier auprès de ses partisans qui paient de leur vie les aides qui leur sont accordées par une milice financée par un pays étranger. Cela ne choque personne et HN continue à souffler le chaud et le froid en se comportant tel le propriétaire de notre pays. L’autre niais qui affiche le V de la victoire, comme pour nous rappeler que lui et le pire de tous sont arrivés à leur but de détruire leur propre pays sans vergogne et sans contradicteur

    Sissi zayyat

    10 h 56, le 23 février 2024

  • Vous parlez encore de république libanaise.! C’est une blague de mauvais goût. Un État qui s’est endetté à outrance et qui ne respecte aucun de ses engagements en voulant effacer ses dettes sur le dos des banques et des déposants ne mérite même pas d’exister. Le Liban doit être mis sous tutelle internationale. Tous ses politiciens, ses fonctionnaires et apparentés doivent être congédiés pour être jugés par une cour de justice internationale. Seule l’armée nationale, la Sûreté Générale et quelques services des FSI doivent demeurer. Tous les autres doivent dégager

    Lecteur excédé par la censure

    21 h 30, le 22 février 2024

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