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Du sable dans la poudre


Si la guerre de Gaza est à nulle autre pareille, ce n’est pas seulement en raison du méthodique massacre qu’y subit, depuis plus de quatre mois, la population locale. C’est aussi à cause de la lourde équivoque qui n’a pas fini d’entourer les tenants et aboutissants de ce conflit, à commencer par l’effroyable ampleur de la tuerie. À partir de quel chiffre en effet le bilan humain aura-t-il enfin enfoncé le seuil de tolérance, honteusement élastique, qu’observe la communauté internationale ?

Les mêmes et angoissantes interrogations s’imposent quant aux motivations et objectifs réels de cette guerre, dont il semble se confirmer toutefois qu’ils vont bien au-delà d’une insatiable soif de vengeance animant Benjamin Netanyahu ; ou alors de sa volonté de différer à n’importe quel prix le moment où il aura à rendre des comptes à la justice, comme aux électeurs israéliens. L’annonce d’une imminente offensive terrestre contre ce dernier carré que représente la ville de Rafah, où s’entassent près d’un million et demi de civils ayant fui la zone des combats, a soudain donné sinistre consistance à un plan de dépeuplement intégral de la bande de Gaza. En revenant apparemment sur son refus indigné d’héberger les déportés ; en faisant même aménager à la hâte des villages de tentes hermétiquement fermés sur un pan de désert du Sinaï jouxtant la frontière avec ce territoire palestinien, le président égyptien Abdel- Fattah el-Sissi arguera sans doute de ses considérations strictement humanitaires, ne pouvant tout de même contempler en spectateur le sacrifice de toute cette innocente chair à canon. Il n’empêche que le raïs prendrait là un énorme risque politique : aussi énorme peut-être, dans l’actuel climat de fièvre, que celui qu’assumait son lointain prédécesseur, Anouar Sadate, assassiné pour avoir conclu un traité de paix avec Israël.

Comment un si impensable transfert de population peut-il seulement être envisagé après tous les exodes sans possibilité de retour qu’a connus le peuple palestinien ? Par quelle aberration, le monde, Amérique en tête, laisserait-il se concrétiser une telle ignominie dans le même temps qu’il entreprend de dépoussiérer le projet d’une solution à deux États en Palestine, comme s’en affole le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés ?

L’absurde de la situation n’épargne guère hélas notre pays qui, sans que son gouvernement ou son peuple l’ait jamais voulu, se retrouve quasiment en première ligne dans l’actuel bras de fer avec Israël. Ce sera sang pour sang, s’écriait hier Hassan Nasrallah, laissant clairement entendre qu’en riposte aux derniers raids ennemis qui ont fait des victimes parmi les civils, sa milice ne s’astreindra pas désormais, elle non plus, à ne cibler que des positions militaires. En somme, le Hezbollah accuse Israël d’avoir triché en dérogeant à ce que l’on appelle assez cyniquement la règle du jeu. Comment et par qui ont été convenues, définies, établies les normes de l’affrontement, on ne le sait évidemment pas. En revanche, point n’est besoin d’être expert pour constater que les enchères de la bataille ont dangereusement bondi à la hausse. Que le sanglant ping-pong à la frontière sud devra nécessairement requérir très vite une codification nouvelle pour éviter la guerre totale. Que la partie reste invariablement à la merci du premier faux pas, du raid qui était de trop. Du minuscule grain de sable dans la machine que l’on croyait bien huilée.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Si la guerre de Gaza est à nulle autre pareille, ce n’est pas seulement en raison du méthodique massacre qu’y subit, depuis plus de quatre mois, la population locale. C’est aussi à cause de la lourde équivoque qui n’a pas fini d’entourer les tenants et aboutissants de ce conflit, à commencer par l’effroyable ampleur de la tuerie. À partir de quel chiffre en effet le...