Rechercher
Rechercher

Culture - Spectacle

« Al-Souk al-oumoumi » : une plongée musicale dans les quartiers chauds de Beyrouth

Le nouveau musical de Metro al-Madina nous invite à nous interroger sur la véritable nature des corrompus. Est-ce les prostituées qui ne font que dispenser un service, ou les politiciens qui n'en rendent aucun ?

« Al-Souk al-oumoumi » : une plongée musicale dans les quartiers chauds de Beyrouth

Une scène d'« al-Souk al-oumoumi ». Photo Peter Houaiss

La dernière création de Metro al-Madina, al-Souk al-oumoumi, écrite et mise en scène par Hicham Jaber, est entrée en scène le 11 janvier. Oubliez Hishik Bishik,  il y a un nouveau spectacle de cabaret en ville, et il est bien parti pour vous faire voyager dans le temps. L’itinéraire ? L’enseigne au néon indique : « Le quartier rouge de Beyrouth. »

Connu pour son talent à transformer une histoire oubliée en spectacle festif et collaboratif, Metro al-Madina récidive. Al-Souk al-oumoumi – qui signifie « marché public » en arabe – ressuscite le célèbre quartier chaud de Beyrouth, appelé Zaytouné, qui a prospéré après que le mandat français a légalisé le commerce du sexe en 1931. Après avoir réglementé la politique et les impôts, le mandat a en effet étendu ses compétences aux maisons closes, aux bars et aux femmes de compagnie.

Imaginez des lois interdisant aux travailleuses du sexe de s'approcher des écoles ou des lieux de culte, leur imposant des visites obligatoires chez le médecin toutes les deux semaines et des codes vestimentaires stricts. Si vous pensiez que votre travail était soumis à des règles bizarres, détrompez-vous. N'oublions pas non plus les horaires distincts réservés à l'armée française et aux hommes de la région, car un conflit d'horaires entre les soldats et les habitants de la région est la dernière chose dont on ait besoin.

Les filles de joie dans le quartier chaud de Beyrouth. Photo Peter Houaiss

Tout au long des deux heures de sketchs pleins d'esprit ressemblant à des tableaux en mouvement, les 12 membres de la troupe d'al-Souk al-oumoumi  racontent l'histoire de quelques-unes des femmes qui ont contribué à mettre du piquant dans les maisons closes de Beyrouth dans les années 1950.

La pièce débute avec trois personnages principaux, le dos tourné au public, chevauchant de manière provocante des chaises, rappelant une danse érotique. Cela donne le ton d'un récit qui explore les histoires d'amour non conventionnelles de ces personnages, en se penchant sur les luttes de classes et les circonstances qui conduisent les femmes libanaises à exercer une profession souvent mal vue. La conclusion dramatique du spectacle, qui implique un crime passionnel, établit des liens poignants entre les aspects historiques du souk et la guerre des mœurs contemporaine qui entoure le travail du sexe.

Les paradoxes entourant le rôle des femmes dans leur propre prostitution et de la caution accordée par le gouvernement à ce marché sont également abordés.

On l’aura compris, al-Souk al-oumoumi ne se contente pas de divertir ; il offre un aperçu des aspects socio-économiques de ce que l'on appelle l'« âge d'or » du Liban dans les années 1950, lorsque le pouvoir en place a fermé les yeux sur l'illégalité en la légalisant.


Lire aussi

« Hichik Bichik », bateau ivre de joie sur le port de Jbeil

Dans un monde où la plus ancienne profession est encore stigmatisée, ce spectacle nous invite à nous demander qui sont les véritables corrompus – les travailleurs du sexe qui ne font que dispenser un service, ou les politiciens qui n'en fournissent aucun ? La conclusion de la pièce nous incite à nous demander si nous comprenons vraiment l'histoire alambiquée qui nous a conduits jusqu'ici.

Les machines à remonter le temps sur scène

Metro al-Madina, qui joue à guichets fermés depuis l’inauguration de ce spectacle, prouve une fois de plus que la nostalgie fonctionne. Alors que nous sommes occupés par nos smartphones, nos emplois sous-payés et la peur existentielle de voir s'effondrer les piliers de sécurité les uns après les autres, ce spectacle nous transporte à une époque où les seules choses qui s'effondraient étaient les normes sociétales de l'« âge d'or » de Beyrouth. Metro al-Madina ne se contente pas de produire du théâtre, il fabrique des machines à remonter le temps.


La chanteuse Yasmina Fayed dans une scène du nouveau spectacle de Metro al-Madina. Photo Peter Houaiss

À signaler que le théâtre Metro a été relocalisé au centre Aresco Palace à Clemenceau, plus de cinq fois plus grand que sa scène précédente au sous-sol de Masrah al-Madina à Hamra.

Lire aussi

Il était un Metro

La conjonction d'un nouveau lieu et d'une nouvelle production donne le sentiment que Metro est entré dans une nouvelle ère. Mais à chaque pas en avant, il y a toujours une menace qui rôde, prête à réduire le progrès en ruine – généralement sous la forme d'une guerre. Mais en attendant, réjouissons-nous que Metro continue d'insuffler de la vie sur la scène culturelle libanaise.


Prochaine représentations les 22 et 29 février. Billets en vente chez Antoine Ticketing. 

La dernière création de Metro al-Madina, al-Souk al-oumoumi, écrite et mise en scène par Hicham Jaber, est entrée en scène le 11 janvier. Oubliez Hishik Bishik,  il y a un nouveau spectacle de cabaret en ville, et il est bien parti pour vous faire voyager dans le temps. L’itinéraire ? L’enseigne au néon indique : « Le quartier rouge de Beyrouth. »Connu pour son talent à...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut