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Moyen-Orient - ENTRETIEN

« L’Iran réagira s’il y a des morts iraniens ou si ses actifs sont visés »

Ali Vaez, directeur du projet Iran à l’International Crisis Group, clarifie la stratégie de Téhéran après les raids de Washington vendredi en Irak et en Syrie.

« L’Iran réagira s’il y a des morts iraniens ou si ses actifs sont visés »

Un bâtiment détruit à al-Qaïm, en Irak, après des frappes américaines. Photo Reuters

La riposte des États-Unis était attendue. Vendredi, ils ont visé 85 cibles sur sept sites en lien avec des forces d’élite iraniennes et des groupes armés pro-iraniens en Irak et en Syrie, après que trois de leurs soldats ont été tués le 28 janvier sur une base américaine en Jordanie. Si cela ne devrait pas mettre un terme aux attaques récurrentes des milices affiliées à l’Iran contre les forces américaines, cela pourrait permettre de revenir aux règles d’engagement en évitant un nouveau franchissement d’une ligne rouge. Dans cette logique, quelle peut être la réponse de Téhéran, qui doit affirmer sa puissance tout en évitant une confrontation directe avec Washington ? Le point avec Ali Vaez, directeur du projet Iran à l’International Crisis Group.

Dans le contexte de tensions régionales actuelles, Téhéran envisage-t-il de répondre aux frappes américaines de ce vendredi ?

L’Iran ne répondra pas directement. Les États-Unis ont ciblé les mandataires iraniens, Téhéran répondra donc par l’intermédiaire de ces groupes. Cela restera donc une guerre par procuration et non une guerre armée entre l’Iran et les États-Unis. Sauf si des actifs iraniens sont directement visés ou s’il y a des morts parmi les Iraniens, auquel cas Téhéran ripostera directement. Il n’y aucun doute là-dessus. Car chaque fois qu’il y a eu ce genre de frappe directement contre l’Iran, ce dernier a répondu. Par exemple, Israël a ciblé un navire espion iranien en 2021, conduisant l’Iran à viser des navires israéliens en mer Rouge et en Méditerranée. Ce cycle a duré un certain temps. De la même manière, lorsque les États-Unis ont tenté d’étouffer les exportations de pétrole iranien, l’Iran a frappé les infrastructures pétrolières saoudiennes ou le transport maritime dans la région du Golfe – bien que les chances que cela se reproduise soient minimes, l’Iran ayant aujourd’hui de bien meilleures relations avec ses voisins du Golfe. Enfin, lorsque les États-Unis ont assassiné Kassem Soleimani, l’Iran a répondu par la plus grande frappe de missiles balistiques contre les forces américaines depuis la Seconde Guerre mondiale, en termes de nombre de projectiles lancés. Si les États-Unis décident de toucher directement l’Iran, cela signifierait qu’il y aura eu un nombre de morts américains qui aura rendu cela inévitable. Mais Téhéran devra réagir, et à partir de ce moment-là, il sera très difficile de contenir le conflit. La raison pour laquelle les tensions ne se sont pas intensifiées en 2020, après que l’Iran a tiré un barrage de missiles sur la base américaine d’al-Assad, c’est que, miraculeusement, il y a eu plus de 100 blessés, mais aucun décès. Les miracles n’arrivent pas tout le temps.

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Aucun des deux ne veut pourtant une guerre régionalisée, d’après leurs déclarations et actions.

L’ironie est que ni l’Iran ni les États-Unis ne sont intéressés par une guerre ouverte, mais ils adhèrent tous deux à la même approche pour l’empêcher, à savoir l’escalade pour la désescalade. Et aucune des deux parties n’est disposée à s’écarter de cette politique, de peur que l’autre n’interprète toute concession ou absence de réponse comme un signe de faiblesse. Cette stratégie comporte des risques d’accidents ou d’erreurs de calcul qui pourraient conduire à des tensions incontrôlables, tout simplement en raison du nombre de points de friction entre les deux camps et de la vaste zone géographique dans laquelle se déroule cette compétition. Il a fallu près de quatre mois et plus de 165 attaques pour faire des tués parmi les Américains, mais ce n’était qu’une question de temps avant que l’un des drones ou roquettes tirés sur les positions américaines dans la région ne cause des morts. À chacun de ces incidents, l’Iran et les États-Unis se rapprochent d’une guerre directe, même s’ils ne veulent pas que cela se produise et calibrent leurs représailles pour éviter de franchir ce seuil. La raison est tout simplement qu’ils n’ont d’autre politique que l’escalade pour désamorcer la situation. Il n’y a pas de grande stratégie ici, il n’y a pas de négociations directes, il n’y a pas d’autre issue que d’obtenir un cessez-le-feu à Gaza, ce qui semble être un défi de taille à ce stade.

Sommes-nous alors dans une impasse ?

Aucun d’eux n’obtient vraiment ce qu’il veut. L’Iran souhaite la fin du conflit à Gaza et l’expulsion des États-Unis de la région. La guerre à Gaza se poursuit et les États-Unis ont une empreinte militaire plus importante dans la région qu’avant le 7 octobre. Washington voulait la destruction du Hamas, souhaite un meilleur flux d’aide humanitaire à Gaza, un processus politique vers une solution à deux États et contenir la guerre. Aucun de ces objectifs n’a été atteint. En outre, les frappes américaines contre les mandataires de l’Iran dans la région dégradent leurs capacités, sans nécessairement les dissuader. Dans ce cadre, paradoxalement, l’Iran et les États-Unis peuvent tous les deux présenter leurs actions comme des succès. Chaque camp est perdant, mais s’accroche aux réalisations minimales dont il dispose pour justifier la poursuite de sa politique. Pour Washington, atténuer les capacités des milices pro-iraniennes est une réussite considérable. Pour l’Iran, la continuation des attaques sert à préserver la crédibilité de l’axe de la résistance, à la fois en tant que mécanisme de dissuasion et en tant que parapluie idéologique qui unit ces groupes. Le fait que le Hezbollah ait détourné une partie importante des forces de défense israéliennes vers le nord, que les houthis aient fortement perturbé la libre circulation du commerce dans la mer Rouge et que les États-Unis soient harcelés par des milices en Irak et en Syrie démontre que l’alliance ne se repose pas sur ses lauriers. La formule iranienne consiste donc simplement à continuer de faire la même chose : imposer un prix constant à l’Occident pour son soutien à la guerre d’Israël à Gaza. 

La riposte des États-Unis était attendue. Vendredi, ils ont visé 85 cibles sur sept sites en lien avec des forces d’élite iraniennes et des groupes armés pro-iraniens en Irak et en Syrie, après que trois de leurs soldats ont été tués le 28 janvier sur une base américaine en Jordanie. Si cela ne devrait pas mettre un terme aux attaques récurrentes des milices affiliées à...

commentaires (5)

Bien dit... Malheureusement la clique Biden est loin d'etre a la hauteur de la soit-disant premiere puissance ... mondiale. Que c'est triste!!!

RAYMOND SAIDAH

18 h 28, le 07 février 2024

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Commentaires (5)

  • Bien dit... Malheureusement la clique Biden est loin d'etre a la hauteur de la soit-disant premiere puissance ... mondiale. Que c'est triste!!!

    RAYMOND SAIDAH

    18 h 28, le 07 février 2024

  • Bon, ben, quoi... qu'est ce qu'ils attendent. On pourra enfin leur taper sur la gueule... et en finir avec ce régime scélérat.

    Ca va mieux en le disant

    22 h 07, le 06 février 2024

  • Pas de problème pour leur regime ils se battront jusqu'au dernier Hamas, Houti, Hezbollah les originaux et la version irakienne. Quant a Assad le canard boiteux il est trop faible pour faire n'importe quoi. Il faut avoir des c. et frapper la tête si on veut que les provocations s'arrêtent

    Liban Libre

    10 h 15, le 06 février 2024

  • Certains sont prêts à tout sacrifier: leur pays et leurs compatriotes pour que l'Iran ne soit pas touchée et que ses intérêts soient protégés.Pas de risque pour l'IRAN qu'elle participe à une guerre du moment que ces sacs de sables libanais, irakiens, yéménites sont disponibles.Pourquoi Israel ne survole pas la jordanie? l'Egypte? l'arabie?le Quatar(qui pourtant,finance le HAMAS) , pourquoi ISRAEL survole le LIBAN?AH oui parce que l'IRAN présente au liban ne parle que de "résistance/ destructions" alors que d'autres pays arabes focalisent sur: prospérité,constructions,économie pour leurs pays

    LE FRANCOPHONE

    10 h 08, le 06 février 2024

  • Pas besoin de s inquiéter pour eux. Tant que des abrutis (ceux dont l affiliation commence par un tout petit h) se font sauter la cervelle pour leurs beaux yeux.

    Zampano

    08 h 30, le 06 février 2024

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