La 1re chambre civile de la Cour de cassation, présidée par Jean-Marc Oueiss, devrait incessamment examiner le litige qui oppose le contentieux de l’État à l’ex-gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, sur le paiement d’indemnités au Trésor, ordonné par un arrêt de la 12e chambre de la cour d’appel de Beyrouth, émis le 13 décembre dernier. Dans cet arrêt, M. Salamé avait été condamné à verser des dommages-intérêts d’un montant de 6 milliards de livres (l’équivalent de 67 000 dollars au taux du marché) pour « le préjudice causé par des recours abusifs » contre deux magistrates, Roula Husseini et Carla Chouah, qui visaient à les dessaisir et que la cour d’appel avait rejetés.
L’ex-gouverneur avait aussitôt présenté un pourvoi en cassation pour contester son obligation de payer des indemnités, avant que la cheffe du contentieux de l’État, Hélène Iskandar, soumette lundi sa réponse, dans l’objectif de maintenir la condamnation de la cour d’appel. Dans sa réponse, la juge Iskandar a notamment soutenu qu’en l’espèce, l’arrêt de la cour d’appel n’est pas susceptible de cassation, et qu’en tout état de cause, le pourvoi ne suspend pas son exécution.
Outre le pourvoi, Riad Salamé avait fait opposition auprès du juge de l’exécution de Beyrouth, Fayçal Makki, pour empêcher la juge Iskandar de faire exécuter la décision de la cour d’appel. La cheffe du contentieux de l’État s’était alors dressée contre l’opposition de M. Salamé. Leur litige n’a pas encore été tranché par le juge Makki.
Sur un plan plus général, l’enquête menée par la justice libanaise contre l’ex-gouverneur de la BDL reste gelée. À l’issue d’une audience tenue en août 2023, l’ancien premier juge d’instruction de Beyrouth, Charbel Abou Samra (retraité depuis novembre dernier), avait en effet maintenu M. Salamé en liberté, sans qu’il ne lui fixe une autre date d’interrogatoire. Cette décision tacite avait aussitôt été contestée par la juge Iskandar devant la chambre d’accusation de Beyrouth, présidée par Mireille Mallak, qui l’avait infirmée. Les juges, qui ont ensuite fait partie de cette instance par un processus de rotation adopté pendant les vacances judiciaires, ont alors fait à tour de rôle l’objet de recours présentés par Riad Salamé. Ce qui, depuis lors, empêche la chambre d’accusation de convoquer ce dernier pour un complément d’enquête. Selon nos informations, la cheffe du contentieux de l’État s’est désistée il y a une dizaine de jours de l’arrêt prononcé par la chambre d’accusation que présidait la juge Mallak, demandant que le dossier en question soit restitué au premier juge d’instruction de Beyrouth, Bilal Halaoui, récemment nommé par intérim en remplacement du juge Abou Samra. Or, à ce jour, le dossier reste auprès de la chambre d’accusation, dont le président actuel est Habib Mezher. Lequel a été nommé par le juge Ayman Oueidate, à qui le premier président de la cour d’appel, Habib Rizkallah, a confié la charge de désignation qui lui incombe, mais qu’il ne peut remplir en raison d’un recours en dessaisissement porté contre lui par M. Salamé.
Dans ces circonstances, et tant que le dossier ne parvient pas au premier juge d’instruction de Beyrouth, le redémarrage de l’enquête semble difficile.
La défense de l’État en France
Concernant les poursuites menées par la justice française à l’encontre de l’ex-gouverneur de la BDL, de son frère Raja et de son ex-compagne Anna Kosakova, le gouvernement a finalisé, dans un décret daté du 18 janvier, l’accord entre le ministre de la Justice, Henri Khoury, et le cabinet juridique Vigo, représenté par Emmanuel Daoud, pour « seconder le contentieux de l’État dans sa mission de défendre l’État devant les tribunaux français ». Une validation similaire a été décidée pour le contrat du ministre de la Justice conclu avec l’étude d’un autre pénaliste français, Pascal Beauvais. MM. Daoud et Beauvais offrent leurs services à titre gratuit. À noter que le Conseil des ministres avait d’abord rejeté (mai 2023) le choix d’Emmanuel Daoud, arguant qu’il serait lié à une organisation « soupçonnée de véhiculer des idées sionistes ». Ce choix a ensuite (juin dernier) été entériné en Conseil des ministres, avant d’être publié dans le décret du 18 janvier.
Le patrimoine immobilier et bancaire de M. Salamé en France fait l’objet de saisies préventives, dont la validité a été confirmée par la chambre d’instruction de Paris en juillet dernier. Selon une source judiciaire interrogée par L’Orient-Le Jour, les intérêts de l’État libanais sont préservés au niveau de ces saisies.
Pour ce qui est de l'Allemagne qui poursuit également l'ex-gouverneur de la BDL, une délégation allemande se serait rendue auprès du procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate, pour proposer une aide à la justice libanaise, selon des informations médiatiques, qui affirment que le juge Oueidate a transmis cette proposition à la cheffe du Contentieux de l'Etat. Selon nos informations, celle-ci ne serait pas encore parvenue à Mme Iskandar, qui serait par ailleurs sur le point de s'entendre avec un avocat allemand ayant accepté de défendre pro bono les intérêts de l'Etat libanais en Allemagne.
Merci Mme la juge Helene Iskandar de nous laisser esperer qu'il y a encore quelques (tres rares) juges integres dans ce pays mafieux. Ceci dit, 67000 $ c'est moins que ce que Riad Salame oublie dans son attache-case pour ses frais de bouche dans les aeroports internationaux. Une paille au regard des centaines de millions qu'il a detourne.
20 h 49, le 07 février 2024