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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

La fuite en avant sans fin de Benjamin Netanyahu

Le Premier ministre israélien a intérêt à faire durer les hostilités à Gaza.

La fuite en avant sans fin de Benjamin Netanyahu

Des soldats israéliens opérant dans la bande de Gaza. Photo AFP

Depuis plus de trois mois, Benjamin Netanyahu promet d’« anéantir le Hamas ». Le Premier ministre israélien s’est de nouveau engagé jeudi dernier à poursuivre la guerre dans l’enclave palestinienne jusqu’à la « victoire totale ». Cette déclaration traduit entre les lignes sa volonté de jouer le temps long. « Il s’agit pour Netanyahu de sa propre survie politique qui, ces dernières années, a été étroitement liée à son désir d’éviter la prison », commente Seth Binder, directeur de plaidoyer au Middle East Democracy Center, en référence aux trois affaires judiciaires dans lesquelles le chef de l’exécutif est mis en cause, son procès pour corruption ayant repris à Jérusalem début décembre.

Le Premier ministre est confronté à un dilemme dont l’une ou l’autre des issues pourrait s’avérer fatale pour sa survie politique. Mis sous pression par ses partenaires de coalition d’extrême droite et ultranationalistes pour adopter une ligne dure dans la conduite de la guerre, Benjamin Netanyahu redoute qu’une telle approche ne pousse les députés centristes Benny Gantz et Gadi Eisenkot à démissionner du cabinet de guerre en vue de convoquer des élections anticipées. D’autant que ces deux anciens chefs d’état-major, dont l’alliance formerait facilement une coalition gouvernementale si un scrutin avait lieu aujourd’hui, s’alignent sur la position de Washington liée à la campagne militaire israélienne à Gaza et à ses scénarios sur le jour d’après. Ainsi, le Premier ministre ne peut prendre le risque de s’aliéner ses alliés de coalition sous peine de perdre sa majorité à la Knesset, ni celui de voir voler en éclats son cabinet de guerre, ce qui pourrait porter un coup à la précieuse aide militaire américaine. « Les États-Unis ont toutes les cartes en main pour faire pression sur Israël. S’ils utilisent leur influence en termes d’assistance à la sécurité, il est probable que cela conduira non seulement à moins de restrictions sur l’aide humanitaire entrant dans Gaza, mais aussi à un impact direct sur la manière dont Israël peut mener la guerre », estime Seth Binder.

L’espoir d’une victoire de Trump

Pour éviter d’avoir à trancher, le chef du gouvernement a intérêt à ce que la guerre s’éternise, conscient qu’il devra répondre de ses manquements au moment où débutera la commission d’enquête sur les événements du 7 octobre une fois le conflit terminé. Une manière aussi d’attendre l’issue de l’élection présidentielle américaine prévue en novembre prochain, qui pourrait une nouvelle fois être marquée par un duel entre Joe Biden et Donald Trump. Un retour au pouvoir du candidat républicain bénéficierait largement au Premier ministre israélien. Allié-clé de Benjamin Netanyahu, l’ancien président avait largement favorisé ce dernier, reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël ou se retirant unilatéralement de l’accord sur le nucléaire iranien, une décision perçue par Tel-Aviv comme une garantie pour sa sécurité. Conscient du discrédit croissant de Joe Biden au sein de sa propre famille politique et d’une partie de l’opinion publique américaine face à ce qu’elles jugent comme un blanc-seing accordé à l’État hébreu depuis le 7 octobre, le Premier ministre israélien semble parier sur son départ de la Maison-Blanche.

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En attendant cette échéance, Benjamin Netanyahu souffle le chaud et le froid sur la proposition de l’administration démocrate de voir naître une « Autorité palestinienne réformée » à Gaza et en Cisjordanie après la guerre, ainsi qu’une normalisation des relations israélo-saoudiennes en échange de garanties en vue de la création d’un État palestinien. Lors d’un échange téléphonique vendredi avec Joe Biden, le Premier ministre israélien a soutenu que les commentaires publics qu’il avait faits la veille – dans lesquels il semblait rejeter l’idée de la création d’un État palestinien – n’étaient pas destinés à exclure cette issue, peu importe la forme, selon une personne au fait de la conversation citée par CNN. Des propos repris par l’administration américaine et pourtant suivis, quelques heures plus tard, de déclarations contradictoires de la part du Premier ministre, qui a réaffirmé au cours du week-end dernier son opposition ferme à une « souveraineté palestinienne » dans l’enclave à feu et à sang.

L’État palestinien

Car s’opposer à une solution à deux États peut lui permettre de rallier davantage de soutien en interne, notamment auprès de l’électorat de droite qu’il tente de récupérer. « Bien que l’attaque désastreuse du Hamas du 7 octobre se soit déroulée sous sa surveillance, sa campagne pour rester au pouvoir se déroulera avec cet argument : les Américains et les Arabes veulent imposer un État palestinien à Israël, et je suis le seul dirigeant israélien assez fort pour leur résister, a souligné vendredi l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman. Alors votez pour moi, même si je me suis trompé le 7 octobre et que la guerre de Gaza ne se passe pas très bien. » Une popularité dont Benjamin Netanyahu, au plus bas dans les sondages, a désespérément besoin à l’heure où s’intensifie la pression de la population sur le gouvernement pour libérer les otages restant aux mains du Hamas à Gaza. Pas plus tard que lundi, des dizaines de familles de captifs ont fait irruption au cours d’une séance parlementaire à la Knesset pour réclamer le retour de leurs proches. Le jour même, Tel-Aviv mettait sur la table un plan de libération de l’ensemble des otages à l’intention du mouvement islamiste, selon deux responsables israéliens cités par Axios, en vue d’apaiser le mécontentement interne. Alors que le projet s’étend sur une période de deux mois, Israël aurait cependant admis le fait qu’en cas d’approbation du deal, la guerre reprendra tout de même dans l’enclave avec une plus faible intensité, signe que l’accord ne vise pas à donner lieu à la fin des combats.

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« Certains, en Israël, feront valoir qu’une telle pause dans les combats pourrait aider le Hamas à se reconstruire », note Seth Binder. S’il n’a pas jusqu’à présent approuvé cette proposition, le groupe palestinien aurait intérêt à obtenir la plus longue pause possible dans les affrontements pour lui permettre de rebâtir ses capacités. Si des estimations américaines suggèrent que le groupe dispose encore de ressources suffisantes pour poursuivre ses attaques contre l’État hébreu et ses forces à Gaza pendant plusieurs mois, les forces israéliennes auraient éliminé entre 20 et 30 % de ses combattants dans la bande de terre ainsi qu’un nombre important de tunnels.  « En fin de compte, la stratégie de guerre d’Israël consistant à éliminer le Hamas n’a jamais été réaliste et le seul moyen de réduire véritablement la menace est de créer un État palestinien », conclut Seth Binder.

Depuis plus de trois mois, Benjamin Netanyahu promet d’« anéantir le Hamas ». Le Premier ministre israélien s’est de nouveau engagé jeudi dernier à poursuivre la guerre dans l’enclave palestinienne jusqu’à la « victoire totale ». Cette déclaration traduit entre les lignes sa volonté de jouer le temps long. « Il s’agit pour Netanyahu de sa propre survie politique...

commentaires (4)

Tot ou tard, Ils vont se noyer dans les larmes et le sang Palestinien

Jack Gardner

15 h 39, le 24 janvier 2024

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Commentaires (4)

  • Tot ou tard, Ils vont se noyer dans les larmes et le sang Palestinien

    Jack Gardner

    15 h 39, le 24 janvier 2024

  • Tout est dilué dans le brouillard de la guerre. Le traumatisme du 7 octobre a ressoudé les israéliens non pas derrière leur chef de guerre de Premier ministre, mais face à une menace alors qu’ils croyaient vivre dans une citadelle imprenable. Cette fuite en avant est accélérée par le choc du 7 octobre ? Je n’en sais rien, mais je remarque, qu’on ne parle plus des otages, de la forme de l’Etat palestinien, et du retour des réfugiés en Palestine. On cherche à calmer le jeu, par la pacification de Gaza, pour remettre le feu en Cisjordanie, pour un cycle de violence sans fin…

    Nabil

    13 h 18, le 24 janvier 2024

  • Tout est présenté dans les narratifs, comme si la guerre dépend d’un pays qui cherche à éliminer un groupe terroriste nuisible à sa démocratie, comme si la razzia du Hamas n’est qu’uniquement en opposition au pouvoir en place. L’allongement de la guerre pour maintenir un premier ministre au pouvoir est tellement simpliste qu’on se demande si de sa survie politique dépend la survie de son pays. La fuite en avant d’Israël est mieux incarnée par son chef de gouvernement, d’accord, mais les plus influents ne parlent pas de deux Etats mais de pacification à Gaza et Israël.

    Nabil

    13 h 08, le 24 janvier 2024

  • - TARTARIN DE TARASCON, - VA TREBUCHER QUELQUE PART, - DANS SA COURSE DE DINDON, - A LA MERCI DU HASARD.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 55, le 24 janvier 2024

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