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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

En vue de l’après-guerre, le Hamas politique mise sur un retour à la diplomatie

Le groupe a dévoilé son premier rapport public depuis son opération en Israël, reconnaissant « quelques erreurs ». Une stratégie qui pourrait servir à occuper une place dans les négociations pour l’après-guerre.

En vue de l’après-guerre, le Hamas politique mise sur un retour à la diplomatie

Le chef de la branche politique du Hamas basé au Qatar, Ismaïl Haniyé, s'adressant aux journalistes avant d'être accueilli par le ministre iranien des Affaires étrangères à Doha. Photo AFP

Plus de trois mois après les attaques sanglantes et sans précédent dans l’histoire d’Israël menées par le Hamas, le mouvement islamiste donne sa version des faits sur l’opération Déluge d’al-Aqsa. La genèse, les motivations, l’objectif d’une telle incursion, mais aussi les « quelques erreurs peut-être » commises le 7 octobre. Dans un rapport de 16 pages intitulé « Notre récit » et publié dimanche 21 janvier, le Hamas entend « clarifier » son intention et le contexte de sa mise en œuvre : l’attaque était une « étape nécessaire et une réponse normale face à tous les complots israéliens contre le peuple palestinien », écrit l’organisation qui affirme « avoir fait de son mieux pour éviter de toucher des civils », mais reconnaît toutefois des erreurs « accidentelles ». Hormis la stratégie de communication claire qui semble vouloir arracher à l’État hébreu le monopole du narratif concernant les massacres du 7 octobre, le timing d’une telle déclaration interroge : « Attendre plus de 100 jours pour justifier l'attaque, c'est très tardif, note Hamada Jaber, consultant au Palestinian Center for Policy and Survey Research. Le Hamas a pu profiter de la séquence à La Haye pour publier son rapport ». Saisie par l’Afrique du Sud, la Cour internationale de justice (CIJ) a pendant deux jours cherché à déterminer si l’État hébreu se rendait coupable d’un génocide contre les Palestiniens dans le cadre de la guerre à Gaza, ce dont Tel-Aviv se défend, arguant que la riposte israélienne était un acte de légitime défense qui ne visait pas les civils.

Le mouvement essaie-t-il de trouver une légitimité aux yeux de la communauté internationale et préparer sa place pour le jour d’après ? Tandis que la nouvelle phase de la guerre annoncée par l’État hébreu, qui devrait se traduire par un conflit de plus faible intensité, ne semble pas encore d’actualité, les tentatives de justification du Hamas pourraient s’inscrire dans une volonté de marquer un retour sur la scène diplomatique et de participer aux négociations en apparaissant comme un acteur fréquentable.

Contrer la propagande israélienne

Plusieurs éléments l’indiquent en tout cas. Avec ce communiqué sur la triple incursion du 7 octobre, le groupe vise notamment à inverser la responsabilité concernant le bilan humain. L’attaque a causé la mort de 1 140 personnes en Israël, en majorité des civils, selon un décompte de l’Agence France-Presse (AFP) à partir de données officielles israéliennes, qui précisent que plus de 30 enfants et plus de 100 personnes âgées, ainsi que 60 travailleurs étrangers, ont été tués au cours de ces attaques. Mais le Hamas a réfuté plusieurs allégations israéliennes concernant le ciblage de civils, comme l’information largement relayée dans la presse israélienne – et basée exclusivement sur le témoignage de soldats israéliens – faisant état de 40 bébés décapités. Il accuse également l’État hébreu d’avoir provoqué la mort de civils pendant l’opération. Certaines enquêtes de médias israéliens comme le Haaretz et le Yediot Aharonot ont en effet révélé que des civils israéliens avaient été tués par un hélicoptère militaire de l’armée. De quoi faire « gagner en crédibilité le Hamas », affirme Hamada Jaber : « Il s'agit de montrer que l'idéologie du Hamas ne correspond pas à la description qu’en fait la propagande israélienne. »

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Reste qu’Amnesty International décrit, vidéos à l’appui, « des assassinats délibérés de civils, des enlèvements et des attaques indiscriminées », tandis que des accusations de violences sexuelles ont été portées contre les combattants du Hamas, ce que le mouvement nie. « Éviter de porter atteinte aux civils, en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées est une obligation religieuse et morale des combattants des Brigades al-Qassam », précise le rapport. De nombreuses notes retrouvées sur des combattants du Hamas morts ou capturés en Israël démontrent cependant l’intention du groupe de tuer des civils, notamment des cartes minutieusement détaillées des kibboutz pris pour cibles le 7 octobre. Alors que ses actions ont été immédiatement qualifiées de terroristes par un vaste pan de la communauté internationale, le Hamas tente de placer son attaque dans le cadre du droit international invoqué dans le rapport, comme donnant à la résistance armée une légitimité contre l’occupation israélienne. Aussi, l’organisation entend récuser son projet antisémite largement décrit comme tel par Israël et ses alliés : « Le Hamas ne mène pas une lutte contre les juifs parce qu'ils sont juifs, mais contre les sionistes qui occupent la Palestine. »

Occuper une place diplomatique

Dans la perspective de passer d’une image de groupe terroriste à celle d’interlocuteur diplomatique, les responsables de la branche politique du groupe s’activent. « Le Hamas a eu besoin de temps pour enquêter sur ce qu’il s'est passé le 7 octobre en raison des difficultés de communication entre la partie militaire à Gaza et les responsables politiques basés à l’étranger. Ceux-ci ont sûrement demandé des clarifications de la part d'al-Qassam », avance Hamada Jaber. De hauts responsables du Hamas ont participé à des visites diplomatiques remarquées, comme Ismaïl Haniyé, le chef du bureau politique du mouvement en exil au Qatar, qui s’est entretenu samedi dernier avec le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan. La rencontre a marqué le premier déplacement officiel en Turquie du Hamas depuis le 7 octobre. Istanbul a servi de base à de nombreux responsables politiques de l’organisation avant les attaques. Ankara avait ensuite discrètement demandé aux leaders du Hamas de quitter le pays et le dernier échange téléphonique avait eu lieu le 16 octobre. Samedi dernier, les deux hommes ont évoqué les questions concernant la libération des otages retenus dans la bande de Gaza, l’établissement d’un cessez-le-feu « aussi vite que possible », l’envoi accru de l’aide humanitaire et un plan pour une solution à deux États en vue d’une « paix durable ».

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La veille, une délégation du Hamas s’était rendue en Russie, Moscou exhortant l’organisation de trouver un arrangement pour la libération des otages, dont trois ressortissants russes. Et le Hamas entend ici montrer qu’il n’est pas un obstacle dans ce dossier. Grâce à la médiation du Qatar : le 12 janvier, un accord a été conclu entre les deux belligérants autorisant l’État hébreu à transférer des médicaments aux captifs détenus à Gaza, une première depuis le 7 octobre. Il a en outre proposé un cessez-le-feu définitif en échange de la libération des otages, ce qu’Israël a fermement rejeté jeudi. Selon le média Axios, Israël a néanmoins soumis, sous une impulsion américaine, une proposition par l’intermédiaire du Qatar et de l’Égypte prévoyant un cessez-le-feu de deux mois dans le cadre d’un accord en plusieurs phases qui impliquerait la libération de tous les otages.

L'après-Gaza

Le message du Hamas pourrait aussi s’adresser à la population gazaouie qu’il gouverne depuis 2007. Selon une enquête réalisée le 13 décembre par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, si le soutien au Hamas a largement augmenté auprès des Palestiniens tant en Cisjordanie qu’à Gaza, l'opposition au groupe et à sa stratégie est plus importante dans l'enclave que dans les territoires occupés. Par exemple, 37 % des habitants de Gaza estiment que la décision du Hamas de lancer l'attaque du 7 octobre contre Israël était « incorrecte », contre 12 % en Cisjordanie. Et si 75 % des personnes interrogées en Cisjordanie préfèrent voir le Hamas contrôler Gaza après la guerre, seuls 38 % des Palestiniens de Gaza le souhaitent. Une disparité qui s’explique par les conséquences directes des attaques du Hamas vécues par les Gazaouis, à savoir plus de 25 000 victimes dans l’enclave, la plupart des infrastructures civiles endommagées ou complètement détruites et près de 85 % de personnes déplacées parmi la population. De quoi conduire les responsables du Hamas à rassurer sa population sur le bien-fondé de son opération et à affirmer la crédibilité du groupe, dans la perspective d’occuper une place dans l’après-Gaza.

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« Le principal avantage de ce rapport pour le Hamas est de renouveler la confiance de ses partisans, mais aussi d'autres acteurs, tant les Palestiniens que les pays arabes, qui ont besoin d'une telle position », soutient Hamada Jaber, alors que les pays arabes, Arabie saoudite en tête, s’activent pour préparer un plan pour l’après-guerre. Un scénario accordant une place au Hamas est pourtant fermement rejeté par Israël, qui peine déjà à accepter la proposition américaine de transférer après la guerre le pouvoir à une Autorité palestinienne (AP) « revitalisée ». Le mouvement a pour sa part déclaré dans son rapport qu’il « rejetait catégoriquement » tout plan international ou israélien concernant l’avenir de l’enclave qui « servirait à prolonger l’occupation » et que les Palestiniens devraient décider de leur propre avenir.

Plus de trois mois après les attaques sanglantes et sans précédent dans l’histoire d’Israël menées par le Hamas, le mouvement islamiste donne sa version des faits sur l’opération Déluge d’al-Aqsa. La genèse, les motivations, l’objectif d’une telle incursion, mais aussi les « quelques erreurs peut-être » commises le 7 octobre. Dans un rapport de 16 pages intitulé...

commentaires (4)

C'est le gouvernement israélien dont les mains sont tachées du sang des civiles innocents assasinés, décimés , déchiqutés , qui est , entre tous , le plus terroriste , le plus criminel de tous : Plus de 30 000 civils morts ! Arrêtez de vous moquer de l'Humanité !

Chucri Abboud

12 h 31, le 21 février 2024

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Commentaires (4)

  • C'est le gouvernement israélien dont les mains sont tachées du sang des civiles innocents assasinés, décimés , déchiqutés , qui est , entre tous , le plus terroriste , le plus criminel de tous : Plus de 30 000 civils morts ! Arrêtez de vous moquer de l'Humanité !

    Chucri Abboud

    12 h 31, le 21 février 2024

  • Le Hamas est une organisation terroriste et mafieuse à l'instar de nos barbus ... faire un distinguo entre l'organisation politique et l'organisation terroriste gérée par les premiers est de l'hypocrisie.

    Zeidan

    14 h 55, le 24 janvier 2024

  • Encore une autre hypocrisie: Hamas politique! . Comme le Hezb politique qui n'est pas sanctionné alors que le les branches militaires qui n'ont pas de visages connus sont elles sanctionnées. Tout le monde a le droit de se nommer ce qu'il veut. Ce qui dérange, c'est que soit on a affaire à des mouvements de libération et à ce moment il faut assumer victoires, défaites, et l'avenir, et ne pas se cacher sous des pseudos appelations, soit on n'est pas fait pour la cause. Qu'aurait on dit s' il y avait un "Che" militaire et un "Che" politique, un "Abou Amar" militaire et un "Abou Amar" politique?

    Moi

    13 h 58, le 24 janvier 2024

  • - TIENS, UNE AUTRE FORMATION, - AU LABEL DE TERRORISTE, - A DES AILES POLITIQUES, - SUR TETE ET CORPS DE RAPACE. - CETTE INVENTION EST FRANCAISE. - ON S,EN SOUVIENT TOUS TRES BIEN. - APPLIQUEE AU HEZBOLLAH. - L,INVENTEUR EST MACRONIDE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 10, le 24 janvier 2024

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