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Nos Lecteurs ont la Parole

Plus qu’un simple mot

Les vedettes. Je rentre dans ce petit bar pas loin de chez moi, un endroit que je fréquente souvent pour lire après mes journées de travail. Ce soir, j’ai apporté mon ordinateur. J’ai demandé au serveur un verre de chardonnay, puis je me suis installé en face de trois dames, probablement des Parisiennes fuyant leur quotidien banal et leur semaine passée à la verticale. J’ouvre un fichier Word et je commence à écrire. Il est déjà 19h35. Mes doigts se baladent sur mon clavier. Je me retrouve à l’instant T en train d’écrire ce moment. J’essaie de ne pas regarder autour de moi pour ne pas me distraire et couper le fil de mes pensées. Les trois dames doivent se demander pourquoi je suis sur mon ordinateur un vendredi soir.

La guerre. Je réfléchis à ce mot qui m’a longtemps effrayé quand j’étais petit. À la radio, on l’entend souvent. Des conflits géopolitiques qui dégénèrent en guerre. Des discours qui évoquent les conséquences d’une certaine guerre à l’autre bout de la terre sur un pays, une filière ou une entreprise. Des médias qui ne font qu’en parler. Des experts qui l’expliquent objectivement tandis que d’autres, plongés dans leur ignorance, osent s’autoproclamer experts. La guerre. Je m’arrête une seconde. Je suis emporté par le bruit des nouvelles personnes qui entrent. Je ne les vois pas, bien qu’elles soient en face de moi. La guerre. Ce soir, je cherche à comprendre comment chacun de nous visualise le mot « guerre ».

Juillet 2006. J’avais 9 ans. Au sud du Liban, la terreur était devenue quotidienne. Les oiseaux avaient migré plus tôt que prévu, laissant la place aux missiles. Juillet 2006. C’était la guerre. J’avais 9 ans. La peur me consumait, la tête crispée sous mon oreiller, j’essayais d’ignorer le bruit des avions. Juillet 2006. J’avais 9 ans. Je rêvais d’avoir un chien. Je me disais qu’un jour j’irais vivre ailleurs. C’était la guerre. Des signaux pour partir du Sud étaient écrits sur des bouts de papier en arabe littéraire. Des boîtes d’aide alimentaire étaient distribuées, contenant du riz, des lentilles, de l’huile de tournesol, du lait en poudre et du pain. Juillet 2006. C’était la guerre. Les larmes n’avaient jamais autant coulé de mes yeux. J’avais 9 ans, et à 9 ans, j’étais capable de définir le mot « guerre ».

Aujourd’hui, quand j’en parle, j’ai un flashback de souvenirs. Ce mot est capable de me ramener à des personnes, des moments, des scénarios et des émotions particuliers. Je me demande ce que les gens autour de moi imaginent lorsque nous disons le mot « guerre ». Probablement des chars, des armes, des personnes cagoulées et des cadavres. C’est comme le mot « paix » ; quand je le prononce, je pense directement à des drapeaux blancs, sauf que je ne l’ai jamais vécu, et donc je suis incapable de donner ma propre définition.

Pourquoi la littérature joue-t-elle un rôle significatif dans la définition et la représentation des mots ? Avons-nous vraiment le droit de dire un mot sans l’avoir vécu ? Que veut dire le mot « pourriture » quand nous avons grandi sous une serre ? Que veut dire le mot « odeur » quand notre nez a toujours été bouché ? Que veut dire le mot « cauchemar » quand nos nuits ont toujours été paradisiaques ?


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Les vedettes. Je rentre dans ce petit bar pas loin de chez moi, un endroit que je fréquente souvent pour lire après mes journées de travail. Ce soir, j’ai apporté mon ordinateur. J’ai demandé au serveur un verre de chardonnay, puis je me suis installé en face de trois dames, probablement des Parisiennes fuyant leur quotidien banal et leur semaine passée à la verticale. J’ouvre un...

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Complimenti Caro , en italien c’est plus beau

Eleni Caridopoulou

16 h 59, le 16 janvier 2024

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Commentaires (1)

  • Complimenti Caro , en italien c’est plus beau

    Eleni Caridopoulou

    16 h 59, le 16 janvier 2024

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