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Lifestyle - Collaboration

Medco X Katya Traboulsi, des citernes qui s’appellent « Je reviens »

C’est une vraie rencontre entre deux amoureuses du Liban qui s’évertuent à assurer la continuité de tout ce qui fait la carte du tendre de ce pays. La collaboration entre Medco et Katya Traboulsi met à jour, sur les citernes de l’entreprise de carburants, ces fétiches ancestraux, hauts en couleur, qui véhiculent avec leur cargaison l’histoire et les superstitions des routiers.

Medco X Katya Traboulsi, des citernes qui s’appellent « Je reviens »

Katya Traboulsi, artiste et plasticienne, lors de sa collaboration avec Medco. Photo DR

« Reje3 ya mama » (Je reviens, maman). Le titre de la dernière exposition de Katya Traboulsi à la galerie Saleh Barakat était à lui seul un coup au cœur pour cette majorité de parents libanais dont les enfants, pour mille et une raisons valables, vivent désormais à l’étranger. C’est aussi le message type que l’on trouve sur de nombreux camions découverts, bariolés sous toutes les coutures, qui sillonnent les routes du Liban. L’artiste, qui se définit comme une « plasticienne socio-politique », explique : « Le camion de livraison est très important au Liban. Il représente un lien vital entre les villes. Les camionneurs s’occupent de leurs camions comme d’une amoureuse. Ils leur donnent des noms. C’est leur vie, leur gagne-pain grâce auquel ils nourrissent leur famille. » « La notion du retour est très très importante dans les plaques décoratives avec lesquelles ils ornent leurs véhicules », ajoute Katya Traboulsi. « Tout en bas du camion, à hauteur d’automobiliste, détaille-t-elle, un enjoliveur en forme d’œil a pour rôle de protéger le camionneur de la malveillance des jaloux. »

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« Quand je vois un camion bariolé, je sais exactement d’où il vient »

Pour préparer son projet initial qui consiste à extraire les enjoliveurs de camion traditionnels de leur contexte et les réinterpréter comme des œuvres à part entière, Katya Traboulsi s’est lancée dans une recherche historique et sociale. « L’origine de cette tradition remonte aux temps où les véhicules de commerce étaient des chevaux ou des chameaux. Les vendeurs décoraient leurs animaux pour attirer l’attention et donner de leur commerce une image de succès. Les animaux ont été remplacés par des véhicules à moteur, et la coutume s’est transmise aux véhicules de transport. Aujourd’hui, ce sont les camions de Tripoli qui sont les plus ornés de couleurs et de symboles. Les camions de la Békaa ou du Sud ne présentent que des messages. Sachant cela, quand je vois un camion bariolé, je sais exactement d’où il vient », explique-t-elle, ajoutant que le symbole de l’œil, omniprésent, est un concept de protection qui a 5 000 ans d’âge, « une superstition partagée par toutes les religions ». Au niveau de la « mise en page », « le dos d’un camion est divisé de manière symétrique, comme le corps humain », détaille la plasticienne : « À droite et à gauche, on retrouve les mêmes symboles. Tout en haut trône le nom du camion, souvent Ma7rousé (“Protégée”). Au centre du cadre, les sagesses et dictons qui appellent le plus fréquemment la protection de Dieu et la bénédiction des parents. »

Une citerne Medco revisitée par Katya Traboulsi. Photo DR

Un art populaire légitimé en galerie

La collaboration de Katya Traboulsi avec Medco s’inscrit naturellement dans ce contexte. Quand Michèle Chammas Garzouzi, directrice générale de l’innovation de l’entreprise de carburant, visite l’exposition « Rej3a ya mama » chez Saleh Barakat, elle est aussitôt conquise. « Elle a surtout été très touchée par le message de l’intitulé, qui s’adresse par extension à toutes les mamans libanaises dont les enfants sont en dehors du pays. Elle a aussi relevé l’importance de voir cette identité exprimée dans l’art populaire légitimée en galerie. Elle m’a alors contactée pour me dire qu’elle voulait mettre ma touche personnelle sur les citernes de Medco », confie l’artiste qui se réjouit de voir cet art populaire et fédérateur, réinterprété par ses soins, se poursuivre sur le dos des citernes de carburant dont le rôle vital n’est plus à démontrer, après les récentes pénuries qui ont paralysé le pays.

La citerne vue de dos. Photo DR

Du charbon à l’essence…

Sous le signe de Mercure Hermès qui domine son logo bleu, rouge et jaune, Medco est la plus ancienne compagnie d’importation et de distribution de produits pétroliers au Liban. « Il y a bien longtemps, en 1910, les établissements Georges N. Chammas, notre société mère, livraient du charbon de première qualité avec un cheval et un tombereau (en arabe tombor). Aujourd’hui, nos remorques d’une puissance de 460 chevaux livrent l’essentiel : du jet de première qualité, de l’essence 98 et 95 et du diesel à travers le Liban, reliant les régions et déplaçant les gens d’une station à l’autre au cours de leur vie », explique pour sa part Michèle Garzouzi, qui ajoute : « Ce qui n’a pas changé depuis, c’est notre amour pour le Liban, nos règles de sécurité routière, nos superstitions libanaises et notre foi en la protection divine. Les messages qui ornent les véhicules de transport ne disent pas autre chose. “Reje3 ya Mama” (Je reviens, maman), “Yekhzel ein” (protection contre le mauvais œil), “Enta el-ghali” (Tu m’es cher), “Bhebbak ya Lebnan” (Je t’aime Liban) , “Ya watani ya ghali” (Mon pays, mon si cher), “3ezzetna bi arzetna” (Notre fierté est dans notre cèdre), “E3mel li douniak” (Agis pour ta vie éternelle), “El-hayet mhatta (La vie est une station) sont des expressions que nous utilisons quotidiennement avec nos conducteurs. »

Katya Traboulsi en pleine composition pour ce projet. Photo DR

… à la transition artistique 

« L’art du camion libanais parle le même langage et Katya Traboulsi, incroyable artiste, l’a légitimé. Medco a choisi Katya Traboulsi pour mettre en œuvre ses compétences créatives et son imagination afin de représenter le pouvoir émotionnel de l’art libanais du camion sur nos camions », ajoute la directrice générale de l’innovation de Medco, qui a lancé son nouveau concept le 5 janvier à Dora, au parking des citernes de la compagnie, dans le cadre d’une fête populaire organisée par Hania Rayess. Jouant sur le mot arabe « naqla » qui signifie tout autant transport, marchandise et transition, elle a annoncé le passage de Medco d’une «naqla naw3iyya » (transition remarquable ou quantum leap) à une « naqla faniyya » (transition artistique). « L’art de Katya se déplaçant sur nos citernes à travers le pays nous rappelle que le plus important n’est ni le voyage ni la destination, mais l’héritage et les croyances communes qui unissent tous les Libanais », a ajouté Michèle Garzouzi en donnant le coup d’envoi sur les accents de l’hymne national. Celle qui se démène sur tous les fronts pour redonner vie à un pays en berne, notamment à travers une collaboration avec Rebirth Beirut pour rééclairer les rues de la ville, est aussi l’inititatrice de Medcasts, une série de podcasts menés en arabe par la journaliste Rima Karaki, avec « des entrepreneurs et artistes passionnés qui parlent de leur amour inconditionnel pour le Liban ».

« Reje3 ya mama » (Je reviens, maman). Le titre de la dernière exposition de Katya Traboulsi à la galerie Saleh Barakat était à lui seul un coup au cœur pour cette majorité de parents libanais dont les enfants, pour mille et une raisons valables, vivent désormais à l’étranger. C’est aussi le message type que l’on trouve sur de nombreux camions découverts, bariolés...
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