Gebran Bassil passe à l'acte. Plus que jamais isolé sur la scène politique, en particulier chrétienne, notamment depuis la prorogation d’un an du mandat du commandant de l’armée, Joseph Aoun, le chef du Courant patriotique libre s’est lancé dans la nouvelle étape de sa bataille contre le numéro un de la troupe : comme prévu, le CPL a présenté au Conseil constitutionnel un recours en invalidation de la loi adoptée le 15 décembre dernier pour maintenir le général Aoun et le reste des patrons d’appareils sécuritaires à leurs postes pour un an. À travers cette démarche, M. Bassil a d’abord mis à exécution ses menaces de saisir le CC une fois la loi portant sur la prorogation publiée dans le Journal officiel. Sur le plan strictement politique, M. Bassil veut sauver la face et venger la cuisante défaite qu’il venait de subir… abandonné, ou presque, par son allié de longue date, le Hezbollah.
Selon les informations de L’Orient-Le Jour, le recours a été déposé devant le CC le 4 janvier, soit une semaine après la publication de la loi dans le Journal officiel. Dans ses grandes lignes, le recours met en avant le fait que la loi en question a été adoptée lors d’une séance parlementaire placée sous le signe de la législation de nécessité, un concept mis en place par le chef du législatif, Nabih Berry, pour justifier la tenue de telles réunions en pleine vacance présidentielle. Le texte du recours rappelle que l’article 74 de la Constitution stipule qu’en période de vide à la tête de l’État, le Parlement est un collège exclusivement électoral. Sur un autre plan, « le texte adopté le 15 décembre porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs », estime Salim Jreissati, ex-ministre de la Justice et l'un des auteurs du recours. Il explique que la compétence de désigner les fonctionnaires de première catégorie ne peut pas être confisquée par le Parlement à cause de l’inertie du Conseil des ministres. Une critique à peine voilée au fait que le Conseil des ministres qui était censé proroger le mandat de Joseph Aoun n’a pas pu se réunir le 15 décembre à cause d’un défaut de quorum. C’est donc le Parlement qui s’est chargé de maintenir les chefs sécuritaires à leurs postes. « Autre point important du recours : la nouvelle législation ne respecte pas le principe de généralité de tout texte de loi », souligne Salim Jreissati. « Le texte nomme presque les personnes concernées par la loi, dans la mesure où il stipule qu’elle s’applique à ceux qui sont encore en poste. »
Sauf que contrairement à ce qu’espèrent les aounistes, certains experts excluent la possibilité de voir le CC invalider la loi. « D’abord parce que le texte ne concerne pas uniquement la personne de Joseph Aoun, mais aussi tous les patrons d’appareils sécuritaires », explique Chucri Sader, ancien président du Conseil d’État. Il rappelle aussi que le CC a déjà émis, en mai dernier, un jugement favorable à la législation de nécessité dans les circonstances exceptionnelles.
Que fera donc le CC ? Il serait prématuré de répondre à la question, car les dix membres de cette instance ont un délai d’un mois (jusqu’au 4 février) pour trancher… à condition que le quorum de huit sur dix soit assuré, sachant que le Conseil prend ses décisions à la majorité de sept membres.
Rien de personnel ?
C’est donc à travers le défaut de quorum, cette habituelle arme qu’on emploie au moment des grandes décisions dont on veut se laver les mains, que Gebran Bassil risque de subir une nouvelle défaite face à ses adversaires. En attendant, un fait notable est à relever : le recours a été signé par 10 députés, dont M. Bassil lui-même et plusieurs de ses plus proches collaborateurs, mais par aucun des « frondeurs » habituels du groupe aouniste. De quoi donner l’impression que ces derniers n’ont pas avalisé la démarche. Selon des informations relayées récemment dans la presse, certaines figures anti-Bassil jugeaient « inopportun » pour le courant orange de poursuivre la bataille contre Joseph Aoun en période de guerre. Contactés par L’OLJ, nombre d’entre eux n’ont pas voulu faire de commentaire, sans pour autant émettre des objections claires. De l’autre côté de la barrière, on s’efforce de mettre en lumière la cohésion du groupe parlementaire CPL sur ce plan. « Nous sommes contre le principe de prorogation, et c’est pour cette raison que nous avons saisi le CC », affirme Nada Boustani, députée aouniste proche de M. Bassil et une des signataires du recours. Comme pour faire croire que le bras de fer opposant le chef de l’armée, perçu comme un des plus sérieux présidentiables contrairement à la volonté de M. Bassil, au CPL n’a rien de personnel. Sachant que la dernière conférence de presse du chef du CPL à ce sujet était particulièrement incendiaire. M. Bassil n’avait alors pas mâché ses mots en s’en prenant au général Aoun qu'il n’avait pas manqué de l’accuser de « trahison » et de « corruption ».
Ce qui ne l'a pas empêché de se rendre lundi à l'église Sainte-Thérese de Fayadiyé pour présenter ses condoléances au général Aoun suite au décès de sa mère. Il s’agit du tout premier contact direct entre les deux hommes depuis le début de la bataille articulée autour de la prorogation. M. Bassil avait été précédé par une délégation de son parti, ainsi que par son beau-père, Michel Aoun, ancien président de la République, qui avait nommé le numéro un de la troupe à son poste en 2017. « Il est très normal de remplir nos devoirs sur le plan personnel et social », explique Martine Najm Koteily, numéro deux du CPL pour les affaires politiques. « Il n’en demeure pas moins que nous voulons faire comprendre à tout le monde que nous sommes le seul parti défenseur de la souveraineté, de la réforme et du bon fonctionnement des institutions », abonde César Abi Khalil, député CPL.
L’epoque des grands hommes est revolue ….. de Charles Malik a cet individu
18 h 06, le 09 janvier 2024