« Cette fois, nous irons jusqu’au bout, sans lignes rouges et sans freins. » Le secrétaire général du Hezbollah a laissé cette phrase choc pour la fin de son discours mercredi dans une tactique devenue courante pour maintenir ses auditeurs, et surtout ceux à qui ces propos sont destinés, en haleine. Il a d’ailleurs maintenu le flou sur la forme, la date et le lieu de la riposte du Hezbollah à la frappe israélienne qui a tué le numéro deux du Hamas dans la banlieue sud de Beyrouth la veille, tout en affirmant qu’elle est inéluctable. Son message clair aux Américains était le suivant : ceux qui veulent vraiment éviter l’extension de la guerre entre le Liban et Israël doivent empêcher ce dernier de répondre à la riposte en dehors des règles déjà établies. Pour lui, l’équation est simple pour ceux qui savent la lire. Le discours attendu du secrétaire général du Hezbollah a ainsi suscité de nombreuses réactions au Liban, en Israël et dans le monde. Certains l’ont trouvé trop long, d’autres pas assez clair et d’autres encore un peu professoral. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il était différent des deux derniers discours prononcés après le déclenchement du Déluge d’al-Aqsa, à la fois dans le ton et dans le contenu. Sur le plan du ton, Hassan Nasrallah était moins enflammé et moins lyrique, soucieux essentiellement de transmettre un message de détermination et de fermeté. Sur le plan du contenu, le chef du Hezbollah était plus précis que dans ses précédents discours. Il a certes expliqué le Déluge d’al-Aqsa, sa portée et ses conséquences pour la région, mais il a aussi parlé spécifiquement du Liban, en tant que dossier particulier et pas seulement en tant qu’élément de « l’axe de la résistance ». Nasrallah a clairement déclaré que le Hezbollah est directement concerné. Il n’est plus un simple « front de soutien » à Gaza. Il doit, selon lui, réagir parce qu’il a été visé, en dehors des « règles de la confrontation » en vigueur tant bien que mal depuis 2006. À cet égard, Nasrallah a rappelé que la décision du Hezbollah de mener jusqu’à présent « un combat de faible intensité » dans une zone limitée géographiquement et avec un choix d’armes réduit a peut-être été mal comprise par les protagonistes. Selon lui, le Hezbollah n’a pas agi ainsi parce qu’il avait peur d’une guerre à grande échelle, mais pour tenir compte du contexte libanais interne et par respect pour le Hamas qui mène, lui, une confrontation terrible à Gaza. Les lignes rouges et les limites qu’il s’était fixées n’étaient donc pas le fruit de la crainte. Elles sont dictées par des considérations internes. Mais si les Israéliens décidaient d’élargir le conflit, ils devront faire face à des ripostes sans freins et sans lignes rouges de sa part. C’est pourquoi, sans le dire clairement, Nasrallah a laissé entendre que cette fois, les Américains et les Occidentaux en général qui, depuis le 8 octobre, n’ont cessé d’adresser des menaces et des conseils aux Libanais de ne pas se laisser entraîner dans une guerre à grande échelle, devraient désormais dire tout cela aux Israéliens. Pourquoi le Hezbollah estime-t-il qu’il doit absolument riposter à l’assassinat du numéro 2 du Hamas Saleh el-Arouri et de ses compagnons, dans la banlieue sud de Beyrouth ? Nasrallah a répondu à cette question sans détour. Certes, Saleh el-Arouri est un des piliers de « l’axe de la résistance » et il a joué un rôle déterminant dans le rapprochement entre les différentes composantes de cet axe, ainsi que dans la préparation du Déluge d’al-Aqsa, mais s’il avait été assassiné en dehors du Liban, le Hezbollah se serait senti concerné au même titre que les autres membres de « l’axe ». Mais là, l’assassinat a eu lieu au cœur de la banlieue sud de Beyrouth et le Hezbollah ne peut que se sentir principalement visé. D’une part, parce qu’il s’agit de son fief et par conséquent il est responsable de montrer à tous ceux qui croient en lui ou qui vivent dans cette région qu’il est en mesure de les protéger. Il y avait eu un précédent en août 2019, lorsque les Israéliens avaient envoyé deux drones contre une permanence supposée du Hezbollah dans la banlieue sud, sans faire toutefois de victimes, et le parti avait riposté de manière à empêcher toute réédition d’une telle action. Cette fois, non seulement un bureau du Hamas plutôt secret a été ciblé, mais aussi sept personnes ont été tuées, dont Arouri et trois autres cadres du Hamas. D’autre part, l’attaque israélienne contre la banlieue sud est une violation claire de ce que le Hezbollah appelle « les règles de la confrontation » et il estime donc qu’il est de son devoir d’agir pour qu’elles soient de nouveau respectées. C’est la fameuse théorie de « l’équilibre de la dissuasion » que Nasrallah a développée à plusieurs reprises. De même, toute la logique du Hezbollah repose sur sa conviction d’être un des principaux éléments de défense du Liban. C’est grâce à sa résistance que la résolution 425 adoptée en 1978 qui prévoyait le retrait israélien du territoire libanais occupé a été appliquée de facto en 2000. Par la suite, le Hezbollah n’a cessé de dire que si les Israéliens ne lançaient plus d’attaque de poids contre le Liban, c’est par crainte de sa force. Or, cette théorie est remise en question par l’attaque contre la banlieue sud. Enfin, celle-ci est une violation flagrante de la résolution 1701, et prétendre que la guerre qui se déroule actuellement justifie quelques écarts de la part des Israéliens ne tient pas, puisque les parties étrangères ne cessent de parler de la nécessité d’appliquer cette résolution. Pour toutes ces raisons, le Hezbollah est donc obligé de riposter à l’attaque israélienne de mardi. Quand et comment ? C’est lui qui décidera, tout en essayant de ne pas déclencher une guerre généralisée. Il jette ainsi la balle dans le camp des Américains, qu’il n’a pas ménagés dans son discours, pour qu’ils fassent pression sur les Israéliens, s’ils veulent vraiment éviter un élargissement du conflit.
Politique - Décryptage
Nasrallah : la riposte est inévitable, mais la guerre généralisée peut ne pas l’être
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 05 janvier 2024 à 00h00
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11 h 57, le 06 janvier 2024