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Une épopée polaire

Une épopée polaire

© Eric Fougere

Sur une terre fascinante, vierge, glacée, l’Antarctique, des hommes, des héros foulent la neige et finissent auréolés de gloire ou de sang. Catherine Hermary-Vieille nous revient dans un récit puissant, une épopée périlleuse, l’exploration du monde blanc des confins.

Le Pôle Sud demeurait alors une terre mythique qui, au début du vingtième siècle attira deux expéditions rivales qui n’avaient en commun que le courage de braver le « désert blanc » et surtout le désir de poser, au-delà des vagues de neige, le pavillon triomphant de leur pays.

Roal Amundsen, le héros norvégien, avait grandi sur une terre natale qui touchait au Cercle polaire. Plus tard, il avait vécu plusieurs mois chez les Esquimaux pour saisir les coutumes, apprendre les méthodes de survie dans les pays froids, et avait même appris à conduire les traineaux attelés aux chiens. Familier des neiges, son équipement pouvait braver les tempêtes. Il partit avec dix-neuf hommes sur le Fram, un bateau offert par le roi de Norvège et dont le nom voulait dire « en avant ». Tout était prévu pour se nourrir, se vêtir, atteindre les océans des glaces éternelles.

D’une autre île du monde, la vieille Angleterre, le « Terra Nova », au nom prometteur, descendit la Tamise via Cardiff. Le voyage jusqu’au bout du monde était mené par l’officier de marine britannique, Robert Scott. À bord, neuf autres officiers, vingt-cinq marins, mais aussi un zoologiste, deux géologues, un météorologiste, un photographe, un médecin. Le voyage avait ainsi un but culturel, un sens élaboré de la découverte, une portée humaine plus vaste. À bord, les hommes rêvaient de leur château, des soirées au coin du feu, des femmes qui les aimaient, des enfants qui les attendaient. Tous gardaient dans les yeux les soleils rouges de l’Empire des Indes, l’Égypte dorée des pharaons.

Il fallait à ses aventuriers de pays et de cultures différents traverser quelques 3 400 kilomètres dans les conditions climatiques les plus dangereuses. Ces hommes de courage, d’endurance, de lutte, devaient conquérir « un monde au-delà des hommes ». En vrais héros avec leur peau brûlée de froid, leurs corps transis de gelures, la faim qui parfois broyait leurs entrailles, leurs blessures qui ne cicatrisaient pas, ils avançaient, malgré l’épuisement, sur des terres hostiles, au ton monochrome, véritable piège de la nature. Leur cœur ne pouvait oublier leur vécu, l’histoire merveilleuse de leur périlleuse aventure, déjà imaginée et relatée avant leur départ à leurs petits pour qu’ils rêvent avec eux d’un monde fantastique et inexploré. Mais laquelle des expéditions sera la première à fouler l’Antarctique ? Sur l’immensité blanche, l’on pouvait enfoncer l’étendard de la victoire ou poser une croix sur un linceul plus blanc que la neige.

Catherine Hermary-Vieille est romancière et historienne. Depuis Le Grand Vizir de la nuit, son premier ouvrage qui obtint le Prix Fémina 1981, son œuvre sera récompensée de nombreux prix. Son talent exprime son identité première dans une même écriture, celle des passions dévorantes qui forgent les grands destins, surtout ceux des femmes. Ses biographies romancées d’époques différentes surprennent : elle relate les palais des Abbassides dans leur faste par la splendeur des grands vizirs, les souterrains du Roi Soleil où se trament les sorcelleries de la Brinvilliers, les déguisements affolants de soie et de dentelles du chevalier d’Eon, les pérégrinations épuisantes des exilés de Byzance et bien d’autres secrets du passé. La même curiosité la porte à scruter l’Histoire, à découvrir, créer, écrire, partager. Dans ses sagas impressionnantes qui sont souvent portées à l’écran, le lecteur découvre la force libératrice de l’imaginaire d’une romancière dont les mots sont toujours une parole du cœur. Les mots, les siens, s’adaptent aux époques, aux décors, aux mœurs, à tout art de vivre pour éveiller les mondes endormis.

Dans ce dernier ouvrage, Un monde au-delà des hommes, Catherine Hermary-Vieille donne vie à des aventuriers qui deviennent, tous, des héros, les gagnants comme les perdants. Tous épuisent leur résistance humaine, se surpassent, pour aller jusqu’au bout de leur rêve. Pour dire les immensités glacées et périlleuses, son style est puissant, parfois sobre. Ainsi, la neige garde sa violence, sa luisance, sa pureté.

Ce livre est saisissant, anxieux, évocateur, avec ses flocons de neige, son brouillard dense, son ciel blanc ou bleu. Il peut être lu dès l’âge de douze ans.

Un monde au-delà des hommes de Catherine Hermary-Vieille, Albin Michel, 2023, 144 p.

Sur une terre fascinante, vierge, glacée, l’Antarctique, des hommes, des héros foulent la neige et finissent auréolés de gloire ou de sang. Catherine Hermary-Vieille nous revient dans un récit puissant, une épopée périlleuse, l’exploration du monde blanc des confins.Le Pôle Sud demeurait alors une terre mythique qui, au début du vingtième siècle attira deux expéditions...
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