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Idées - Point de vue

Renouveler le lien entre impôts et contrat social au Liban

Renouveler le lien entre impôts et contrat social au Liban

Le bâtiment de la direction générale de la TVA, à Beyrouth. Photo P.H.B.


Au cœur du débat en cours sur le budget et notamment sur les impôts, que ce soit au Parlement ou au sein de diverses organisations du secteur privé, du public et des médias, il pourrait être utile d’aborder cette question du point de vue du principe du contrat social lié à la politique fiscale. Cette théorie tourne autour de l’idée fondamentale selon laquelle les individus renoncent à une part de libertés en échange d’une protection ou de services collectifs. Sur le plan fiscal, cela implique notamment que les citoyens acceptent de payer des impôts en échange des services publics fournis par l’État – même si la part des individus ou des groupes dans ces services ne correspond pas nécessairement proportionnellement à leur contribution. À travers cette dernière, ils acquièrent en outre la capacité de demander des comptes à leur gouvernement sur la manière dont l’argent est dépensé.

Au Liban, il est évident que le contrat social en matière fiscale est rompu et doit donc être renouvelé. De nombreux Libanais hésitent en effet à payer des impôts, car ils estiment, à raison, que l’État, au fil des ans, n’a pas respecté sa part du contrat social, ne parvenant pas à fournir des services publics adéquats.

L’État aurait pu fournir de meilleurs services sur la base des recettes collectées. Et ce qui a entravé cela, c’est la prévalence du gaspillage et de la corruption dans le secteur public. Cependant, le gouvernement ne pourra pas fournir ces services et améliorer leur qualité comme nécessaire à moins de collecter des recettes suffisantes grâce aux impôts. Ainsi, nous sommes pris dans un cercle vicieux.

Rompre le cercle vicieux

Évidemment, le gouvernement a un rôle plus important à jouer dans la fourniture de meilleurs services aux citoyens, mais ces derniers doivent aussi y contribuer, car il s’agit d’une responsabilité partagée. Par conséquent, des efforts doivent être faits pour rompre ce cercle vicieux. Cela nécessite une approche globale visant principalement à prendre des mesures qui restaureraient la confiance dans l’État et ses institutions.

D’abord, à travers l’amélioration de la transparence et la responsabilité. Les autorités doivent régulièrement informer les contribuables sur la façon dont leurs impôts sont dépensés en fournissant des informations sur leur collecte et leur répartition, notamment à travers des audits périodiques des autorités fiscales.

Faire respecter l’État de droit et la redevabilité renforcera également la confiance dans les institutions publiques. Lutter contre la corruption et demander des comptes aux responsables de tout détournement des recettes fiscales permettra de répondre aux préoccupations des citoyens et les rendra plus disposés à payer des impôts. Cela nécessite bien sûr un système judiciaire indépendant et équitable.

Améliorer l’administration fiscale grâce à la numérisation réduira par ailleurs la corruption et l’évasion fiscale tout en favorisant la transparence. De plus, réduire les contacts personnels entre les contribuables et les percepteurs d’impôts contribuera à réduire la corruption et les pots-de-vin.

Réduire la charge fiscale des familles à faible revenu et l’augmenter pour les groupes aisés favorisera une meilleure répartition des revenus. Il est dans l’intérêt des personnes à haut revenu de payer les impôts qui pourraient améliorer leur qualité de vie tout en réduisant les tensions sociales qui pourraient découler des inégalités croissantes et de l’extrême pauvreté. Orienter les recettes fiscales vers des programmes et des services ayant un impact direct et positif sur le bien-être de la population, tels que les soins de santé, l’éducation, les infrastructures, l’atténuation de la pauvreté et les inégalités de revenus, permettra ainsi de renforcer ultérieurement le contrat social.

Certes, cela pourrait contredire le principe d’universalité budgétaire, signifiant que toutes les recettes devraient aller au trésor général sans affectation à une entité spécifique ou à un usage désigné. Cependant, cette étape pourrait être bénéfique pour une période limitée afin de surveiller l’utilisation des recettes fiscales.

Consulter les principaux contribuables dans la prise de décisions fiscales devrait aider à construire un consensus politique, car ce sont généralement eux qui s’opposent aux augmentations d’impôts. Cependant, cela doit être planifié avec soin car si les commentaires et suggestions ne sont pas pris en compte, cela comporte des risques qui pourraient conduire à des résultats opposés.

Des réformes structurelles à long terme sont bien sûr nécessaires pour traiter le manque de confiance entre les citoyens et le gouvernement. Ces réformes pourraient nécessiter des changements dans la structure de gouvernance, les systèmes électoraux, entre autres, surtout dans un pays comme le Liban avec sa composition politique, confessionnelle et religieuse complexe. Ces réformes sont extrêmement difficiles et peuvent prendre beaucoup de temps, et donc ne peuvent pas être mises en œuvre à court ou moyen terme.

Par ailleurs, compte tenu de ce contexte socio-politique libanais, la décentralisation fiscale devrait aider à améliorer la perception de l’impôt, les contribuables pourraient être plus disposés à payer des impôts s’ils voient des avantages directs pour leurs propres communautés. Ils seraient également mieux placés pour surveiller l’utilisation des recettes fiscales et influencer les élections au niveau local. Bien sûr, cette décentralisation ne devra pas aller à l’encontre des besoins du gouvernement central et de l’intérêt national.

Enfin, en parallèle avec toutes ces mesures, lancer une campagne de sensibilisation sur l’importance des impôts dans l’amélioration du bien-être social peut aider à réduire l’évasion fiscale et renforcer le sentiment de devoir national.

Hausse nécessaire

Toutes les mesures ci-dessus et les réformes structurelles nécessitent un travail diligent et des ressources humaines et financières substantielles qui ne sont actuellement pas disponibles. Il est nécessaire d’augmenter les salaires dans le secteur public et d’augmenter méthodiquement les recettes en améliorant la collecte d’impôts, en luttant contre l’évasion et la corruption et en augmentant sélectivement certains impôts sans affecter les groupes marginalisés. De plus, il est urgent d’investir dans les infrastructures et les secteurs sociaux tels que la santé et l’éducation, qui bénéficient à tous les citoyens.

En attendant, il n’est pas raisonnable de dire que l’État ne devrait pas augmenter les recettes fiscales tant que toutes les mesures susmentionnées ne sont pas mises en œuvre, car cela entraverait le processus de réforme. Cependant, une surveillance continue par les agences gouvernementales compétentes, le Parlement, les ONG et le grand public de la politique fiscale et de sa mise en œuvre est essentielle à la pérennité des recettes publiques et à la fourniture de services publics.

Les décideurs actuels et futurs doivent poser les bases appropriées pour une politique fiscale caractérisée par la transparence, l’efficacité et l’équité, notamment en ayant un impôt progressif pour protéger les plus pauvres sans étouffer le secteur des affaires ou l’inciter à quitter le pays ou à se livrer à une évasion fiscale importante. En revanche, les politiciens doivent éviter le populisme et les intérêts à court terme qui rejettent souvent toute augmentation d’impôts.

Vice-président sortant du Conseil des ministres.

Au cœur du débat en cours sur le budget et notamment sur les impôts, que ce soit au Parlement ou au sein de diverses organisations du secteur privé, du public et des médias, il pourrait être utile d’aborder cette question du point de vue du principe du contrat social lié à la politique fiscale. Cette théorie tourne autour de l’idée fondamentale selon laquelle les...

commentaires (3)

Le plus efficace et le plus équitable c’est de percevoir les impôts de l’économie parallèle, ca devrait être la priorité, C’est essentiel pour rétablir le contrat social …

Roll

05 h 36, le 19 décembre 2023

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Commentaires (3)

  • Le plus efficace et le plus équitable c’est de percevoir les impôts de l’économie parallèle, ca devrait être la priorité, C’est essentiel pour rétablir le contrat social …

    Roll

    05 h 36, le 19 décembre 2023

  • La confiance entre le peuple libanais et ses dirigeants ne sera jamais rétablie tant que les mafieux sont à leurs postes. Il y a un climat de méfiance qui règne de la part de tous les libanais qui ont toujours honoré le contrat en payant leurs impôts sans aucun retour et pour cause, plus il y a de la pauvreté et plus les politiciens au pouvoir sont renforcés avec l’achat pour pas cher des voix qui leur permettent de continuer de régner pour piller notre pays. Cela va aussi bien pour les postes à pouvoir et tout le reste qui sont monnayés contre des voix lors des élections de tout genre.

    Sissi zayyat

    11 h 03, le 17 décembre 2023

  • Ça sonne bien sur le papier… pas évident à mettre en œuvre, surtout dans un pays sans aucune notion de "civisme"… il faudrait commencer par virer TOUS les fonctionnaires, et leur demander de re-postuler pour leurs postes, avec lettre de motivation et CV, et ne réengager QUE les compétents… et "celui qui connaît celui qui connaît celui qui connaît le cousin du ministre" n’est PAS une compétence valable… et finalement celui qui aurait touché ne serait-ce que 10’000 livres de bakhshish dans sa "carrière" est éliminé d’office… à ce moment-là PEUT-ÊTRE qu’un début de confiance serait restaurée?…

    Gros Gnon

    07 h 34, le 16 décembre 2023

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