Après avoir segmenté la séance parlementaire du jour en deux réunions relativement courtes – une première de deux heures trente en milieu de journée et une seconde de moins de deux heures en début de soirée -, les députés ont finalement clos les débats sans avoir abordé la question de l'avenir du commandant en chef de l'armée libanaise, Joseph Aoun.
Ils ont en revanche adopté plusieurs textes qui étaient inscrits à l'ordre du jour, dont celui qui institue un fonds souverain devant recueillir et administrer les potentiels revenus issus de l’exploitation des réserves encore hypothétiques d’hydrocarbures du pays. Ils ont aussi eu le temps de renvoyer en commissions le projet de loi instaurant un contrôle formel des capitaux.
Une autre séance est prévue vendredi à 15h, soit après la réunion du Conseil des ministres prévue le même jour.
Le Liban-Sud est sous tension du fait des affrontements entre le Hezbollah et l'armée israélienne depuis le 8 octobre, au lendemain de l'offensive du Hamas contre Israël qui a déclenché le conflit le plus ravageur de ces dernières décennies entre eux.
La question du dossier du chef de la troupe, dont le mandat expire le 10 janvier prochain, fait craindre une vacance au sommet de l'armée dans un Liban déjà empêtré dans une grave crise politique et économique et sans président de la République depuis fin octobre 2022. Elle est également au centre de tous les débats politiques depuis des mois. Et sans la semi-participation de l’opposition, qui a assuré le quorum, mais sans participer au vote, la séance d’aujourd’hui n’aurait même pas eu lieu.
Le contrôle des capitaux renvoyé en commissions
Plusieurs projets et propositions figurent également à l'ordre du jour de la séance, notamment un texte sur le contrôle des capitaux, ou encore sur les énergies renouvelables ainsi que sur les régimes de retraite de la Caisse nationale de sécurité sociale.
Lors de la réunion du matin, les députés ont ainsi adopté le premier point à l'ordre du jour : le projet de loi sur la production décentralisée d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Il s'agit d'un texte qui met en place un cadre légal autorisant le secteur privé – particuliers comme entreprises – et les municipalités à produire de l’électricité et à la distribuer via le réseau d'Electricité du Liban (EDL), alors que ces prérogatives sont normalement réservées à l'établissement public. La capacité maximale autorisée par ce texte, déjà approuvé en mars 2022 par le Conseil des ministres, est limitée à 10 MW par unité.
Le texte de loi instaurant un contrôle formel des capitaux, en lieu et place des restrictions imposées de manière illégale par les banques du pays depuis le début de la crise en 2019, a été de nouveau renvoyé en commissions parlementaires.
Ce projet de loi adopté par le gouvernement avait été profondément modifié, puis approuvé le 16 janvier dernier par les commissions mixtes, après une douzaine de séances. Il est considéré par ses opposants - dont l'Association libanaise pour les droits et l'information des contribuables (Aldic) - comme un quitus camouflé au bénéfice des banques.
En décembre dernier, le vice-président du Parlement Élias Bou Saab avait, lui, assuré publiquement que le texte serait « mis de côté » en attendant la finalisation des autres propositions de loi que le Liban doit adopter conformément à l’accord préliminaire signé avec le Fonds monétaire international en avril 2022.
Les députés ont aussi approuvé un accord signé en mars 2022 entre le Liban et le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe pour l'obtention d'un prêt pour la mise en place d'un système d'assainissement dans le caza de Batroun. Ce prêt porte sur un montant de 18,2 millions de dinars koweitiens (plus de 59 millions de dollars) et devra être remboursé à un taux de 2,5 %.
Les élus ont également voté en faveur d'un accord signé entre la Banque européenne d'investissement (BEI) et le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), qui a pour objectif de rénover et d'améliorer le réseau routier au Liban. La BEI prévoit d’accorder pour 151 millions d’euros de prêts (165 millions de dollars), auxquels s’ajoutera un don de l’Union européenne, dans le cadre de la politique de voisinage, ainsi que 1,8 million d’euros d’assistance technique de la BEI. Cet accord avait déjà été approuvé en octobre 2019 par le Conseil des ministres, qui avait mandaté le CDR.
Les remerciements de la CNSS
Les députés ont aussi approuvé le projet de loi visant à accepter un prêt de 300 millions de dollars accordé au Liban par la Banque mondiale. Il s’agit de l’enveloppe approuvée en mai dernier par l’organisation internationale pour financer le programme de sécurité sociale pour les crises d'urgence et la réponse au C0vid-19, connu sous l’acronyme anglais ESSN (Emergency Crisis and Covid-19 Response Social Safety Net Project). Ces 300 millions de dollars s’ajoutent aux 246 millions déjà approuvé par la Banque mondiale en janvier 2021, à laquelle était additionnée une rallonge de 4 millions de dollars accordée en mai 2022. Les modalités de remboursement des prêts n'ont pas été publiées.
Avant la levée de la séance, les députés ont également voté une proposition de loi qui établit le passage d'un système d'indemnités de fin de service à celui de pension de retraite, en ayant modifié quelques articles de cette proposition, qui avait été approuvée en commissions parlementaires mixtes à la fin du mois de novembre. Le vote de ce texte a été salué par le directeur général de la CNSS, Mohammad Karaki, qui a évoqué dans un communiqué un projet en chantier depuis « plus de 20 ans ». Il a aussi remercié le président du Parlement, les ministres du Travail successifs ou encore l’Organisation internationale du travail pour l’avoir mené à terme.
Lors de la séance de l'après-midi, les députés ont approuvé une proposition de loi instituant un fonds souverain devant accueillir les revenus éventuellement issus de l’exploitation des réserves d’hydrocarbures offshore du Liban, alors que l’existence de ces revenus est encore hypothétique et qu’ils ne seront générés que dans plusieurs années.
La commission parlementaire des Finances et du Budget avait approuvé une proposition de loi début août de cette année après plusieurs mois de discussions. Selon le président de cette commission, le député Ibrahim Kanaan (Courant patriotique libre ou CPL), l’institution créée est autonome sur les plans financier et administratif, et l’argent du fonds ne pourra pas être utilisé pour rembourser les dettes à moins que certaines conditions strictes ne soient réunies.
commentaires (8)
59 + 165 + 300 = ... On les voie déjà se frotter les mains...
Fadi Chami
08 h 29, le 19 décembre 2023