Rechercher
Rechercher

Éclipses de démocraties

Les Palestiniens seraient-ils condamnés à ne rien attendre d’une communauté internationale obstinément sourde à leurs aspirations nationales et qui croit s’acheter bonne conscience en ne s’émouvant – sans trop d’efficacité d’ailleurs – que de l’aspect humanitaire de la question ?


Particulièrement atterrante est la panne invalidant en ce moment les démocraties occidentales. Ces chantres du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, on les voit impuissants, ou alors peu intéressés, à stopper la criminelle campagne de Benjamin Netanyahu contre le secteur de Gaza. Encore plus infernale, selon les propres termes de l’ONU, est entre-temps la tournure que prend le scénario ; car, du Nord et du centre-ville à Khan Younès, en passant par le camp de réfugiés de Jabalia, les intenses bombardements acculent la population à chercher refuge dans un espace chaque fois plus exigu et impitoyablement pilonné à son tour. On voudrait tuer le plus possible de civils palestiniens qu’on n’agirait pas plus cruellement, et le silence international s’avère plus assourdissant encore que l’incessante canonnade.


Face à la léthargie ou la complicité objective des puissances, faut-il attendre plutôt que mûrisse une évolution des esprits forcément lente, laborieuse, douloureuse, sur le site même de la vieille tragédie ? Les Américains tablent d’ores et déjà sur une direction palestinienne re-vitaminée qui émergerait d’une peu réaliste éradication totale du Hamas ; pour hasardeuse que soit la comparaison, faut-il rappeler cependant que les mêmes Américains avaient longtemps diabolisé Yasser Arafat pour finir par l’accueillir à la Maison-Blanche une fois qu’il eut répudié ses thèses maximalistes ?


Nulle en revanche de ces fringantes puissances ne pipe mot des révisions déchirantes auxquelles est nécessairement tenue, en toute symétrie – et dans son intérêt bien compris– la société israélienne. Dans les déclarations officielles comme sur les plateaux des télévisions, ce ne sont qu’admiratives références à cette démocratie absolument unique dans notre partie du monde qu’est supposé être l’État d’Israël. On s’extasie ainsi sur le fait qu’en plein tintamarre de guerre, le procès de Netanyahu pour fraude et corruption se poursuit inexorablement ; et on oublie que ce triste personnage ne s’est pas borné à voler le fisc, mais qu’en ce moment même, il s’acharne à voler, dans un déchaînement de violence, et les terres et les vies des Palestiniens.


On persiste à se pâmer, en Occident, devant les très réels garde-fous dont se pare le système politique israélien : séparation des pouvoirs, verdict sans appel des urnes électorales, pluralisme idéologique et alternance du pouvoir, liberté de la presse et vigilance de l’appareil judiciaire. Mais on oublie ou feint d’oublier, là aussi, que tous ces beaux atours ne jouent qu’en faveur de sa population juive, les Arabes d’origine étant traités en citoyens de seconde zone. C’est en somme d’une démocratie ethnique, raciste, que peut seulement se targuer Israël. Or la colonisation effrénée de la Cisjordanie occupée ainsi que la sauvage répression visant sa population soumise à un régime juridique différent et des plus iniques achèvent de démythifier la tenace légende. On ne le répétera jamais assez : comment en effet peut-on encore oser parler de démocratie devant un aussi révoltant, aussi criant cas de conquête armée doublée d’apartheid ?


On n’en sortira pas : tout autant que les Palestiniens, les Israéliens devront tôt ou tard choisir entre la voie de la raison et celle d’une guerre de mille ans. Ils ne peuvent avoir en effet le beurre et l’argent du beurre, les terres d’autrui et la sécurité dans la paix. Plutôt que d’impressionnantes escadres navales, c’est ce même message que serait bien inspirée d’envoyer dans la région, avec toute la fermeté nécessaire, une Amérique se posant en parangon de démocratie.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Les Palestiniens seraient-ils condamnés à ne rien attendre d’une communauté internationale obstinément sourde à leurs aspirations nationales et qui croit s’acheter bonne conscience en ne s’émouvant – sans trop d’efficacité d’ailleurs – que de l’aspect humanitaire de la question ? Particulièrement atterrante est la panne invalidant en ce moment les démocraties...