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Nos Lecteurs ont la Parole

Selon quelles lois œuvrons-nous pour la justice ?

Face à l’atrocité, l’effusion de sang et l’injustice provoquées par la guerre sur Gaza, sans oublier, pour le Liban, la double explosion au port de Beyrouth, la crise des réfugiés syriens, le refus d’adopter des opinions unanimes me semble nécessaire pour vivre et traverser cette nuit sombre de l’humanité.

Dans cette région du monde, les individus sont laissés pour compte face à leurs propres démons, ce qui les empêche d’agir, de vivre et de traverser. Aucun responsable n’est en mesure de prendre en charge la diversité ethnique et culturelle. Nous, le peuple, portons cette lourde responsabilité d’un tableau complexe et sombre. Nos différents bagages religieux, expérimental, environnemental et historique nous poussent à nous attaquer mutuellement, nous traitant de traîtres, d’apathiques, la liste est exhaustive, nous entraînant dans des guerres intestines.

Nous cherchons la justice dans des valeurs et des lois inaccomplies. Les droits de l’homme ont eu un impact limité sur la justice, mais nous sommes toujours confrontés à la quête de ces lois. Nous sommes conscients des conséquences néfastes de l’interprétation des textes religieux qui ont entraîné la discrimination et l’injustice, mais nous maintenons notre position.

Ghassan Salamé a déclaré dans une interview récente que « le conflit israélo-palestinien est une charge symbolique pour la planète. ». J’y adhère. Nous sommes invités à chercher dans cette direction (celle du symbole) pour comprendre et travailler vers une solution à la justice et à la paix, et pour arrêter l’effusion de sang.

Il doit y avoir quelque chose de naturel qui unifie tous les humains sur cette planète. Ce ne sont pas les valeurs mondiales ni les droits de l’homme, ce sont plutôt « les lois ontologiques » que révèlent les textes religieux des différentes confessions. En se fondant sur une expérience personnelle et approfondie de la lecture des textes de la Bible, de la Torah et du Coran, il peut être difficile de remarquer la similitude des messages dans les différents textes lors d’une lecture « peshat » – une lecture simple de premier niveau –, mais elle sera évidente lors d’une lecture symbolique. Ces lois sont interprétées au moyen de « symboles ». Ces textes servent de guide à tous les individus pour se connecter au fondement, à la nature et à l’essence, et donc les uns aux autres. Les textes religieux utilisent des mots pour révéler des symboles qui ont une fonction vitale pour lier les évènements et donner sens aux vécus. Chaque être humain, quel que soit son milieu, a un fondement de lois ontologiques. Il n’y a pas de supériorité d’un groupe ethnique sur un autre. Ce texte s’appuie sur des passages de la Bible et de la Torah. Il est indéniable que des interprétations révélant ces lois ontologiques peuvent être trouvées dans le travail de nombreux théologiens et théologiennes musulmans.

À titre d’exemple, considérons ce que les livres nous disent sur Jérusalem et « Israël » : « Cette nuit-là, Jacob (...) envoya tous ses biens (...) et fut laissé seul, et un homme lutta avec lui jusqu’à l’aube. Quand l’homme a vu qu’il ne pouvait pas le vaincre (...), l’homme a dit : « Laisse-moi partir, car c’est l’aube. » Mais Jacob répondit : « Je ne te laisserai pas partir si tu ne me bénis pas. » L’homme lui demanda : « Quel est ton nom ? » « Jacob », répondit-il. Alors, l’homme a dit : « Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël parce que tu as lutté avec Dieu et avec les humains, et que tu as vaincu. » » Il est évident qu’« Israël » est un nom donné à une personne. C’est une quête intérieure symbolique applicable à tous. « Israël » symbolise notre terre intérieure, du ferme (du sec). Sortir de l’eau, de l’esclavage et des conflits. Les textes religieux seraient inutiles à l’humanité s’ils nous disaient simplement des faits géographiques et historiques. Cette quête est un combat intérieur. Il convient de noter que Jacob a combattu « avec » plutôt que « contre » l’ange. Cette loi a été oubliée et perdue à la fois par le peuple juif d’Israël et les Palestiniens alors qu’ils se battent les uns contre les autres. Rien ne pourra mettre fin à ce conflit si les deux peuples ne retrouvent pas le sens vrai de cette lutte en s’appuyant sur les lois ontologiques.

Le mythe des frères ennemis, la résonance : cette situation conflictuelle n’a rien de surprenant. Tragique, révoltante et sombre, mais souvenons-nous de la loi ontologique pour tenir le coup. L’actualité nous rappelle les conflits latents en nous, les liens de fraternité au sein de la famille, tout comme « Yisma’el (Ismaïl) » et « Yisra’el » dans la Bible. « Yisma’el » (signification en arabe : écouter ou, plus justement, il entendra). « Yisra’el » : nom donné par l’« ange » avec lequel Jacob lutte toute une nuit (Gen. 32), dont il est Sarah (« siraa », ou conflit, qui est à l’origine du mot « Yisra’el »).

Contemplons la prière d’Israël : « Shema Israël » ; « Écoute, Israël, notre Dieu est un. » Cela signifie le centrage de son être spirituel. Cependant, la lutte est l’action intérieure et non pas l’action extérieure sur laquelle Ismaël et chacun de nous sommes invités à mettre l’accent dans notre vie pour combattre l’infidèle. Cela n’a rien à voir avec un combat « extérieur » d’armes et d’artillerie entre deux peuples. Il ne faut pas confondre l’Ancien Testament et la Torah avec un manuel de guerre entre nations ou un guide pour les stratégistes de guerre. Sinon, cela aurait été absurde.

Sur le plan personnel, pour opérer notre « passage » à une dimension d’accomplissement, il nous faut entrer dans notre « soir ». (Hébreu : weber/eeber = passer/traverser [celui qui passe de l’autre côté du fleuve]. Arabe : eereb=soir). En fait, ces deux mots sont composés de mêmes lettres – (valeur 272) ; tous deux sont « bar ou jeune fils » ; tous deux sont réserve d’énergie et d’inaccompli, de multitude et abondance. « Nous voyons ici que chacun des deux frères porte en son nom le germe de vie de l’autre. » – Bar (Annick de Souzenelle, La lettre, chemin de vie). « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? Alors, de nouveau, ils crièrent (la foule) : « Non, pas lui, mais Bar -abbas. » » (Jean 18.38-40).

Les versets suivants provoquent une autre idée fausse : « Vous êtes un peuple saint pour le Seigneur votre Dieu. Le Seigneur ton Dieu t’a choisi parmi tous les peuples de la terre pour être son peuple, sa précieuse possession. » (Deutéronome 7:6). L’impression donnée par une lecture « peshat » est que Dieu, ou le Divin, préfère un peuple à un autre. Alors que l’étymologie du mot « choisi » est bakhir/bakir. Le fils bikr, ou le premier venu, le fils aîné, est ce à quoi il se réfère. Pour ceux qui sont les premiers arrivants dans vos familles, n’avez-vous jamais eu l’impression que le fardeau de la famille tombe sur vous ? Quelle était la controverse entre Jacob et son frère ? Ne s’agissait-il pas du rôle des bikr dans la famille ? Choisi signifie le « kebech fida’ », le bouc émissaire.

Le bouc émissaire est une réserve de ce qui reste à accomplir dans son environnement. On discute ici d’une autre loi ontologique. Ce que nous négligeons de contempler en nous-mêmes viendra par des actions et réactions extérieures sous forme d’événements, parfois tragiques, comme la violence, les guerres, les maladies, pour nous obliger à porter un regard scrutant sur soi. Grâce au symbole, nous pouvons comprendre le message de l’événement et nous aider à intégrer sa charge afin de grandir et mûrir de l’intérieur. Les lois ontologiques sont au-delà du bien et du mal. Annick de Souzenelle affirme que l’expression « du bien et du mal » est très mal traduite ; il s’agit, selon elle, de « accompli et inaccompli », ou de ce qui est accompli de nous – de notre humanité – et de ce qui n’est pas encore accompli de nous.

Nous sommes tous d’accord que beaucoup des dirigeants dans le monde arabe sont corrompus et utilisent la politique pour manipuler leurs intérêts financiers et de pouvoir. Malgré la déstabilisation et l’injustice causées par « Israël », nous avons toujours notre propre « mal », notre « inaccompli », qui nous rend vulnérables et enclins à la perte et l’adversité.

À la lumière des atrocités causées par ce conflit, les Arabes doivent mettre l’accent sur le potentiel transformateur d’affronter et de surmonter « Israël » dans son sens symbolique, et non Israël le pays. Il est urgent de porter un regard objectif et vrai à notre soi en premier lieu et à notre société. Il est absurde de croire ou de vouloir éliminer les autres. Il est crucial de comprendre l’étranger en nous et de lutter, pas « contre » lui, mais avec « lui ». Les chrétiens, les musulmans et les juifs du Moyen-Orient devraient retourner à leurs textes respectifs. Creuser dans les lois ontologiques pour mieux discerner par le moyen du symbole. Les peuples de Palestine et d’« Israël » doivent comprendre que leur patriarche Jacob n’a pas initié un combat contre, mais plutôt un combat avec.

Prier à Jérusalem ne devrait pas être un but, mais une représentation symbolique d’une compréhension plus profonde de qui nous sommes et des animaux qui nous déplacent de l’intérieur pour élever notre condition humaine. « Femme, répondit Jésus, croyez-moi, un temps viendra où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem (…) mais en esprit et en vérité. »


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Face à l’atrocité, l’effusion de sang et l’injustice provoquées par la guerre sur Gaza, sans oublier, pour le Liban, la double explosion au port de Beyrouth, la crise des réfugiés syriens, le refus d’adopter des opinions unanimes me semble nécessaire pour vivre et traverser cette nuit sombre de l’humanité.Dans cette région du monde, les individus sont laissés pour...

commentaires (1)

Très intéressant

Eleni Caridopoulou

16 h 21, le 06 décembre 2023

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Commentaires (1)

  • Très intéressant

    Eleni Caridopoulou

    16 h 21, le 06 décembre 2023

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