Sorti assourdi jeudi 30 novembre du concert de Beirut Chants, tenu en la cathédrale Saint-Georges des maronites au centre-ville de Beyrouth, avec la participation d’un orchestre composé de musiciens libanais et de membres de l’Orchestre symphonique arménien, du ténor libanais Joseph Dahdah et du baryton César Naasi. Invité de marque : le pianiste coréen Kyubin Chung, lauréat du concours international de piano de Tokyo. Les deux œuvres au programme de la soirée étaient interprétées par le chœur de l’Université antonine et le chœur de l’Université Notre-Dame dirigés par Toufic Maatouk, également directeur artistique du festival.
Amplification sonore tonitruante, surtout dans les fortes fortissimos que le chef ne manquait pas d’appuyer pour faire de l’effet, aboutissant à des distorsions. Œuvre de jeunesse de Puccini qui avait 20 ans, cette Messa di Gloria est plus qu'une curiosité : c’est un document très vivant du style d’un futur maître du théâtre lyrique qui, en attendant de le devenir, met le meilleur de lui-même dans une œuvre religieuse dont il piquera des thèmes plus tard pour sa Tosca et sa Manon. Il faut de grands interprètes pour sauver cette Messe qui peut sombrer facilement dans l’ennui.
On aurait naturellement tendance à penser que cette œuvre est déjà celle d’un musicien de théâtre. Tel n’est pas le cas et une comparaison avec le Requiem de Verdi n’aurait pas grand sens.
Ce Requiem est l’œuvre d’un compositeur de théâtre au zénith de son génie, tandis que la Messe de Puccini est celle d’un débutant qui n’a encore jamais composé pour le théâtre. Les accents dramatiques n’en sont pas absents et le père Maatouk les appuyait encore plus, ce qui suscitait les applaudissements nourris du public à la fin de chaque partie. La première fois, il a essayé de les retenir d’un geste de la main, mais le public n’a pas suivi.
Cette Messa di Gloria, bien que d’un compositeur encore novice, révèle un musicien qui connaît son métier. Il ne s’agit pas pour lui d’unifier sa Messe selon un schéma cyclique, bien que ici ou là (Gloria et Credo), on retrouve les traces d’un thème commun.
Le chef y montre une ardeur et une conviction communicatives, aidé des chœurs (trop nombreux, on croirait la symphonie des Mille de Gustav Mahler), mais aussi par l’orchestre. Dans leurs interventions relativement brèves, les deux solistes nous ont montré leur art vocal – très belle émission du ténor malgré quelques notes hésitantes du baryton.
La Fantaisie pour piano, orchestre et chœurs de Beethoven, se rattache encore à l’esprit familier des Oratorios de Joseph Haydn.
Malgré un départ confus du piano dans l’introduction, l’interprète va donner du moelleux et du charme viennois à ce monologue, puis à cette conversation à bâtons rompus avec l’orchestre et les chœurs d’où va se dégager une pensée haute qui célèbre la paix et la joie, l’amour et la force.
Insensiblement, l’œuvre qui balance sans cesse entre l’esprit du XVIIIe siècle et la vertu du XIXe siècle va atteindre une véritable grandeur, et Beethoven soulignait que le mot kraft (force) doit être à la fin clamé bien haut. On sait que ce thème reviendra dix-neuf ans plus tard dans le finale de sa Neuvième Symphonie.
Le Festival Beirut Chants déroule ses concerts jusqu'au 23 décembre dans plusieurs églises de la capitale, dans les souks du centre-ville, à l’Assembly Hall de l’Université américaine de Beyrouth et au Gulbenkian Hall de la Lebanese American University. Le programme à retrouver ici.
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