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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

La Syrie, sans Assad, au sommet de la COP28

Le Premier ministre du régime dirige la délégation syrienne à la 28e conférence des Nations unies sur le changement climatique qui s’est ouverte jeudi à Dubaï.

La Syrie, sans Assad, au sommet de la COP28

Le président syrien Bachar el-Assad. Photo d’archives AFP

« Participants à la COP28 : lorsque vous parlerez à Assad, interrogez-le sur mon frère ! » Ils étaient une petite vingtaine à s’être rassemblés, il y a une semaine, devant l’ambassade des Émirats arabes unis (EAU) à Londres, arborant des slogans pour alerter sur le sort de leurs proches. Pour ces familles syriennes de détenus et de disparus de force aux mains du régime de Damas, le message était clair : réclamer le retrait de l’invitation de Bachar el-Assad à la 28e conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP28) qui s’est ouverte jeudi à Dubaï, et la fin de la normalisation avec son pouvoir. Un cri partagé par des membres de Families for Freedom, une organisation représentant des proches des près de 130 000 Syriens toujours détenus arbitrairement dans les geôles du régime ou disparus de force, qui a remis la semaine dernière à l’ambassade à Londres du pays hôte une pétition comprenant plus de 9 000 signatures.

Si cette mobilisation n’explique pas l’absence de Bachar el-Assad à l’événement, où le Premier ministre Hussein Arnous a pris la tête de la délégation syrienne jeudi, la pression internationale contre le régime est loin d’être retombée. Et ce, malgré son retour dans le giron arabe, acté par la présence en mai dernier du chef de l’État syrien au 32e sommet de la Ligue arabe à Djeddah, sous l’impulsion de l’Arabie saoudite.

En témoigne le mandat d’arrêt inédit émis par la France contre Bachar el-Assad le 14 novembre, le premier délivré par une justice nationale contre un chef d’État en exercice. Son frère, Maher el-Assad, chef de la 4e division, ainsi que deux hauts responsables accusés d’avoir planifié des bombardements à l’arme chimique, ont été visés à ses côtés et mis en cause pour complicité de crimes contre l’humanité et crimes de guerre en lien avec les attaques chimiques perpétrées en Syrie en août 2013, qui ont provoqué la mort de plus de 1 000 civils à Douma et dans la Ghouta orientale, une banlieue de Damas.

Rôle dissuasif

Invité par les Émirats à la COP28 en mai, lors de sa réhabilitation régionale officielle, le président syrien, qui n’a pas commenté son absence, s’est rendu à plus d’une reprise depuis 2011 aux EAU, un pays qui s’était érigé comme l’instigateur du rétablissement des liens diplomatiques, affichant ouvertement son souhait de le ramener dans la communauté arabe et rouvrant son ambassade en Syrie fin 2018. Pour les victimes des atrocités perpétrées par son régime depuis plus de douze ans, leurs proches et les défenseurs des droits humains, cette invitation n’avait pas lieu d’être.

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« Assad n’aurait jamais dû être convié à la conférence, clame Rebecca Falcon, directrice de campagne à The Syria Campaign, une organisation de défense des droits de l’homme apportant un soutien aux Syriens dans leur lutte pour la liberté, la justice et la démocratie. Ce mandat d’arrêt est une raison supplémentaire d’abandonner tout effort de normalisation avec un régime qui a gazé son propre peuple avec des armes chimiques et qui continue de faire disparaître et de tuer arbitrairement des civils. »

Alors que Bachar el-Assad a assisté, le 11 novembre à Riyad, aux réunions d’urgence de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) sur la guerre à Gaza, sa présence à la COP28 aurait marqué sa première apparition à une conférence mondiale depuis le début du soulèvement populaire syrien en 2011, réprimé dans le sang. S’il est difficile de connaître précisément les coulisses de la décision d’Assad de ne pas se rendre en personne à Dubaï, il semble possible que le mandat d’arrêt français ait joué un rôle dissuasif, bien qu’aucune notice rouge n’apparaisse pour son nom sur le site d’Interpol, Paris devant au préalable faire une demande auprès de la police internationale.

De nombreux intérêts

Car derrière la participation de la délégation syrienne à la conférence climatique, les intérêts sont nombreux. Un objectif tout d’abord symbolique. « En étant présent aux réunions multilatérales, le gouvernement démontre que la Syrie n’est pas isolée et ne peut l’être comme le souhaitent les États-Unis et d’autres pays, souligne Aron Lund, chercheur au centre de réflexion Century International. Et que le pays et le régime Assad font toujours partie de la politique arabe et internationale. »

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Mais la présence syrienne est également guidée par des considérations économiques, alors que la reconstruction d’après-guerre est estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars. Cité par Reuters quelques jours avant l’ouverture de la COP28, le Premier ministre Arnous a déclaré qu’il s’efforcerait d’obtenir des financements pour des projets climatiques dans son pays ravagé par la guerre.

Ces propos ont suscité l’indignation d’une partie de la population, qui rappelle la destruction, par le pouvoir à Damas au cours des douze dernières années, de l’environnement à des fins de guerre. « L’arsenal (que le régime syrien) a utilisé, notamment des armes conventionnelles, chimiques, incendiaires, à fragmentation et à canon, a eu des impacts durables et dévastateurs sur l’environnement, ciblant délibérément les forêts et les terres agricoles pour les incendier à titre de mesures punitives, ont dénoncé sur Twitter les Casques blancs, les secouristes des zones rebelles en Syrie. Cibler et détruire l’environnement détruit la vie et les moyens de subsistance des communautés, avec des conséquences catastrophiques pour les générations futures. »

Selon un rapport publié au début du mois de novembre par l’ancien juge de la Cour pénale internationale Howard Morrison, le régime Assad est responsable de « la dévastation et des dommages considérables causés à l’environnement » par les diverses campagnes de bombardements et attaques à l’arme chimique au cours des dernières années. Parmi les dégradations citées, une déforestation importante dans différentes régions du pays résultant des combats. Ainsi, les gouvernorats de Lattaquié, Hama, Homs et Idleb (Ouest) ont perdu une couverture arborée de plus de 36 % entre 2011 et 2021.

« Participants à la COP28 : lorsque vous parlerez à Assad, interrogez-le sur mon frère ! » Ils étaient une petite vingtaine à s’être rassemblés, il y a une semaine, devant l’ambassade des Émirats arabes unis (EAU) à Londres, arborant des slogans pour alerter sur le sort de leurs proches. Pour ces familles syriennes de détenus et de disparus de force aux mains du régime...

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Le mandat d’arrêt émis par la France contre Bachar el-Assad le 14 novembre, ne peut-il pas être relayé par Interpol dirigé par M. Ahmed Al-Raisi, émirati et ex inspecteur général au ministère de l’intérieur des EAU ?

TrucMuche

12 h 21, le 01 décembre 2023

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Commentaires (1)

  • Le mandat d’arrêt émis par la France contre Bachar el-Assad le 14 novembre, ne peut-il pas être relayé par Interpol dirigé par M. Ahmed Al-Raisi, émirati et ex inspecteur général au ministère de l’intérieur des EAU ?

    TrucMuche

    12 h 21, le 01 décembre 2023

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