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Moyen-Orient - Entretien

« De Gaza, dans les yeux des otages : beaucoup d’espoir et de soulagement »

Le chef de la mission du CICR à Gaza Pascal Hundt, qui mène les opérations dans l’enclave palestinienne, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

« De Gaza, dans les yeux des otages : beaucoup d’espoir et de soulagement »

Un véhicule de la Croix-Rouge internationale transportant des otages libérés par le Hamas en route vers l'Égypte via le poste-frontière de Rafah, le 25 novembre. Said Khatib/AFP

Au troisième jour de la trêve conclue entre le Hamas et Israël, deux groupes d’otages ont déjà été relâchés de la bande de Gaza, dont 26 Israéliens, contre 78 prisonniers palestiniens libérés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, le troisième échange étant en cours de réalisation. Sur le terrain, à Gaza comme en Israël, c’est le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui s’occupe des opérations de libération pendant le cessez-le-feu temporaire décidé près de 50 jours du début de la guerre de Gaza, qui a fait suite aux attaques du mouvement islamiste en Israël le 7 octobre. Le directeur des missions de crise du CICR à Gaza, Pascal Hundt, qui dirige les opérations dans l’enclave palestinienne, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

Vous participez aux opérations de libération d’otages à Gaza menées dans le cadre de l’accord entre le Hamas et Israël. Est-ce que les combats ont réellement cessé depuis l’entrée en vigueur de la trêve et à quels risques vous exposez-vous ?

Oui, les combats de grande ampleur ont cessé. Nous n’étions pas sur place, mais nous avons entendu qu’il y avait eu des incidents dans la région de Wadi Gaza, où malheureusement des civils ont été blessés et ont perdu la vie. À part quelques incidents de la sorte, néanmoins, la trêve est bien respectée et c’est un véritable soulagement pour la population.

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En ce qui concerne les risques, ces opérations de libération sont à la fois simples et compliquées. À Gaza, nous n’avons pas eu de problème de sécurité jusqu’à maintenant. Ce qui est important, c’est la communication. Et pendant ces opérations, nous sommes en contact permanent avec toutes les parties concernées pour nous assurer que nous avons des garanties de sécurité, que tout va bien. Le CICR est ainsi en discussions régulières avec les Israéliens, le Qatar et le Hamas, mais seulement sur des questions purement humanitaires. Car le rôle de la Croix-Rouge est bien défini : nous ne sommes pas présents dans les négociations entre les parties, qui sont essentiellement politiques. Le CICR endosse seulement le rôle d’intermédiaire neutre accepté par les deux camps afin de faciliter la mise en œuvre des accords conclus, soit, dans ce cas, la libération et le transfert des otages et des prisonniers palestiniens, et ceci en étroite coordination avec les parties au conflit. Nous avons régulièrement rempli cette fonction dans le conflit israélo-palestinien depuis 1967, comme dans d’autres conflits dans le monde, en Ukraine, au Yémen ou encore dans le Haut-Karabakh, par exemple. Cela fait partie de notre activité de protection reconnue par les États signataires des Conventions de Genève.

Comment se déroulent les opérations de libération des otages auxquelles vous participez ?

Une fois que tout le monde s’est mis d’accord sur le nombre de personnes concernées, où aller les chercher et où les amener, et que tous les détails sont réglés, le CICR entre en jeu pour la mise en œuvre. Sur les détails de l’opération, comment ça s’est passé, où nous sommes allés, je ne peux pas en dire trop parce que c’est encore en cours.

Pendant l’opération, ce qui est néanmoins fondamental, en plus du rôle logistique du CICR, c’est aussi de rassurer et d’apporter de l’humanité. Les otages ont été retenus pendant des semaines entières. Je vous laisse imaginer l’angoisse que ça a été pour eux et pour leurs familles. Et cela vaut aussi pour les détenus palestiniens qui ont été emprisonnés pendant des années. Durant les libérations, nos équipes restent près des otages, près des détenus palestiniens. On leur parle, on leur explique ce qu’il se passe parce que beaucoup d’entre eux ne savent pas, n’ont pas été briefés, on les rassure. On s’assure aussi que médicalement, ils sont en bon état. Ici à Gaza, nous avons un médecin dans nos équipes pour récupérer les otages. On leur fournit de la nourriture, des couvertures, de l’eau pour assurer le confort minimum pendant le transfert, et pendant ce temps, on s’assure que ces personnes vont bien.

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Je peux vous raconter ce qu’on a vu à Gaza dans les yeux des otages et j’imagine que c’est la même chose pour les prisonniers palestiniens : beaucoup d’espoir, de gratitude et de soulagement. Ils ont été rassurés par la présence de la Croix-Rouge, ils voyaient enfin que la fin du calvaire était proche. Je n’y étais pas, mais j’imagine que, pour les détenus palestiniens, c’est la même chose. Quand ils montent dans un bus et qu’ils voient que le CICR est là, ils savent que c’est pour une libération proche.

Alors que la trêve prévoyait une augmentation de l’aide humanitaire pour Gaza, quels sont encore les besoins ?

Il y a effectivement plus de camions qui sont entrés dans Gaza depuis le début de la trêve, et le CICR est notamment en train d’acheminer de l’aide. Encore beaucoup d’assistance doit arriver prochainement, et chacun fournit ses efforts dans le cadre de processus établis avec dautres acteurs, comme l’Unrwa (l’Agence onusienne pour les réfugiés palestiniens) et le Croissant-Rouge palestinien, afin de s’assurer qu’un maximum d’aide arrive dans la bande de Gaza. C’est une petite bouffée d’oxygène, mais c’est vraiment tout petit. C’est une goutte d’eau dans un océan de besoins, mais nous essayons de faire le maximum.

La situation est extrêmement difficile, je n’ai pas de mots pour la décrire, et pourtant, cela fait bientôt trente ans que je travaille pour le CICR. Ici à Gaza, la souffrance de la population, physique, psychologique, est vraiment indescriptible. Notre organisation est restée présente à Gaza, bien que nous ayons déménagé nos bureaux dans le Sud pour l’instant. Nous arrivons à bouger de là, ayant été plusieurs fois dans le Nord.

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Une équipe chirurgicale travaille avec des médecins palestiniens dans l’hôpital européen de Gaza, dans le sud de Khan Younès. Alors que le système de santé s’est effondré, nous avons vu ces derniers jours beaucoup de malades et de blessés descendre du nord de la bande de terre vers le Sud. Certains dans des mouvements spontanés. Et juste pour vous donner une idée de l’ampleur du désastre, il y a deux jours, environ 800 malades et blessés sont venus à l’hôpital européen de Gaza, d’où ils ont été dispatchés vers les autres hôpitaux qui restaient fonctionnels dans le Sud. Le lendemain, 107 ambulances sont arrivées en l’espace de quelques heures, en plus d’un bus où il y avait 50 malades.

Nous attendons de l’assistance qui devrait venir ces prochains jours afin de continuer à distribuer des médicaments aux hôpitaux dans le Sud, et procéder de nouveau à quelques distributions dans le Nord. Même après quelques jours de trêve, la souffrance de la population est extrême ici. Bien que les prix commencent légèrement à descendre sur le marché, il reste très difficile de trouver du gaz, de la farine, des produits de première nécessité. Les équipes du CICR ont pour leur part mangé une fois par jour et, dans les conditions actuelles, c’était déjà une source de satisfaction.

Pensez-vous que la trêve puisse se prolonger au-delà des quatre jours initiaux prévus ?

Je nourris cet espoir. Tout élément qui peut mettre fin aux souffrances de la population dans ce conflit comme dans d’autres est bon à prendre. D’autant que la situation ici est absolument intenable et indescriptible. Peut-être que c’est utopique, mais je veux garder espoir et pouvoir transmettre cet espoir. En revanche, il y a eu beaucoup trop de souffrances ici à Gaza, et il faut trouver une solution politique.

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