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Dans le rouge !


À quel stade d’un conflit, sur la base de quels accomplissements – ou contraintes–, les belligérants consentent-ils à arrêter les frais, ne serait-ce que pour reprendre souffle ? Une quinzaine de milliers de Palestiniens tués pour 1 200 Israéliens, treize dents pour une dent, est-ce déjà un score suffisamment honorable pour Benjamin Netanyahu ? Avantageux lui aussi, le taux de change de trois pour un qui a été retenu pour le troc entre otages et prisonniers entamé hier ?

Pour terribles que soient les chiffres, ils ne sont guère seuls à parler. Bien d’autres paramètres que ceux à caractère strictement militaire devront en effet être pris en compte quand prendra effectivement fin la guerre de Gaza, et que le moment sera venu de distribuer les lauriers. Dans l’intervalle cependant, on ne perdra pas de vue que bien des compétitions de sport violent sont gagnées non point par knock-out, mais aux points. Or c’est sur plus d’un de ceux-là que le chef du gouvernement israélien a dû céder, même si pour ouvrir la boîte de Pandore, le Hamas palestinien a payé le prix fort.

Pas de cessez-le-feu, pas même de pause avant l’éradication intégrale du Hamas, s’était juré le Premier ministre israélien. Le voilà pourtant qui se résigne à une trêve en tranches de quatre jours non seulement renouvelables mais susceptibles, selon son principal artisan, le Qatar, de conduire à un arrêt total des combats. Mieux encore, pour se racheter auprès des familles d’otages qui le harcèlent, il a dû négocier indirectement avec ceux-là mêmes qu’il vouait aux enfers, accepter inévitablement certaines de leurs exigences. De mieux en mieux, il lui a bien fallu se répandre en remerciements publics au même Qatar qui finance le Hamas, qui abrite même sur son territoire le chef de ce mouvement et autres planqués de haut rang. En revanche, il serait bien aventureux de croire que Netanyahu a définitivement renoncé à son projet de guerre longue, laquelle retarderait d’autant le moment de rendre compte de sa gestion.

Face à l’énormité des enjeux pour un Israël fort capable de rivaliser avec le Liban en matière de corruption politique, les fraudes pour lesquelles est poursuivi le chef du Likoud passeraient sans doute aujourd’hui pour des peccadilles. À peine aussi graves paraissent aussi ses tentatives de neutraliser la Cour suprême israélienne, manœuvre qui, bien avant l’opération Déluge d’al-Aqsa, jetait des dizaines de milliers de manifestants dans la rue. À Netanyahu, les Israéliens reprochent surtout d’avoir parié sur le Hamas, d’avoir aidé la milice islamiste à régner sur Gaza à seule fin d’affaiblir l’Autorité palestinienne installée à Ramallah. Ils ne lui pardonnent pas les incroyables failles sécuritaires du 7 octobre, le point de passage d’Ezer passablement dégarni, la troupe occupée à épauler les colons en Cisjordanie.

Parce que la barbarie, ça use, ça use (et pas que les habitations, hôpitaux et écoles !), s’ajoute au dossier la nette érosion de la tonitruante faveur diplomatique dont bénéficiait au départ l’État hébreu auprès du monde occidental. Sont venues enfoncer le clou les condamnations sans appel prononcées par les diverses organisations humanitaires de l’ONU, certaines allant jusqu’à user des termes de génocide et d’apartheid. Le résultat en est que pour la toute première fois dans les annales se trouve lézardée la légendaire union sacrée entourant les guerres israéliennes ; l’opposition en est à réclamer ouvertement en effet le départ de Bibi et la tenue d’élections anticipées. Mais est-ce assez pour lui interdire du moins toute velléité de relancer sa fuite en avant, d’élargir le conflit en dépit des recommandations US en multipliant les provocations à la frontière libanaise ?

C’est à Washington que se trouve sans doute la réponse. Israël est littéralement sous perfusion américaine et, outre les armes et les munitions, le flot nourricier comporte des masses de dollars destinés à une économie ne tournant plus qu’au ralenti, du fait du rappel des réservistes. En dépit des apparences, ce n’est vraisemblablement pas un chèque en blanc que Joe Biden a donné à Benjamin Netanyahu. Aussi faut-il espérer que la Maison de même couleur a fini par s’effarer de tout cet amas de factures maculées de rouge que lui expédie son peu honorable correspondant.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

À quel stade d’un conflit, sur la base de quels accomplissements – ou contraintes–, les belligérants consentent-ils à arrêter les frais, ne serait-ce que pour reprendre souffle ? Une quinzaine de milliers de Palestiniens tués pour 1 200 Israéliens, treize dents pour une dent, est-ce déjà un score suffisamment honorable pour Benjamin Netanyahu ? Avantageux lui aussi,...