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Culture - Spécial

Poèmes pour Gaza

Elle chante la vie, elle chante l'amour. Mais la poésie est aussi douleur, indignation et révolte. Elle n'a sans doute pas le pouvoir de changer le monde. Mais elle peut certainement avoir un effet cathartique et cicatrisant. Parole aux poètes, ces taquineurs de muse à l'humanité aux aguets. 

Poèmes pour Gaza

« L’effroi », une illustration de Jana Traboulsi.

C’est la guerre

C’est la guerre. Pour qui meurent mes enfants ?

Pour qui cet hiver dévore leur peau

et refroidit nos rêves ?

Nabil Abou Dargham


Le monde n’est pas habitable

Le monde n’est pas habitable / Dans nos habits, l’orage nous dénude / Dans nos habitations, nous sommes à tombeaux ouverts/

Antoine Boulad



Gaza, vaste prison

Gaza, vaste prison,

Paix sur toi ville de toutes les bravoures.

Ton visage comme une graine de foi que l’on sème

Éclair de joie dans la morosité d’un monde arabe avachi sous le poids des accommodements et des compromissions,

Quand la cause de la Palestine est d’abord celle de l’amour de la patrie

Et d’une foi dans le droit de tout homme asservi.

Gaza est notre cause, notre étoile, notre serment ; le combat imposé à tout homme spolié. L'Orient et l'Occident ne t’ont que trop longtemps exilée de leur conscience et des bontés offertes par cette terre. Et pourtant cachée dans la vérité, toi seule écrit la page de gloire des peuples.

Toi seule fait partie de notre chemin vers l’exigence de vérité, en attendant le réveil de la conscience des hommes ; en attendant que soit franchie la voie étroite allant de l’insouciance à la vérité .

Il n'y aura pas de paix sans une justice fondée sur le droit, le rétablissement de la sécurité, la restauration de la liberté et le retour de la prospérité.

Il n’y aura pas de paix si les résolutions des Nations Unies ne sont pas mises en œuvre, en particulier la résolution 194 sur le droit de retour et la création d'un État palestinien indépendant.

Que le monde entier s’indigne à ces crimes contre l’humanité, et que le bourreau ne soit pas pris pour une victime.

Gaza, ne pleure pas,

Avec Ahmad Chawki, souviens-toi

« La Croix n’était pas de fer, mais de bois,

Et la victoire fut non à la force mais au droit. »

Au matin retentiront les cloches du troisième jour...

Et ce sera comme si la tombe ne fut jamais...

Texte de Charaf Abou Charaf

Traduit par Fady Noun




Le séant des autres

« Je ne suis pas sur terre

Pour tuer des pauvres gens. (...) »

Boris Vian, Le déserteur

« Quelle connerie la guerre (...)

Jacques Prévert, Paroles


penchés sur leur jeu Risk emprunté à leurs enfants

dégustant un verre de vin nouveau

en ricanant bêtement

ils déplacent leurs petits chars d’assaut

dans leurs salons bien chauffés

pendant que les vraies bombes ne cessent de tomber

fauchant des vies innocentes

derrière la vitrine de la vie

ils ont la vérité de leur côté

journalistes et chefs militaires

leurs fils dans des collèges lointains et sûrs

étudient von Clausewitz ou Sun Tzu

ils encouragent la peur incitent à la guerre

avec leurs cris enfantins et hystériques

comme quand ils jouaient aux cow-boys

contre les Indiens victimes désignées

pendant que de jeunes vies et des civils meurent

ils accueilleront des réfugiés surtout si propres et blancs

mieux encore s’ils s’occupent de leurs vieillards

les autres laissons-les s’en sortir tous seuls

sous les bombes noires

et de l’autre côté dans les pièces silencieuses

producteurs vendeurs d’armes et politiciens

comptent religieusement les nouveaux gains

en attendant les apôtres de la reconstruction

René Corona


L'œil dans la nuit

Dis comment tu dors la nuit ?

toi qui lâches les bombes

tu dors à poings fermés

dans ton espace ouaté ?

Puisque tu rêves

à quoi tu rêves ?

Pas aux enfants je parie

Et le matin, tu te sens bien ?

Content d'embrasser tes enfants ?

D’appeler tes parents ?

Te savent-ils ASSASSIN ?

Ça te plaît de mentir ?

Ces longues nuits de sang pour l’humanité

ressemblent à quoi pour toi ?

Ces morts ces blessés et toute la destruction

ces quartiers ces vies ravagés

En tires-tu une certaine fierté ?

Ou pèsent-ils un tant soit peu

sur ta conscience ?

En as-tu une au moins ?

Tu penses la semer, peut-être ?

Jusqu'au bout t'en détourner ?

Mon pauvre idiot

l'œil terrible te guette

il ne te lâchera pas

il hurle en silence : JUSTICE

il flotte au-dessus de toi

Son souffle est là

tu sens son haleine ?

Tu le sens bien cet œil

qui te suivra dans la tombe ?

Michèle M. Gharios



Pour Gaza

Majestueuse dans ta solitude recommencée,

Gaza la plus endurante de toutes les villes

Les décennies passent, toi tu demeures

Ample dans ton espace rétréci, lumineuse dans la noirceur imposée

Sortie chaque fois grandie d’état de siège en état de siège !

« Sur le sable je construis », écrivait Mahmoud Darwich

Sur le sable tu construis, Gaza ; sur les ruines tu fondes

Mille villes dans la ville, mille destinées allègres dans un seul destin froissé

Phénix renaissant à jamais de ses cendres.

Maisons, écoles, hôpitaux, terrains de jeu, tout s’écroule

Sur toi il en est qui exercent

Leurs monstrueuses inventions, leur habilité en destruction

Mais ils ne savent pas par quel pouvoir enfoui

Tu forges à chaque foi ta guérison.

Toutes les saisons sont pour toi un printemps arraché à la mort

Domestiquer la mort, en sortir mille fois belle et altière

Voilà ton miracle qui perpétuellement fait effet.

Où trouver les mots qui oseraient approcher ta grandeur ?

Le chant vibrant qui dirait ta merveille ?

Ville inimitable, homérique, incommensurablement puissante !

Drapées de leur passé douloureux

Les grandes cités provisoirement, bassement conquises

Ne se mesurent pas à toi, mais à toi se présentent

Entonnant pour toi un intarissable chant d’amour.

Kadhim Jihad Hassan


Enfance

Même si tu es roi

et que mon enfance ne peut rien

contre ton amour pour le trône,

ouvre les yeux

regarde-moi.

Même si mes yeux ont des ténèbres

dont tu ne vois pas les lumières,

Même si j'ai une gueule de misère

et que la mort frappe les miens

dans une légèreté d'essaim

ouvre les yeux

regarde-moi.

Même si tu zappes quand je meurs

que le silence ne se fait pas

lors de ma chute de sable blanc,

ouvre la paume,

recueille-moi,

comme un oiseau, dis.

Retiens le monde avant la nuit.

Yasmine Khlat



Peuple voué aux lentes prédictions

Peuple voué aux lentes prédictions

Ils s’infiltrent par des fissures de la nuit

allument nos fleuves

troublent nos viviers

nous laissent leurs ombres de silex en signe de défi.

Ils racontent leurs vies aux pierres

se disent venus de l’hiver

montrent une poignée de froid pour toute identité.

Ils annulent leur visage

Se déguisent en ombres

Fondent dans un pli du paysage.

S’ils sont fusillés

blanches sont les traces de leur sang.

Dans les mortiers du soir

nous pilons leurs mots coutumiers avec l’amande amère.

Ils sont venus des terres lentes

précédés de vents criards

firent tinter leurs mots dans leurs poches

les éparpillèrent monnaie sonnante sur nos dalles.

Ils interrogèrent un nuage accroupi sur le toit

un oiseau suspect qui change souvent d’adresse

torturèrent le châtaignier

qui ouvrit ses branches en forme d’ailes

puis s’éloigna dans son sang.

Ils se convertissent en meute

peignent de noir leur langue trahie

se présentent à nos portes

Se nomment dans un cri

pénètrent dans nos peaux dans un bruit de reptile

Sur la corde raide de nos corps

juchés sur notre sommeil

ils parlent de chevaux morts et de prairies blessées

de chemins traînés par leur crinière

Puis disparaissent dans leur rêve

quand ils consentent à mourir

que le monde à leurs yeux se décolore

ils prennent par la main leur vie

et lui font visiter tous les recoins de leur corps.

Quand ils consentent à mourir

Ils abandonnent leur peau au premier tournant du chemin.

Vénus Khoury-Ghata








Toi, qui redeviens poussière

Toi, qui redeviens poussière,

Sache : je te vois.

J'avais des mots

mais...

Sont pulvérisés

écartelés en membres démembrés de l'enfant,

désintégrés dans le givre du soleil.

Bombes sismiques lancées mais rien. Puis d'autres.

Tentative débrodée d'écrire : « le sel ensanglanté de la terre » et « la pulpe du monde a nécrosé »,

Mais, se sont éteints, les mots, comme tes pupilles.

Et impuissants : l'olivier a phosphoré et toi « génocidée ».

Comment dire, moi, – alors que tu ne vois pas la fin de la fin – comment te dire, à toi :

« tu fais partie du mystère »

Et

« tu es la somme des prophètes »

Et

« ce n'est pas la Palestine, c'est la conscience humaine que tu libères » ?

(Tu es la dernière orgie de morts)

Après maintenant, le monde changera de visage – les cahiers calcinés, c'est pour que l'histoire se réécrive. Et ce jour-là, chacune des phalanges aujourd'hui égarées dans les décombres germera en fleur, et chaque larme aujourd'hui versée affluera le Jourdain en coulée de lumière. Et ce jour-là, toutes les langues de Babel célébreront, d'un même chant, l'aube nouvelle de Jérusalem. 

Hala Moughanie


Poème à Gaza

Mon devoir de poète est de dire l’inoubliable beauté de tes enfants, ville meurtrie ; l’inoubliable désarroi d’un peuple portant ses enfants désarticulés aux urgences d’un hôpital en sursis ; l’inoubliable cri de douleur des pères serrant les linceuls enveloppant le fruit de leurs entrailles disloquées ;

Mon devoir de poète est de dire ces hommes affolés déferlant par vagues , balayant tout sur leur passage, étalant leurs petits sur les chariots et les linos des urgences ; le déchirement brutal de la séparation ; la folie d’un peuple suffoquant sous les coups d’un autre peuple égal en dignité.

Mon devoir de poète est de dire l’indicible, d’élever une couronne de mots fleuris pour vos fronts et vos linceuls ; vous qui dormez à même la terre qui reçoit vos cendres et l’éclat de vos rires.

****

Riez, peuple de Gaza

Et que votre rire allège la terre

Que les volutes de vos rires s’élèvent au-dessus de vos petits

N’en croyez pas vos yeux.

Ils sont vivants dans l’amour de Dieu.

***

Enfants de Gaza, vous dormez sous terre,

Quand nous dormons sur terre

Nous ne respirons plus le même air.

Vos yeux clos, comme des bourgeons,

Vont s’ouvrir à la lumière.

La bonté de Dieu va certainement vous plaire.

Fady Noun



Mais d'abord la douleur

Mais d’abord la douleur. L’affliction. La sidération. L’asthénie. Face à l’horreur. Face à la terreur. Ineffable. Mais avant tout, il y a l’injure. Celle d’une Nakba dont les déflagrations, assourdissantes, résonnent encore depuis plus de 75 ans. Il y a aussi l’affront, celui de son implacable perpétration. Puis vient l’insulte, celle d’une injonction au mutisme, celle d’une sommation, d’une mise sous silence du dire, celle qui nous enjoint de « Fermez nos gueules ! » entendue, ci, lue, là. Il y a le pouce, il y a l’index tous deux par trop endoloris pour former mots. Mais il y a aussi l’âme et le majeur tous deux plus que jamais fiers et érigés contre toute sommation à la bien-pensance. À cette dernière, préférer la mal-pensance ; celle du mot-dit, celle du mot pour dire, pour tenter de dire l’ethnocide. Contre et envers toute omerta : la mauvaise éducation par les cris. Ceux qui jaillissent ; sans cesse décrits. Le taire à jamais banni. La gorge à jamais écartée, déployée envers et contre tout mutisme. Car certains silences sont assourdissangs.

Au loin, du poste de radio, l’on entend sourdre, opaline et turquoise, la voix de F. entonnant ses éternelles Palestines.

dès lors

me viennent des souvenirs

de Galilées adossées

contre l’édifice

de la mémoire

érectile

fière

Ce matin, j’ai l’âge de ma pointure. Mes pieds portent une douleur vieille de 75 ans. Aujourd’hui, eux et moi continuerons à pousser pour dévaler la plaine de la Bekaa, gravir les flancs de Jabal el-Cheikh, redescendre vers l’autre versant en Galilée, plonger dans les eaux du Jourdain puis sécher a l’entrée de la Basilique de Bethléem. Pour exaucer le rêve de Rahigé. Impie de naissance, je n’ai jamais connu le Dieu de ma grand-mère ; d’ailleurs elle en parlait peu, mais ce qu’elle m’a inoculé, c’est sa lutte farouche pour la justice et la liberté. Sur l’autel surmontant l’abside qu’elle révérait je soufflerai mes 45 cierges.

Un souimanga se pose sur les lettres sus-tracées. Sourires. 


Nasri S. Sayegh


C’est la guerreC’est la guerre. Pour qui meurent mes enfants ?Pour qui cet hiver dévore leur peauet refroidit nos rêves ?Nabil Abou DarghamLe monde n’est pas habitableLe monde n’est pas habitable / Dans nos habits, l’orage nous dénude / Dans nos habitations, nous sommes à tombeaux ouverts/Antoine BouladGaza, vaste prisonGaza, vaste prison,Paix sur toi ville de toutes les...

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AVEC TOUT MON RESPECT POUR LES PERSONNES, JE CRITIQUE LES ECRITS, ET JE DIS : SI CES MOTS ET PHRASES JETES A TORT ET A TRAVERS, CA CE DIT DE LA POESIE, ALORS LES LACHAGES DE GAZS FETIDES, CA SE DIT DE LA MUSIQUE.

LA LIBRE EXPRESSION

01 h 59, le 18 novembre 2023

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Commentaires (1)

  • AVEC TOUT MON RESPECT POUR LES PERSONNES, JE CRITIQUE LES ECRITS, ET JE DIS : SI CES MOTS ET PHRASES JETES A TORT ET A TRAVERS, CA CE DIT DE LA POESIE, ALORS LES LACHAGES DE GAZS FETIDES, CA SE DIT DE LA MUSIQUE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    01 h 59, le 18 novembre 2023

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