La journaliste libanaise Layal Alekhtiar, de la chaîne saoudienne al-Arabiya, a révélé jeudi sur la plateforme X qu'elle fait l'objet d'un mandat de recherche émis par le parquet militaire au Liban, pour avoir interviewé le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, quelques jours après le début de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre.
Ce conflit déborde au Liban-Sud, où des bombardements quotidiens entre le Hezbollah et Israël sont signalés, faisant déjà environ 90 morts au Liban, civils et combattants du parti pro-iranien et de ses alliés inclus.
« Persécution politique »
Layal Alekhtiar, ancienne journaliste des chaînes libanaises LBCI et OTV, a qualifié cette mesure de « persécution politique sous forme de répression judiciaire », qui survient après l'ouverture d'une information judiciaire contre elle suite, souligne-t-elle, à une demande de « proches du Hezbollah ».
L'avocat Ghassan Maoula avait demandé le 12 octobre l'ouverture d'une information judiciaire auprès du tribunal militaire à l'encontre de Mme Alekhtiar, au nom d'un groupe de journalistes et d'anciens prisonniers en Israël, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
La journaliste avait fait l'objet d'une vague de critiques sur les réseaux sociaux après cette interview, notamment pour avoir appelé Avichay Adraee « estez » (monsieur).
Layal Alekhtiar était injoignable dans l'immédiat pour un commentaire à ce sujet.
Les citoyens libanais ne sont pas autorisés à entrer en contact avec des Israéliens, sous peine de poursuites judiciaires.
Non au « discours de haine »
Contacté par L'Orient-le Jour, Jad Shahrour, responsable des communications de la fondation Samir Kassir (SKEyes), a dénoncé la décision du tribunal militaire. « Les journalistes ne peuvent être jugés en tant que tels que devant le tribunal des imprimés », a-t-il rappelé.
« Nous rejetons le discours de haine et la campagne de dénigrement à l'encontre de Layal Alekhtiar et nous appelons à une discussion professionnelle, sans exclure la reddition de comptes », a encore dit M. Shahrour.
Réagissant à ces développements, le parti Kataëb a dénoncé vendredi, dans un communiqué, « la campagne électronique du Hezbollah » à l'encontre des « journalistes libanais libres qui refusent que leur pays soit entraîné dans la guerre ». « Ce n'est pas la première fois que la justice militaire, qui n'est pas habilitée (à statuer dans ce genre d'affaires), se met au dispason des vagues de répression » dans le pays, indique le texte.
De même, dans un communiqué, le Parti socialiste progressiste (PSP, joumblattiste) a affirmé qu'il refusait « l'utilisation de la justice (...) face à la liberté de la presse (...), quelles que soient les opinions » exprimées.
Début novembre, plusieurs journalistes critiques envers le Hezbollah, notamment Dima Sadek, Nadim Koteiche ou encore Layal Alekhtiar, ainsi que le porte-parole des Forces libanaises (FL) Charles Jabbour, ont été la cible d'une campagne diffamatoire en ligne menée par des comptes pro-Hezbollah, accompagnée de messages de haine, voire de menaces de mort.
Le but de ces mercenaires est de nous dégoûter de notre pays et de nous pousser à l’exil pour pouvoir nous remplacer par des moutons prêts à se soumettre sans broncher. Il ne faut pas tomber dans leur piège. Il serait donc grand temps que tous les libanais se rassemblent pour dire non à la dictature et à l’usurpation pour chasser tous ces fossoyeurs avec leurs alliés de notre pays. NOTRE PAYS et non le leur. Pour moi le seul moyen serait de déclarer une désobéissance civile de tous les libanais patriotes pour en finir avec cette machination politique pourrie, sans verser de sang ni de larmes.
12 h 13, le 20 novembre 2023