Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Un combat d’existence

22h28. Je reviens d’un bar à Saint-Malo. Le chauffage est à 21 degrés, je vis seul depuis des semaines dans cette ville où je ne connais encore personne. Sur mon clavier, je tape les idées que j’ai écrites sur un bout de papier. Je suis déconnecté des réseaux sociaux depuis des heures. Ma mère cherche à savoir si je vais bien. Je pleure, je pleure, je pleure toutes les larmes de mon corps. Un mois depuis le 7 octobre, un mois que je suis perdu, un mois que mes émotions partent dans tous les sens, un mois que je me cache, un mois que j’essaie de me dévoiler. J’ai l’impression d’avoir perdu mon âme depuis ce conflit. Chrétien du Sud, on m’a toujours dit. Mais le conflit n’est-il pas entre musulmans et juifs ? Qu’est-ce que j’ai à faire là-dedans alors ?

Les images défilent sur les réseaux sociaux depuis des semaines. Les corps des enfants par centaines, des mères qui hurlent de peur et des pères accablés par le poids des émotions qui habitent leur cœur. Je suis frustré de voir ces gens qui me ressemblent, avec qui je partage la même langue et la même culture, périr. Ils sont des milliers à succomber sous la haine et l’ego de l’être humain. En France, les médias n’en parlent pas assez. C’est une région complexe dans un monde qui, apparemment, semble moins compliqué. Ici, la vie ne s’est jamais arrêtée. Le conflit est perçu comme une guerre communautaire entre un juif persécuté d’un côté d’une frontière et un musulman, de l’autre, qui cherche à islamiser toute une région. Certains partis politiques radicaux en profitent pour gagner en influence en vue des futures campagnes électorales. Leur stratégie fonctionne comme prévu. Souvent, quand quelqu’un aborde le sujet, les mêmes répliques évoquées par quelques ignorants à la télévision sont répétées. Des manifestations interdites dans un pays qui se bat pour les libertés d’expression individuelles. L’antisémitisme est indubitablement présent dans la société française, tout comme partout dans le monde. Il suffit de se balader dans les camps de concentration et d’extermination en Pologne pour se rendre compte de l’atrocité des événements de la Seconde Guerre mondiale. Les juifs ont énormément souffert, des millions d’âmes ont été perdues, subissant la haine des nazis sans l’avoir cherchée. Au Liban, l’antisémitisme est certainement présent. Aujourd’hui, certains utilisent le mot « juif » comme une insulte. Dans certaines régions, dessiner une étoile à six branches est strictement interdit. L’étoile de David suscite la peur chez beaucoup de Libanais, surtout chez les ignorants. Cependant, est-ce une raison pour lier le conflit territorial à une guerre de religions ? Pourquoi n’avons-nous pas le droit de critiquer et de juger les politiques israéliennes fondées sur le principe du sionisme ? Pourquoi n’avons-nous pas le droit d’exprimer un désaccord envers cette idéologie, alors qu’elle va à l’encontre des valeurs de nombreux juifs dans le monde ? Pourquoi sommes-nous incapables de distinguer les juifs des sionistes ? Pourquoi demander un cessez-le-feu humanitaire à Gaza est-il perçu, par une partie de la société, comme un acte antisémite ? Pourquoi utilisons-nous des slogans pour justifier les actes des autres ? Comment se fait-il que ces slogans, initialement basés sur de bonnes valeurs, soient détournés par l’homme pour manipuler des sociétés selon ses propres desseins ? Le terme « humain » a-t-il encore un sens avec les milliers d’enfants tués à Gaza ? Le terme « humain » a-t-il encore un sens avec ces sanctions collectives qui mettent fin à toute une population, pas seulement aux groupes terroristes ?

Et moi, elle est où ma place dans toute cette tourmente ? Enfant de la guerre au sud du Liban en 2006, je n’oublierai jamais le grondement des avions et le fracas des missiles qui éclataient sur mes montagnes. À l’époque, le monde était silencieux. C’était déjà une région complexe, où juifs et musulmans s’affrontaient. Mais moi, à l’époque, je vivais dans une famille chrétienne et dans un département du Liban à majorité chrétienne. À 9 ans, je ne comprenais pas ces événements, j’avais simplement peur. Aujourd’hui, je peine lorsque, systématiquement, le sud du Liban est associé à une base militaire du Hezbollah, alors que de nombreux chrétiens et musulmans y vivent et se battent contre tant de hors-la-loi. C’est difficile à entendre, surtout pour moi qui y ai vécu. Les musulmans ne sont pas en lutte contre les juifs, que ce soit à Gaza où au sud du Liban. Les différentes communautés se battent pour des territoires, pour des raisons territoriales, pour une existence.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

22h28. Je reviens d’un bar à Saint-Malo. Le chauffage est à 21 degrés, je vis seul depuis des semaines dans cette ville où je ne connais encore personne. Sur mon clavier, je tape les idées que j’ai écrites sur un bout de papier. Je suis déconnecté des réseaux sociaux depuis des heures. Ma mère cherche à savoir si je vais bien. Je pleure, je pleure, je pleure toutes les larmes de...

commentaires (1)

Que d'émotions dans votre texte. Nostalgie quand tu nous tiens....

Vero M

08 h 28, le 17 novembre 2023

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Que d'émotions dans votre texte. Nostalgie quand tu nous tiens....

    Vero M

    08 h 28, le 17 novembre 2023

Retour en haut