La tambouille mijoterait encore... Contre toute attente, le Conseil des ministres qui devait se tenir mardi matin au Sérail n’a pas eu lieu, faute de quorum. Bien que les raisons de cet échec à réunir son cabinet seraient liées à des mésententes autour de l’appel d’offres concernant les services postaux, Nagib Mikati a pu gagner du temps et retarder la prise d’une décision dans un dossier épineux, qui suscite la polémique depuis plusieurs semaines. Ainsi, le Premier ministre sortant ne s’est pas retrouvé contraint de soulever (en dehors de l’ordre du jour de la séance) la question du sort du commandement en chef de l’armée, deux mois avant le départ à la retraite du général Joseph Aoun (le 10 janvier 2024). Même s’il bénéficie d’une large couverture chrétienne et du feu vert du Hezbollah pour proroger le mandat du patron de la troupe, Nagib Mikati préfère en effet attendre que toutes les conditions d’une telle démarche soient réunies. Entre-temps, il est officiellement parti à la recherche d’une solution légale pour calmer les appréhensions de la seule partie encore opposée au maintien du patron de la troupe à son poste : le Courant patriotique libre de Gebran Bassil, représenté au gouvernement notamment par le ministre de la Défense, Maurice Slim.
À l’heure où le quorum des deux tiers (16 ministres sur 24) est requis pour la tenue d’un Conseil, seuls treize ont fait acte de présence mardi, selon le bureau de presse du Sérail. Outre les ministres aounistes (qui boudent, depuis décembre dernier, les séances gouvernementales tenues en période de vacance présidentielle), plusieurs membres du cabinet se sont absentés. Parmi ceux-ci figurent le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi (dont le frère est décédé il y a quelques jours), ainsi que le vice-président du Conseil, Saadé Chami, et le ministre sortant de l’Économie, Amine Salam. Quant à Ziad Makary (Information, Marada), il a indiqué sur son compte X qu’alors qu’il se trouvait à l’entrée du Sérail, le secrétaire général du Conseil des ministres, Mahmoud Makkiyé, l’a informé que la séance a été reportée à lundi. Comme pour faire comprendre qu’il n’a pas provoqué le défaut de quorum.
Le chef du gouvernement sortant a quand même profité de la présence de plusieurs ministres pour tenir une réunion informelle semblable à celle qui avait eu lieu il y a une vingtaine de jours et qui avait témoigné d’un échange verbal acerbe entre Nagib Mikati et Maurice Slim avec en toile de fond l’affaire Joseph Aoun. Cette fois-ci, le dossier a été discuté en l’absence du ministre concerné. De sources ministérielles concordantes, on apprend que M. Mikati a informé les membres de son équipe qu’il compte examiner une étude préparée par Mahmoud Makkiyé pour trouver une solution légale à l’affaire Joseph Aoun. Il entendrait en remettre une copie à tous les ministres afin de prendre la décision adéquate. « Je lui ai demandé que ce dossier soit discuté lors d’une réunion rassemblant tous les ministres », confie à L’Orient-Le Jour Walid Nassar (Tourisme). « Il est important d’épargner au gouvernement une secousse inopportune, surtout en cette période où les tambours de la guerre battent au Liban-Sud », ajoute-t-il.
Le Hezb souffle le chaud et le froid
Dans sa bataille contre le chef de l’institution militaire, qui constitue une figure sérieuse de compromis pour débloquer la présidentielle, Gebran Bassil ne pourra vraisemblablement pas compter sur son allié de longue date, le Hezbollah. Sauf que le ministre sortant du Travail, Moustapha Bayram, a créé la surprise mardi. S’exprimant en marge de la réunion ministérielle informelle, il a déclaré : « La question de la prorogation du mandat du chef de l’armée n’a pas encore été évoquée avec nous. » Ces propos interviennent alors que le porte-parole du parti avait annoncé il y a quelques jours que le Hezb a donné son feu vert au président de la Chambre, Nabih Berry, pour un maintien du chef de l’armée à son poste. Comme si le parti de Dieu soufflait le chaud et le froid pour calmer les appréhensions de son allié chrétien de plus en plus isolé. Moustapha Bayram ne partage pas cette lecture. « Le directoire du Hezbollah ne nous a pas encore notifiés de la position officielle du parti à ce niveau », se contente-t-il d’expliquer à L’OLJ.
C’est d’ailleurs vraisemblablement sous l’effet d’un forcing du Hezbollah que M. Berry a mis un peu d’eau dans son vin. Le chef du législatif serait désormais disposé à réunir le Parlement fin novembre pour proroger le mandat de Joseph Aoun, comme il l’a clairement dit devant le groupe parlementaire des Forces libanaises, lundi. Dans le cadre de la même tournée, ces députés se sont entretenus mardi avec le chef du Parti socialiste progressiste, Taymour Joumblatt. Les discussions ont porté sur la proposition de loi FL retardant d’un an le départ à la retraite de tout commandant de l’armée. Une option que les joumblattistes valident… à une nuance près. Ils pressent également pour la nomination de tous les membres du conseil militaire (organe décisionnel de l’armée), dont le chef d’état-major druze.
Parallèlement, le bloc de la Modération nationale regroupant des députés majoritairement sunnites ex-haririens s’activent pour faire adopter une proposition de loi retardant le départ à la retraite de Joseph Aoun, mais aussi du chef des Forces de sécurité intérieure, Imad Osman (sunnite). Il en a discuté lundi avec Nagib Mikati et le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane. « Nous nous réunirons mercredi avec Nabih Berry, et nous présenterons le texte officiellement à la Chambre », confie Walid Baarini. « Il faut préserver la stabilité de l’armée », dit-il. Le député converge sur ce point avec l’ancien ministre Michel Pharaon. « La résistance (le Hezbollah) a élargi les critères de toute stratégie de défense avant même une entente sur la question. Cela est à même de menacer la résolution 1701 (du Conseil de sécurité de l’ONU). Toute atteinte à cette résolution onusienne, à l’armée ou encore à son chef est à même de menacer la sécurité des Libanais, sans pour autant servir la cause palestinienne », a écrit M. Pharaon sur son compte X.
commentaires (5)
J’adore quand des citoyens libanais parlent de notre institution. C’est une blague ou c’est pour faire semblant? Qui respecte notre constitution dans ce bordel ou une milice s’est emparée du pouvoir et où elle fait le vide partout et empêche les élections pour pouvoir décider de qui occuperait quel poste. On ne doit pas vivre dans le même pays apparemment et peut être même pas sûr la même planète. Non mais…
Sissi zayyat
21 h 04, le 15 novembre 2023