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Culture - Film / BAFF

Quand une certaine Feyrouz raconte le « troisième des Rahbani »

« Élias Rahbani a marqué de son empreinte la bande-son de nos vies », affirme la réalisatrice Feyrouz Serhal qui vient d’achever un long-métrage consacré au prolifique compositeur libanais. Un documentaire biographique qui sera projeté ce soir samedi 11 novembre, ainsi que vendredi prochain sur grand écran dans le cadre du Beirut Art Film Festival*.

« Élias Rahbani, le troisième des Rahbani », mais surtout un compositeur aux mille facettes. Photo DR

« Que ce soit à travers ses innombrables compositions, ses mélodies, ses bandes-son de films et de publicités toutes entrées dans la mémoire collective, Élias Rahbani était très présent dans nos vies. Ses apparitions télévisées toujours enjouées, son attitude bienveillante, ses To’borné qu’il distillait spontanément à ses interlocuteurs l’avaient naturellement fait entrer dans le cœur de ses compatriotes. Comme pour beaucoup de Libanais, sa disparition soudaine en 2021 des suites du Covid-19 m’a beaucoup attristée. C’est à partir de là que Cynthia Choucair (à la tête de la boîte de production Road2Film) et moi-même avons eu le désir de lui consacrer un film hommage », confie à L’Orient-Le Jour Feyrouz Serhal. Un hommage intitulé Élias Rahbani Le troisième des Rahbani qui met en lumière la vie, la foisonnante carrière et l’héritage de ce compositeur libanais (1938-2021).

 Une vie, plus de 6 000 compositions…

Ce n’est pas vraiment un biopic. Ce n’est pas non plus un documentaire pur et dur. Mais un film attachant comme peut l’être le récit d’une vie bien remplie. Celle d’une figure populaire, à la fois discrète et très présente dans le paysage artistique libanais. Celle d’un homme qui respirait la joie de vivre. Et qui la transposait naturellement dans le florilège de mélodies du bonheur qu’il ciselait avec une incroyable facilité.

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Celui qu’on désignait par le « troisième des Rahbani » avait suivi son propre chemin… ascendant. Tout en restant proche tant au niveau personnel que professionnel de ses célèbres aînés, Assi et Mansour, dans les productions desquels il avait fait ses débuts à 19 ans comme pianiste et accordéoniste avant d’y intégrer ses propres compositions. Considéré au départ, dans les années 1960, comme le « jeune frère », il avait réussi dès les années 1970 à établir son talent de mélodiste, non seulement sur la scène locale mais bien au-delà, jusqu’à faire école dans l’ensemble des pays de la région.

C’est ce riche parcours d’un musicien incroyablement fécond à l’œuvre aux mille facette que la réalisatrice Feyrouz Serhal relate dans Élias Rahbani Le troisième des Rahbani, un long-métrage de 80 minutes produit par Road [2]Film pour Aljazeera Documentary. Et qui, après une première présentation, à sa sortie fin octobre 2023 sur grand écran au Qatar, est projeté samedi 11 novembre ainsi que vendredi 17 novembre à Beyrouth, dans le cadre du Beirut Art Film Festival*.

Outre le fait d’avoir composé pour les grands noms de la chanson libanaise tels que Melhem Barakat, Magida el-Roumi, Sabah, Nasri Chamseddine ou encore Sami Clark, sans parler de la grande Feyrouz, Élias Rahbani a laissé plus de 6 000 pièces musicales : des airs de variétés en français, en anglais et surtout en arabe, des opérettes, des génériques d’émissions radiophoniques, des musiques de téléfilms, des hymnes divers (dont le fameux Waad y’a Loubnan de Pascal Sakr en 1982 ainsi que celui, évidemment plus controversé, du Parti syrien national social). Il est également l’auteur de quelques jingles publicitaires célébrissimes comme ceux des marques Ray-O-Vac, La Vache qui rit, Sohat ou Barilla, un domaine dans lequel il a été pionnier au Moyen-Orient.

La réalisatrice Feyrouz Serhal. Photo DR

Témoignages, archives et chansons

Comment embrasser et résumer en une heure une œuvre de cette ampleur ? Mais aussi comment raconter l’enfance, la jeunesse, l’amoureux, le père de famille, l’ami et bien évidemment le frère de deux monstres sacrés, parallèlement à son parcours musical ? En étayant ses recherches dans les archives personnelles ainsi que celles de Télé Liban, de nombreuses interviews de membres de sa famille (dont évidemment ses deux fils Jad et Ghassan), de ses amis et ses pairs (dont le poète Henri Zoghaib, l’artiste Fadia Tomb, l’ancien directeur des programmes de Radio Liban Nabil Ghosn, ainsi que le journaliste et responsable de programmes culturels sur Télé Liban Michel Meaïké). En s’appuyant aussi sur le regard, plus distancié tout en étant appréciateur, de Mahmoud Zibawi, l’artiste peintre et historien à la connaissance approfondie de la scène musicale libanaise.

Sur les routes de son Liban

Une démarche qui a permis à la réalisatrice d’aborder les différentes facettes intimes et professionnelles de l’homme comme du musicien, dans cet opus qui dépasse néanmoins les 60 minutes réglementaires pour s’étendre sur 20 minutes supplémentaires… Une longueur sans effet lassant sur les spectateurs. Et pour cause. Émaillé d’extraits de ses plus fameuses compositions (et elles sont nombreuses), ce documentaire intelligemment construit à partir donc d’une alternance de témoignages, d’images vidéo d’archives et d’images actuelles tournées façon road-movie entraîne le public dans une sorte de retour sur une vie en chansons, amorcé comme une balade en voiture sur les routes du souvenir. C’est d’ailleurs cette image délibérément vintage d’un jeune couple sillonnant dans une décapotable des années 1960 les routes de montagne – celle de Bickfaya et de Naas, localités auxquelles Élias Rahbani était particulièrement attaché –  qui traverse le film de Feyrouz Serhal de bout en bout. Et qui fait office de lien entre les différentes sections.

Vous avez envie de vous projeter dans un Liban heureux ? Allez-voir Élias Rahbani Le troisième des Rahbani. Car à travers le parcours du jeune frère de Assi et Mansour, c’est un voyage dans un passé enchanté qu’il offre aux spectateurs. Une plongée dans une vie indéfectiblement liée au pays du Cèdre et à son âge d’or chantant. Et même à la période moins rose des deux premières décennies de la guerre, lorsque Beyrouth vibrait, malgré tout, au rythme des chansons de Joe Diverio, de Madonna et de Sami Clark signées Élias Rahbani… Et que les Libanais rêvaient encore en écoutant la voix pure d’une toute jeune Majida el-Roumi égrener les mots magnifiques du poète Saïd Akl, dans Am behlamak ya helm ya Lebnan, que lui avait mis en musique le troisième des Rahbani !

*Au théâtre Béryte, campus des sciences humaines de l’USJ, rue de Damas, à 20h. Billets en vente à la Librairie Antoine ou sur antoinetiketing.com


Feyrouz Serhal : carte de visite

Feyrouz Serhal a écrit et réalisé plusieurs courtes œuvres vidéo indépendantes. Son court-métrage narratif Tishweesh a remporté le Prix du film de la Robert Bosch Stiftung en 2016 et a été présenté en avant-première au Festival du film de Locarno en 2017. Tishweesh a été projeté dans plus de 80 festivals à travers le monde et a reçu une douzaine de prix. En 2023, Feyrouz a terminé deux courts-métrages de fiction : I Come from the Sea, dont la première a eu lieu au Festival international du film de Shanghai en juin 2023, et SEN TI. C’est en 2023 qu’elle a réalisé le long-métrage documentaire produit par al-Jazeera Documentary Channel sur la vie du compositeur libanais Élias Rahbani. Elle travaille actuellement sur son premier long-métrage, I am here but you can’t see me.

« Que ce soit à travers ses innombrables compositions, ses mélodies, ses bandes-son de films et de publicités toutes entrées dans la mémoire collective, Élias Rahbani était très présent dans nos vies. Ses apparitions télévisées toujours enjouées, son attitude bienveillante, ses To’borné qu’il distillait spontanément à ses interlocuteurs l’avaient naturellement fait entrer...

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