Dans les faits, Ansarullah a déclaré la guerre à Israël le 31 octobre, ouvrant ainsi un nouveau front pour l’État hébreu. Plus connu sous le nom de houthis, le groupe rebelle yéménite soutenu par Téhéran a tiré mardi des missiles en direction d’Israël, affirmant répondre à « l'agression israélo-américaine » contre les Palestiniens de Gaza face à « la faiblesse des régimes arabes officiels et à la collusion de certains avec l’ennemi israélien ». Ce discours fait écho à celui de la République islamique d'Iran, qui menace depuis le début du conflit à Gaza le 7 octobre d’un embrasement régional à travers les groupes de « l'axe de la résistance ».
Les faits
• L'armée israélienne a averti mercredi avoir renforcé ses défenses aériennes en mer Rouge. Des bâtiments lance-missiles de la marine ont été déployés suite à des attaques en provenance du Yémen.
• Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, a menacé de répondre à ces attaques, que l’État hébreu considère comme guidées par Téhéran, a rapporté le journal Times of Israel.
• Mercredi matin, un nouveau projectile a été intercepté près de la ville d’Eilat, à la pointe sud d’Israël, bordant la mer Rouge, a signalé le quotidien israélien.
• Mardi, les houthis avaient revendiqué le lancement d’une série de missiles balistiques et de croisière en direction d’Israël, la troisième conduite par le groupe armé « en soutien à nos frères persécutés de Palestine », a affirmé le porte-parole du mouvement, Yahya Sarea.
• L’armée israélienne affirme avoir intercepté un missile sol-sol de longue portée, grâce à son système de défense Arrow, utilisé à cette occasion pour la première fois. Le média Axios précise, en outre, que deux avions de combat ont détruit deux missiles de croisière au-dessus de la mer Rouge.
• Au surlendemain du drame survenu à l’hôpital d’al-Ahli dans la ville de Gaza le 17 octobre, des frappes lancées du Yémen et interceptées par un navire de guerre américain avaient été imputées aux houthis, sans être alors revendiquées. Elles se dirigeaient « potentiellement vers des cibles en Israël », avait déclaré le porte-parole du Pentagone.
• Plus tard, lors d’une autre interception de missiles houthis par les États-Unis, un des projectiles aurait été détruit par les Saoudiens, selon des sources citées par le Wall Street Journal.
Le contexte
• Face au risque d’embrasement régional du conflit déclenché par les attaques sanglantes du mouvement Hamas en Israël et qui continue de faire rage dans la bande de Gaza, les Américains ont rapidement déployé un imposant arsenal de dissuasion dans la région, en postant notamment deux porte-avions en Méditerranée.
• Dès le 10 octobre, trois jours après le début de la guerre, le chef des rebelles yéménites, Abdel-Malek al-Houthi, a déclaré que si les États-Unis intervenaient directement dans le conflit, son groupe répondrait en tirant des drones et des missiles, et en menant d’autres opérations militaires.
• Ces déclarations rappellent celles des responsables iraniens depuis le début de la séquence. Le 27 octobre, le ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a fait référence à ses rencontres avec « les responsables de la résistance au Liban et aussi les groupes palestiniens », affirmant qu’« ils ont le doigt sur la gâchette ». Mardi, il réitérait en signalant que les groupes pro-Iran ne pouvaient pas rester « silencieux » face à la guerre à Gaza.
• En plus de ses opérations dans l’enclave palestinienne, sous blocus total depuis le 9 octobre, Israël est déjà actif sur un autre front dans le nord du pays, à sa frontière avec le Liban et la Syrie, où il est confronté à des attaques quotidiennes.
• S’ils revendiquent une liberté de décision, les houthis sont soutenus par l’Iran et appartiennent à « l’axe de la résistance », revendiquant entre autres une profonde hostilité à l’encontre de « l’ennemi sioniste ».
• Ces dernières années, le groupe a développé son arsenal militaire avec le soutien de l'Iran, qui lui a fourni des armes et lui a permis d’accroître ses capacités militaires, y compris à travers le Hezbollah, selon des analystes. Les houthis disposent désormais des roquettes guidées, des missiles balistiques et de croisière ainsi que des projectiles antinavires, dont certains sont produits entièrement ou partiellement sur place. Certains engins ont une portée capable d’atteindre Israël, selon les experts.
• Suite à l’accord de normalisation irano-saoudien signé le 10 mars dernier sous l’égide de Pékin, Téhéran avait accepté d’arrêter ses livraisons d’armes aux rebelles yéménites, selon des responsables américains et saoudiens cités par le Wall Street Journal. Avant cela, les houthis ciblaient régulièrement le territoire saoudien, alors que Riyad mène depuis 2015 une coalition en appui aux forces progouvernementales au Yémen.
Les enjeux
• L’entrée des houthis dans le conflit envoie un signal inquiétant aux pétromonarchies du Golfe, dont certaines comme les Émirats arabes unis et Bahreïn ont normalisé leurs relations avec l’État hébreu en 2020, tandis que l’Arabie saoudite était sur la voie de la reconnaissance d’Israël avant le 7 octobre. Mercredi, le guide suprême iranien Ali Khamenei a exhorté « les gouvernements musulmans » à bloquer « les exportations de pétrole et de nourriture vers le régime sioniste et à ne pas coopérer économiquement » avec Israël. Le Parlement bahreïni a ainsi annoncé jeudi la rupture des relations économiques avec l’État hébreu et le rappel de l'ambassadeur du pays, sans que la décision ne soit pour l’heure contraignante pour le gouvernement du royaume.
• Si le Golfe venait à être soumis à des échanges de frappes, la stabilité des marchés pétroliers pourrait être fortement perturbée. La Banque mondiale alertait ainsi, le 30 octobre, qu’un embrasement du conflit pourrait faire monter les cours du pétrole à 157 dollars le baril dans le pire des cas. Ce scénario pourrait inciter certains acteurs en présence, comme les États-Unis, à calmer le jeu.
• Les attaques houthies ouvrent de facto un troisième front face à Israël, requérant de l’État hébreu une mobilisation de ressources qui pourraient être utilisées ailleurs. « Tout en étant une bonne plateforme de lancement, le Yémen n’est pas la meilleure, du fait de son éloignement géographique et des capacités limitées qui pourraient être déployées efficacement contre Israël, qui a de puissants systèmes de défense, notamment aériens », nuançait néanmoins dans L'Orient-Le Jour le 21 octobre Fabian Hinz, spécialiste de la prolifération armée au Moyen-Orient.
• Dans la stratégie iranienne, les houthis représentent le groupe le moins risqué pour lancer des attaques sur Israël et démontrer l’« unité des fronts » prônée par « l’axe de la résistance ». Une façon de soutenir le Hamas à moindres frais, et de continuer à se poser en dernier défenseur de la cause palestinienne, alors que les pays arabes sont relégués au second plan.
• Malgré ses menaces depuis le début de la guerre et ses liens avec les groupes armés qui leur sont affiliés dans la région, Téhéran peut se cacher derrière le concept de déni plausible pour se dédouaner de toute responsabilité directe dans ces frappes. Un jeu de dupes qui éviterait en outre aux États-Unis de devoir répondre, alors qu’ils auraient transmis des messages aux Iraniens à travers le Qatar pour éviter tout embrasement, selon le média Amwaj. De quoi éviter jusqu’à présent un débordement ou une implication directe des deux ennemis dans le conflit.
• Finalement, les houthis viseraient également des objectifs internes avec ces frappes. Selon Ibrahim Jalal, dans une analyse du Middle East Institute, le groupe cherche aussi à réduire le mécontentement face à sa mauvaise gouvernance, à rallier du soutien national, à remonter le moral de ses combattants, et à accroître son pouvoir de négociation face à Riyad dans les négociations de paix en cours.
Ça signifie rien ici je remarque une chose par où passe les missiles en direction d’israel ?
05 h 05, le 03 novembre 2023