Massacrer 260 jeunes qui dansent dans une « rave party » ne rendra pas leur pays aux Palestiniens. Bombarder Gaza, en tuant indistinctement des milliers d’enfants, de femmes, et d’hommes dans leur sommeil, ne fera pas d’Israël un État digne de ce nom. Les semeurs de mort sont à mes yeux tous autant terroristes...
Après avoir semé la mort durant des décennies au Liban, puis en Irak, et en Syrie, les descendants des miliciens veulent à présent libérer la Palestine, alors qu’ils savent bien que ce n’est pas possible, que seul un dialogue entre ceux qui tirent les ficelles – le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Iran, les États-Unis, la Russie – pourrait faire avancer les choses.
On l’a vu encore récemment : la flotte américaine n’est pas arrivée en Méditerranée orientale pour apporter la paix, mais dans le seul but de protéger Israël. Dans différents coins du monde, que ce soit en Ukraine ou en Syrie, l’armée et les milices russes embrasent les conflits. Telle une main diabolique, ces deux grandes puissances disent vouloir la paix tout en soufflant sur les braises. Le Liban, qui n’a pas encore cicatrisé ses vieilles blessures, va-t-il ainsi redevenir un champ de bataille ? Comment se défendre contre des guerriers, alors qu’il n’est même pas parvenu à se défendre contre la corruption des chefs ?
Si le Hezbollah était dirigé par un homme de religion, celui-ci agirait avec compassion. Il tournerait le dos à l’argent et aux munitions qui ont détruit un quart de Beyrouth dans l’explosion du 4 août 2020 au port. Si, demain, le sud du pays était bombardé par Tsahal, les écoles, les hôpitaux, toutes les infrastructures édifiées par le « parti de Dieu » seraient les premières cibles. Les habitants, à qui ce parti a rendu leur dignité, seraient les premières victimes. Le chef du Hezbollah les aime-il assez pour leur épargner une guerre, ou est-il seulement là pour exécuter l’agenda des mollahs iraniens qui interdisent aux femmes de vivre libres, les emprisonnent et les exécutent ?
Le Hamas, comme le Hezbollah, rejette tout dialogue. Lorsque des colonies israéliennes ont continué d’être construites en Cisjordanie sous l’œil de Netanyahu, ils n’ont rien fait ! Par contre, dès qu’une ébauche de discussion se dessine entre les représentants, ils sortent leurs armes pour faire la guerre et empêcher toute solution. Le Hamas est le pire ennemi des Palestiniens après Israël, qui a élevé des murs autour d’eux.
Gaza, une prison à ciel ouvert, est devenue un tombeau à ciel ouvert. Un champ de ruines vu du ciel. Les Palestiniens auront-ils un jour droit à une existence digne ? La population de Gaza vit dans la peur, entre le joug du Hamas et d’Israël dont elle dépend pour l’eau, l’électricité, les vivres, ou internet, qui peuvent être coupés à tout moment comme on l’a vu récemment.
Deux millions deux cent trente mille personnes pour 360 kilomètres carrés. Un peuple en trop pour un pays en moins. C’est une deuxième Nakba pour ces déplacés, contraints une fois encore de quitter leurs maisons pour aller s’entasser dans une poche encore plus petite, encore plus sombre, encore plus au sud. Éliminer les Palestiniens serait-il devenu un enjeu pour l'armée ? Est-ce possible d’anéantir ainsi un peuple ?
Les images terribles relayées par les chaînes de télévision, montrant des cadavres extraits des décombres, alignés sur les trottoirs ou au milieu des rues, sont désormais notre pain quotidien. À quelques kilomètres de là, les corps des jeunes israéliens abattus par le Hamas ont été disposés en cercle. Un cercle et des lignes se rejoignent dans nos têtes. Trop de morts des deux côtés…
Après avoir transmis la guerre de pays en pays, et de génération en génération, les terroristes pourront-ils devenir un jour des citoyens ordinaires ? Tandis qu’on se sent coupables de vivre normalement, de regarder la télévision tous les jours sans rien pouvoir faire, les vrais coupables, eux, se sentent des héros ! Les milices ne pourront jamais rendre leur pays aux Palestiniens, car elles font face à une armée encore plus acharnée.
La solution est donc d’apprendre à dialoguer entre nous, sans compter sur les armes des puissants. Il y a des Israéliens et des Palestiniens censés, raisonnés, conscients, capables de s’asseoir ensemble pour discuter. Il faut revenir à la table des pourparlers, afin de négocier un nouvel accord de paix qui pourrait inclure l’arrêt de la colonisation sauvage en Cisjordanie, la restitution aux Palestiniens des parcelles confisquées par les colons, ainsi que des territoires occupés en 1967 après la guerre des Six-Jours. En attendant cela, les armes parlent plus haut que les mots…
Par Vénus KHOURY-GHATA
Poétesse et écrivaine (récompensée notamment par les Grand Prix de poésie de l'Académie française et de la Société des gens de lettres).
Merci..
14 h 43, le 03 novembre 2023