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Moyen-Orient - Diplomatie

Gaza : la discrétion contrainte d’Abou Dhabi sur la scène régionale

Embarrassés par leurs liens avec Israël, les Émirats peinent à sortir de l’ombre du Qatar et de l’Arabie saoudite, qui ont l’oreille des différentes parties au conflit.

Gaza : la discrétion contrainte d’Abou Dhabi sur la scène régionale

Le président émirati Mohammad ben Zayed a signé en 2020 les accord d’Abraham, aujourd’hui sous le feu de vives critiques, alors qu’Israël intensifie ses bombardements sur Gaza. Bandar al-Jaloud/AFP

Des cratères dans l’asphalte du parking, des voitures carbonisées et surtout des corps ensanglantés, le bombardement visant l’hôpital al-Ahli de Gaza, qui a fait 471 morts selon le ministère de la Santé du Hamas, a constitué un tournant dans la guerre Israël-Hamas. Si l’origine du tir fait l’objet de vifs débats, les pays arabes ont unanimement pointé du doigt Israël, y compris les Émirats arabes unis. Abou Dhabi « condamne fermement l’attaque israélienne qui a ciblé l’hôpital baptiste al-Ahli dans la bande de Gaza, entraînant la mort et la blessure de centaines de personnes », tout en appelant à « une cessation immédiate des hostilités », a rapporté l’agence de presse officielle Wam. La fédération signataire des accords d’Abraham s’était pourtant montrée avare en critiques à l’égard d’Israël depuis le début du conflit. Après l’assaut du 7 octobre, elle avait fait cavalier seul en dénonçant les « attaques du Hamas », détonnant avec l’Arabie saoudite, le Qatar et le CCG qui en avaient imputé la responsabilité aux « forces d’occupation israéliennes ».

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Le bombardement visant l’hôpital al-Ahli a-t-il poussé les Émirats à modifier leur narratif pour ne pas se retrouver sur la touche des pays arabes ? La fédération, qui se veut l’un des piliers diplomatiques de la région, s’est fait très discrète depuis le début des hostilités. Contrairement à ses voisins. Au Qatar, l’émir Tamim a accueilli le secrétaire d’État américain Antony Blinken le 13 octobre, et deux jours plus tard, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, qui a rencontré à Doha le chef du Hamas, Ismaïl Haniyé. En Arabie saoudite, le prince héritier Mohammad ben Salmane a reçu un appel du président iranien Ebrahim Raïssi, ce dernier espérant une pression saoudienne sur les États-Unis pour réduire l’intensité de la guerre d’Israël contre Gaza. Antony Blinken s’est également rendu à deux reprises à Riyad. Il n’a fait qu’un arrêt à Abou Dhabi. En plus de cette mise au second plan par les acteurs internationaux du conflit, le malaise de la fédération grandit autour de sa reconnaissance d’Israël. « Les Émirats arabes unis ne souhaitent pas nécessairement être sous le feu des projecteurs, car les récents développements placent les accords d’Abraham sous un jour plus critique qu’auparavant de la part du monde arabe », note Christian Koch, directeur du Gulf Research Center Foundation.


Ralentissement des accords d’Abraham

« Les accords d’Abraham vont sortir ébranlés de cet épisode, car il sera difficile pour les Émirats et les autres pays signataires d’aller plus loin dans leur mise en œuvre, prévient Michel Duclos, conseiller spécial à l’Institut Montaigne et ancien ambassadeur de France en Syrie. Il va y avoir une stagnation, voire un recul. La vraie question est : cela s’inscrira-t-il dans le temps ? Et il est difficile pour l’heure d’y répondre, car nul ne sait ce qui va se passer dans les prochains jours ou les prochaines semaines. » Un ralentissement qui pourrait se matérialiser par une coopération revue à la baisse, une réduction du staff diplomatique ou le report des rencontres prévues. Comment imaginer en effet Benjamin Netanyahu se rendre à la COP 28 de Dubaï fin novembre ? « S’il vient, il devra se faire très discret », ajoute l’ancien diplomate. D’autant que deux visites du Premier ministre israélien aux Émirats arabes unis ont déjà été précédemment reportées, en réponse à la violence de l’armée israélienne et des colons en Cisjordanie.

« Si la violence à Gaza continue et s’intensifie, les Émirats arabes unis pourraient réévaluer leurs relations avec Israël en explorant plusieurs options, explique Bader al-Saïf, professeur d’histoire à l’Université du Koweït. Abou Dhabi a travaillé dur pour construire sa marque et ne pourra simplement pas ignorer les masses qui sont très en colère contre ce qui se passe. » L’indignation monte en effet sur les réseaux sociaux, même parmi les soutiens du régime. Le politologue dubaïote Abdelkhaleq Abdallah, pourtant proche du pouvoir, ne cesse de partager de virulentes critiques de la guerre à Gaza sur le réseau X, appelant jusqu’à l’expulsion de l’ambassadeur israélien aux Émirats.

Mais les enjeux des accords d’Abraham sont trop élevés pour qu’Abou Dhabi envisage un changement de position trop radical. « Ils continueront de protéger cette entente car elle leur apporte des avantages économiques et techniques, mais aussi parce qu’elle est importante pour les liens avec les États-Unis, et qu’elle leur donne un canal de communication avec le gouvernement israélien que d’autres n’ont pas », observe Christian Koch. Malgré leur caractère inédit lorsqu’ils ont été signés en 2020, les accords d’Abraham ont montré qu’ils n’ont jamais eu d’autre vocation que de développer les relations commerciales et de bâtir un front sécuritaire face à l’Iran. Même si les Émirats avaient posé comme condition à Israël l’arrêt de l’annexion de facto de la Cisjordanie, une promesse jamais concrétisée.

« L’idée selon laquelle les Émirats deviendraient le principal interlocuteur des Palestiniens est erronée, souligne Bader al-Saïf. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas en mesure d’agir diplomatiquement dans ce nouveau conflit. Ils sont très agiles et pragmatiques lorsqu’il s’agit de devoir changer de stratégie quand ils en ont besoin. Ils l’ont fait avec l’Iran, la Turquie, et ils le font maintenant avec l’Arabie saoudite. Alors pourquoi pas avec Israël ? Ils peuvent d’ailleurs utiliser leur adhésion actuelle au Conseil de sécurité de l’ONU pour faire pression en faveur d’un projet de résolution. »


Clore le chapitre de la colère

Incapable d’intervenir directement auprès du Hamas, qu’Abou Dhabi voit comme une excroissance des Frères musulmans, son rôle se trouvera peut-être davantage dans une médiation plus large, incluant d’autres partenaires internationaux. « Les Émirats ont du mal à trouver leur place dans cette phase-là, mais leur heure reviendra forcément, prédit Michel Duclos. Si une perspective positive sort enfin de tout cela, si un espace politique se recrée pour des négociations israélo-palestiniennes, il faudra une coalition d’États régionaux et occidentaux pour exploiter cet espace. Et là, je pense que les Émiratis retrouveront leur place naturelle aux côtés des Égyptiens et des Saoudiens. »

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Abou Dhabi vient en tout cas de franchir une première étape pour faciliter ce scénario. Alors que les tensions n’ont cessé de croître ces dernières années entre MBS et le président émirati Mohammad ben Zayed, ce dernier s’est rendu pour la première fois depuis un an à Riyad vendredi, dans le cadre du sommet CCG-ASEAN, où il a été chaleureusement accueilli par le dirigeant saoudien. Une manière de signaler que les deux souverains du Golfe ont clos le chapitre de la colère.

Des cratères dans l’asphalte du parking, des voitures carbonisées et surtout des corps ensanglantés, le bombardement visant l’hôpital al-Ahli de Gaza, qui a fait 471 morts selon le ministère de la Santé du Hamas, a constitué un tournant dans la guerre Israël-Hamas. Si l’origine du tir fait l’objet de vifs débats, les pays arabes ont unanimement pointé du doigt Israël, y compris...

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ON SACRIFIE LA PALESTINE POUR SAUVER LES INVESTISSEMENTS D,ABRAHAM CHEZ L,AUTRE PARTIE. YIA ARAB...

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 23, le 21 octobre 2023

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Commentaires (1)

  • ON SACRIFIE LA PALESTINE POUR SAUVER LES INVESTISSEMENTS D,ABRAHAM CHEZ L,AUTRE PARTIE. YIA ARAB...

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 23, le 21 octobre 2023

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