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Moyen-Orient - Gaza

Face à l'ordre d'évacuation des civils, tous les regards se tournent vers l'Égypte

Alors qu'Israël a ordonné vendredi aux habitants de la ville de Gaza de fuir vers le Sud, Le Caire s’inquiète des retombées d’une arrivée massive de Palestiniens vers la péninsule du Sinaï.

Face à l'ordre d'évacuation des civils, tous les regards se tournent vers l'Égypte

De la fumée s’échappe du poste-frontière de Rafah, à Gaza, avec l’Égypte, lors d’une frappe aérienne israélienne mardi. Said Khatib/AFP

Depuis quelques heures, le poste-frontière de Rafah, seul point de sortie de l'enclave palestinienne vers l'Égypte, concentre tous les regards. Alors qu'Israël a ordonné vendredi l'évacuation sous 24 heures de tous les civils de la ville de Gaza, située au nord de l'étroite langue de terre, vers le sud, Washington négocie avec Israël et l'Égypte l'ouverture de ce point de passage pour les étrangers, notamment les Américains, souhaitant quitter l'enclave. « C'est ce qu'on discute avec Israël et nous continuons de discuter de cela avec l'Egypte » a déclaré vendredi un haut responsable américain voyageant avec le secrétaire d'Etat Anthony Blinken dans le cadre de sa tournée régionale. 

Depuis lundi, l’enclave palestinienne a été placée « sous un siège total » ordonné par le ministre israélien de la Défense, l’électricité, l’eau et l’approvisionnement en nourriture ayant désormais été coupés. Face à ce blocus, des mouvements de populations fuyant les frappes avaient été observés de Gaza vers la péninsule du Sinaï, tandis que le porte-parole militaire en chef de l’armée israélienne incitait « tous ceux qui le peuvent à sortir ».

Déplacement de masse vers le Sinaï ?

Encore ouvert à ce moment-là, le point de passage de Rafah a depuis fermé, a annoncé l’armée israélienne. Selon des sources de sécurité égyptiennes citées par Reuters, les opérations dans les environs auraient notamment été perturbées lundi soir par une frappe israélienne. Une seconde serait tombée mardi, selon des témoins. Ces développements placent les autorités du Caire dans une position critique, soucieuses de prévenir une crise humanitaire et sécuritaire dans le pays. « Le régime égyptien est obsédé par la question sécuritaire dans le Sinaï. Il craint un déplacement de masse des Palestiniens de Gaza, qui pourrait sur le long terme se transformer en une présence permanente via des camps de réfugiés, comme au Liban ou en Syrie », souligne Khalil al-Anani, professeur de sciences politiques et de relations internationales et chercheur associé à l’université de Georgetown. Si l’enjeu sécuritaire dans le Sinaï est si important, c’est entre autres parce que le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a construit depuis 2013 son capital politique sur le rétablissement de l’ordre dans cette région en proie à l’instabilité. Lundi soir, des sources égyptiennes de haut rang citées par la chaîne de télévision officielle al-Qahera News ont mis en garde contre « les appels par certaines parties à l’exode massif », prévenant que « la souveraineté égyptienne n’est pas ouverte aux violations et la puissance occupante a la responsabilité de trouver des couloirs humanitaires pour aider la population de Gaza ».

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Aux yeux du Caire, l’incitation israélienne à fuir par le poste-frontière de Rafah pourrait servir de prétexte afin d’encourager la formation d’une communauté palestinienne dans le Sinaï, l’éloignant un peu plus de la Cisjordanie où l’État hébreu poursuit sa colonisation. « Depuis des décennies, Benjamin Netanyahu pousse pour qu’une éventuelle résolution de la question palestinienne passe par la création de leur propre foyer à Gaza et dans le Sinaï », commente Khalil al-Anani, qui indique que Le Caire n’aura cependant d’autre choix que de rouvrir le poste-frontière si la guerre se poursuit. « Ne pas le faire serait scandaleux et embarrassant aux yeux de l’opinion publique égyptienne, poursuit le chercheur. Cela gonflera le sentiment antirégime étant donné les bombardements continus sur Gaza. »

Médiation compliquée

Afin de prévenir ce scénario et d’œuvrer à une désescalade, l’Égypte a renoué avec sa position traditionnelle de médiatrice-clé sur le dossier. Allié de Washington et partenaire d’Israël – avec qui il a signé le premier traité arabe de normalisation des relations avec l’État hébreu en 1979 –, le pays a maintenu son dialogue avec le Hamas, aux commandes à Gaza depuis 2007, malgré ses différends avec le mouvement issu des Frères musulmans. En mai 2021, après la guerre de 11 jours entre le Hamas et Israël, ses efforts de médiation avaient notamment permis d’aboutir à un cessez-le-feu. Mais l’ampleur de la guerre actuelle provoquée par une offensive sans précédent du mouvement islamiste sur le territoire israélien – et la présence en nombre d’otages – complique son rôle d’intermédiaire. « Les États-Unis exercent sans doute une forte pression sur Le Caire afin qu’il assure une médiation et obtienne la libération de certains otages, mais ce dernier ne semble pas disposer d’un levier suffisant alors que le Hamas n’a pas dévoilé ses exigences », suggère Khalil al-Anani. Selon les autorités israéliennes, le nombre d’otages détenus à Gaza par le Hamas serait estimé à au moins 150. De son côté, le chef du bureau politique du mouvement islamiste, Ismaïl Haniyeh, a déclaré que le dossier des otages ne sera ouvert que lorsque la guerre prendra fin, a rapporté la chaîne officielle du Hamas sur Telegram.

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Au-delà de la question sécuritaire dans le Sinaï, l’Égypte craint les retombées économiques et politiques de la séquence débutée samedi sur l’ensemble du territoire, où la population reste majoritairement acquise à la cause palestinienne. Au lendemain de l’opération inédite du Hamas, deux touristes israéliens et leur guide égyptien ont été tués par un policier à Alexandrie. Le Caire redoute depuis que l’incident n’encourage un climat d’hostilité à l’encontre des Israéliens, portant un coup au tourisme, à l’économie et à l’entrée de devises étrangères dans un pays en pleine crise économique. Et ne détériore les relations avec le gouvernement israélien. Car pour l’Égypte, préserver sa relation avec ce dernier – et notamment le niveau élevé de coopération militaire et sécuritaire – est essentiel.

Selon une source du renseignement égyptien citée par Associated Press, Le Caire aurait prévenu Israël avant l’incursion du mouvement islamiste que « quelque chose de gros » se préparait en provenance de Gaza, une information que l’État hébreu aurait négligé, concentrant son attention sur la situation sécuritaire en Cisjordanie. « Ces rumeurs peuvent sembler crédibles étant donné la forte collaboration en matière de renseignement entre les deux pays, estime Khalil al-Anani. Le régime de Sissi s’appuie sur Israël pour se procurer des équipements de surveillance qu’il utilise contre l’opposition. En échange, Le Caire pourrait lui livrer des informations-clés sur le Hamas. » Fin septembre, le laboratoire canadien Citizen Lab a révélé que l’opposant Ahmad Tantawi avait été ciblé à de multiples reprises par le logiciel Predator, conçu par une société israélienne, juste après avoir annoncé sa candidature à la prochaine élection présidentielle égyptienne, fixée aux 10 et 12 décembre. 

Depuis quelques heures, le poste-frontière de Rafah, seul point de sortie de l'enclave palestinienne vers l'Égypte, concentre tous les regards. Alors qu'Israël a ordonné vendredi l'évacuation sous 24 heures de tous les civils de la ville de Gaza, située au nord de l'étroite langue de terre, vers le sud, Washington négocie avec Israël et l'Égypte l'ouverture de ce point de...

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