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Culture - Théâtre

Au Monnot, il est à la fois Fabrice Luchini et lui-même

En campant deux rôles, celui du maître et de son élève, le comédien français Olivier Sauton illustre la rencontre entre deux générations.

Au Monnot, il est à la fois Fabrice Luchini et lui-même

Olivier Sauton sur le parvis du théâtre Monnot où il présente son seul en scène "Fabrice Luchini et moi". Photo DR

Rencontrer Olivier Sauton à Beyrouth, où il se prépare à présenter sa pièce Fabrice Luchini et moi sur les planches du théâtre Monnot*,est un moment savoureux. Entre une réponse à une question et un extrait d’imitation, on peut entrevoir tout le talent de ce comédien, sonder son humour et toucher à son humanité.

C’est par un pur hasard qu’un soir, dans la rue, Olivier Sauton rencontre Fabrice Luchini, son idole. Il lui demande spontanément de lui réciter une fable de La Fontaine, La tortue et les deux canards. Le comédien s’étonne d’abord, avant d'accepter. Olivier Sauton lui avoue alors avoir toujours rêvé d’être son élève. Entre rêve et réalité il n'y a qu'un pas... qu'il franchit en écrivant un spectacle, comme un hommage à ce grand acteur, au théâtre et à tous ceux qui le servent avec passion, pour le plaisir du spectateur. Dix ans après les premières représentations en France, Olivier Sauton reprend ce spectacle sur la scène du théâtre Monnot, à Beyrouth, où il incarne deux personnages. L’élève et le maître. Fabrice Luchini est le professeur qui lui délivrera trois leçons de vie, et lui fera découvrir qu’au-delà de la gloire et des femmes, il y a l'art. Après la première, Fabrice Luchini  lui avouera : « Les imitateurs en font toujours trop quand ils font Luchini, toi, tu m'as compris, tu ne m’imites pas, tu m’incarnes, tu ne fais pas semblant d’être moi, tu prends ma place. » 

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Merci Dom Juan !

Mais comment cette aventure a-t-elle commencé ? Grâce à son amoureuse, qui lui avait dit : « Tu m’emmènes toujours au cinéma, mais en fait c’est le théâtre que j’aime. » Olivier Sauton a alors 18 ans, l’âge où l’on est porté par l’amour. Alors, pour ne pas lui déplaire, ils décident ensemble d’aller voir Dom Juan. « Ce fut une révélation, dit-il, ce qui m’avait subjugué, ce n’était pas la beauté du théâtre et son ambiance magique, mais de voir tous ces adultes assis, attendant que le rideau rouge se lève pour croire à un mensonge, car on veut tous toujours y croire. » À la sortie des acteurs, un petit monsieur à lunettes, à l'allure de fonctionnaire dénué de charme, s’avance vers eux. C’était en fait l’acteur qui incarnait Dom Juan. « Il était pour moi, confie Sauton, l’image du superhéros. Il ne se transformait pas en Superman mais en un personnage imposé par l’auteur. » Et d’ajouter :  « J’avais enfin compris. Je voulais ça ! Monter sur scène, jouer un personnage auquel tout le monde croit le temps des représentations, être Dom Juan avec toutes les femmes à ses pieds ou un autre et qu’en sortant, personne ne me reconnaisse. »

Tous les projets de carrière qu’Olivier Sauton avait échafaudés jusque-là partaient en fumée, car, adolescent déjà, il avait toujours voulu faire des métiers en rapport avec la parole ; transmettre des émotions et persuader. Il a rêvé être commentateur de football à la radio pour faire naître les images dans l’esprit des auditeurs, a voulu être un homme politique, alors qu’il n’avait aucune notion dans ce domaine, juste pour s’adresser à une assemblée, avant de finalement opter pour le droit, pour devenir avocat des causes perdues. « Non pas procédurier ou fiscaliste, dit-il, je voulais aller dans le pénal, à la Cour européenne des droits de l’homme, je désirais défendre l’indéfendable et celui accusé injustement. »

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Sauf qu’une fois ses études entamées, il déchante et réalise que les études de droit n’étaient pas du tout liées à la parole. Retour à la case départ. Jusqu’au moment où il rencontre Dom Juan. Le jeune homme abandonne l’université et sa ville natale dans l’ouest de la France et s’installe à Paris. Il se souvient :« Vous avez 20 ans, vous habitez un 15 m2 sans ascenseur et la vie est belle. » C’était une période de sa vie où il croyait en ses rêves, « car, dit-il, au fil des années, la vie nous désenchante et on oublie l’émerveillement. La candeur et l’innocence de croire qu’on peut décider de sa vie s’évanouissent ».

Ne pas perdre la musique de l’oralité

Adolescent, Olivier Sauton avait beaucoup de choses à dire mais n'y parvenait pas. C’était un enfant anxieux, renfermé sur lui-même, qui parlait peu et qui avait peur de la vie. Il écrivait beaucoup et s’exprimait peu, pour lui vivre était un traumatisme, aujourd’hui c’est un miracle. Petit provincial, il découvre un soir, sur son écran télé, Fabrice Luchini. « Il avait, dit-il, une sorte d’hypnose vocale et tout le monde pouvait l’écouter. » Olivier est subjugué devant cet acteur capable de tout, malgré un physique ingrat.  « C’est parce qu’on l’écoute qu’il devient beau », pense-t-il. Il s’amuse à le singer, et voilà comment le travail d’imitation prend son départ. Lorsqu’il rejoint l’univers du spectacle, l’angoisse revenait avant chaque représentation. Mais progressivement, le théâtre devient une forme de libération, un accouchement : « Le théâtre m’a fait aimer la vie, et grâce à lui je suis devenu très curieux, très bavard. » Ce qui lui plaît par-dessus tout, c’est d'être dans une posture de transmission, sans faire de leçons ou un sermon, sans passer par les idées mais par les émotions, par le sens et par le jeu. « Le théâtre avait accompli un miracle pour moi, un vrai partage comme une sorte de fraternité où tout le monde est à pied d’égalité. Le temps d’un spectacle, les spectateurs vibrent à l’unisson et c’est le rassemblement qui provoque l’union », avoue-t-il. Et un jour qu’il fréquentait le cours de Jean-Laurent Cochet, il apprend que celui-ci avait été le professeur de Fabrice Luchini. « Je comprends alors toute la philosophie de Luchini, précise-t-il, c’était le moule dont il était sorti. » Et à chaque fois que son professeur lui demandait de jouer une scène, il se posait la question : « Mais comment Luchini l’aurait-il fait ? »

Olivier Sauton réalise alors que tout le travail de diction est dans la sonorité, comme si Luchini était un Stradivarius qu’on empruntait et qui permettait de comprendre la richesse de la variation. Il s’explique : « Il ne faut pas perdre la musique de l’oralité, le phrase change tout, ce qui conditionne le sens, c’est la musique que l’on met dans la phrase. » Cette découverte lui permet de s’améliorer, de travailler les gestes et de conditionner sa pensée. Il est convaincu que pour bien imiter un personnage, il ne suffit pas de reproduire la voix et les gestes mais d'arriver à penser comme lui.

Dans Luchini et moi, Luchini n’est pas le sujet du spectacle, mais un prétexte pour intéresser à l’histoire de son spectacle. Celle d’un professeur qui donne des leçons de vie à un jeune comédien. Et quel meilleur personnage que Luchini pour incarner le professeur ?   «  J’imite bien d’autres acteurs mais je ne les ferais jamais aussi bien que Luchini. J’ai de l’empathie pour lui, cette qualité qui devrait être celle que l’on s’inflige tous. Si je n’avais pas tant aimé cet immense acteur, jamais je n’aurais réussi la subtilisation (de son identité) », confesse Olivier Sauton.

Son spectacle fait rire. On réfléchit beaucoup aussi. « Je fais rire pour faire naître la disposition d’esprit, pour stimuler la réflexion et aider ainsi à mieux comprendre. Prendre le spectateur par les zygomatiques du rire, cela lui permet d’être en capacité de tout entendre. » 

Le comédien français avoue par ailleurs que le moment qu’il préfère dans son spectacle, c’est lorsqu’il instaure un silence qui dure. Et c’est comme si les spectateurs s’écoutaient eux-mêmes sans parler, c’est un moment proche du mysticisme, presque une religion sans religion. Plutôt que d’avoir peur d’incarner le personnage, Olivier Sauton en a fait son atout.  « J’ai pensé : Je vais me sentir super fort, il sera mon armure », conclut-il.

Une pièce pour petits et grands car il n'y a pas d'âge pour mesurer à quel point le spectacle vivant regorge de talents, avec de belles références littéraires qui donnent envie de replonger dans nos classiques.

« Luchini et moi » Un seul en scène écrit, mis en scène et interprété par Olivier Sauton, au théâtre Monnot, du mercredi 11 au samedi 14 octobre, à 20h30. Billets en vente chez Antoine Ticketing ou au guichet. 

 

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