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Moyen-Orient - Haut Karabakh

Dans le corridor de Latchine, silence et désolation après la tempête

Après neuf jours de panique et un exode continu des Arméniens de l'enclave sur la route qui serpente, la frontière est déserte.

Des Arméniens fuyant le Haut Karabakh font la queue en voiture dans le corridor de Latchin, le 28 septembre 2023. Photo SIRANUSH ADAMYAN/AFP

L'Azerbaïdjan et l'Arménie se regardent en chiens de faïence dans le silence revenu des montagnes. Le poste-frontière de Latchine, entre l'Arménie et le Haut Karabakh, la seule route qui relie les deux territoires, est désormais plongé dans la torpeur.

Après neuf jours de panique et un exode continu des Arméniens de l'enclave sur la route qui serpente, la frontière est déserte, ont constaté des journalistes de l'AFP lors d'une visite organisée par les autorités azerbaïdjanaises.

Sur la colline de gauche, le drapeau arménien et les volontaires civils attendant les derniers réfugiés à prendre en charge.

Reportage

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Au milieu, un pont, sur lequel est positionné un blindé de l'armée russe, qui sert de force d'interposition au Haut Karabakh depuis la guerre de 2020. Cinquante mètres plus loin, les gardes-frontières azerbaïdjanais, vissés à leurs jumelles et leur poste de contrôle. 

Sous l'auvent équipé de caméras intelligentes dernière génération, un seul véhicule s'y présente.

L'antédiluvienne estafette kaki brinquebale jusqu'aux douaniers azerbaïdjanais et leurs tablettes numériques. Un amas de breloques, matelas, meubles et un vélo sont ficelés en équilibre sur son toit. 

« Vous pouvez rester » 

L'Arménien Sergueï Astsarian présente ses papiers. Le commerçant de 40 ans a finalement décidé de quitter la capitale de l'enclave, après avoir réalisé dit-il, qu'il était dans Stepanakert "seul, comme le dernier des Mohicans qui reste là-bas".

Le père de famille redoutait d'être bloqué pour de bon. Malgré les appels des autorités de Bakou à rester, il a fini par choisir de partir disant qu'il attendait des "garanties concrètes" et pas seulement "verbales" sur la suite. 

"J'ai discuté avec la police et ils ont dit +Vous pouvez rester+. +J'ai dit Pour quoi faire+ ?", témoigne-t-il. "Mais si on veut rentrer, ils ont dit +Pas de problème, vous pouvez vivre dans vos maisons. Et ceux qui vivaient dans des maisons azerbaïdjanaises en construiront des nouvelles+", dit à l'AFP le réfugié.

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Dans les années 1990, un précédent conflit entre Bakou et Erevan, gagné cette fois par l'Arménie, avait obligé des dizaines de milliers d'Azerbaïdjanais à fuir le Haut Karabakh. Chez eux, la victoire contre les séparatistes ravive des rêves de retour.

"Moi, je ne pense pas que toute la population reviendra ici, il fallait régler ces problèmes entre les deux gouvernements … il ne fallait vraiment pas de cette guerre", estime Sergueï Astsarian, qui espère retrouver ses proches en Europe. 

Après un rapide contrôle, l'estafette rouillée avance cahin-caha jusqu'à l'immense portail gris déployé au milieu du pont, un scanner à rayon X.  Sergueï Astsarian s'engage en direction du drapeau arménien, sans un regard derrière lui.

Lada calcinée

En remontant la route qu'il vient de prendre, par laquelle jusqu'à 100.000 personnes sont passées en une semaine selon Erevan - un chiffre contesté par Bakou - le spectacle de désolation est saisissant.

Une Lada calcinée, une poussette rose au milieu des ronces, une dînette pour enfants, un chapeau élégant, une baignoire, des vélos, des centaines de bouteilles, restes de repas et restes de toute une vie... sur cinq kilomètres, la montagne est jonchée d'objets abandonnés par les Arméniens pris dans les bouchons au moment de fuir.

Sur la route abrupte qui serpente dans les collines pointant en aiguilles vers le ciel, les checkpoints des gardes-barrières russes se succèdent à chaque vallée. Aucun militaire azerbaïdjanais en vue, seulement la police et les forces de sécurité intérieure. 

A Lissagorsk, un minibus jaune au coffre ouvert sur une montagne de valises et immatriculé en Arménie, fait une halte sous le drapeau de Moscou. Il est rempli d'une quinzaine de vieillards qui regardent la route plongée dans le brouillard par la vitre sale en attendant de poursuivre l'évacuation.  Ils refusent de dire d'où ils viennent ou de parler d'eux à la presse. 

Croix-Rouge 

Très peu d'informations filtrent sur la situation à Stepanakert désertée de sa population (55.000 habitants), après l'offensive éclair et victorieuse de Bakou et la capitulation des séparatistes le 20 septembre dernier.

La ville, que Bakou appelle Khankendi, est toujours inaccessible à la presse pour des raisons de "sécurité".

Pour la première fois en 30 ans, une mission de l'ONU est arrivée dimanche dans l'enclave pour évaluer les besoins humanitaires sur place. 

Les camions blancs du Comité international de la Croix-Rouge, rares humanitaires pouvant entrer et sortir de l'enclave, étaient aussi visibles sur la route de Latchine.

Le Comité dit se concentrer "sur les activités permettant de sauver des vies", comme le transfert de blessés en Arménie ou l'acheminement de fournitures médicales. Mais ses volontaires ont aussi en charge la très délicate question du transfert des corps et la "gestion digne des morts" face à l'"afflux massif de cadavres" observé dans l'enclave. 

L'Azerbaïdjan et l'Arménie se regardent en chiens de faïence dans le silence revenu des montagnes. Le poste-frontière de Latchine, entre l'Arménie et le Haut Karabakh, la seule route qui relie les deux territoires, est désormais plongé dans la torpeur.

Après neuf jours de panique et un exode continu des Arméniens de l'enclave sur la route qui...

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