La splendeur d’une langue réside dans sa capacité à transcender les mots et à inspirer une littérature imprégnée d’émotions et de sensations sublimes. En particulier, la langue française a été finement façonnée au fil des siècles par des événements historiques marquants, lui conférant une magnificence et une élégance uniques en leur genre. Pour pleinement apprécier l’allégresse et la richesse de la langue de Molière, il serait bon de revisiter brièvement le glorieux passé de la littérature française.
Les premières œuvres littéraires françaises voient le jour au XIIe siècle, au cœur de l’époque médiévale. Elles étaient généralement destinées à être récitées en public par les troubadours sous une forme épique, mêlant croyances et évidences. L’une des plus anciennes est la Chanson de Roland. Comme son nom l’indique, c’est une chanson de geste qui exalte les exploits de l’armée de Charlemagne et de son neveu Roland. Entre 1170 et 1250, une autre œuvre novatrice est le Roman de Renart. Il s’agit d’un ensemble de récits créés par plusieurs auteurs, la plupart étant anonymes. Les histoires racontées sont principalement de nature sarcastique et humoristique. Elles utilisent malicieusement des animaux comme personnages emblématiques pour critiquer subtilement, mais vigoureusement les mœurs sociales de l’époque. À cet égard, elles peuvent être considérées comme les ancêtres primaires des fables de La Fontaine.
Cependant, la littérature française prend vraiment son essor au XVIe siècle avec l’avènement de la Renaissance. Parmi les réalisations notables de cette époque figurent les Essais de Montaigne, une œuvre composée de trois tomes et de 107 chapitres. Il y a aussi le roman en cinq livres de Rabelais intitulé Gargantua et Pantagruel. Ces œuvres admirables sont de véritables introspections sur la nature humaine, ses vérités et ses subtilités. C’est aussi durant cette période que la poésie française acquiert ses premières lettres de noblesse, notamment grâce à la Pléiade, un groupe d’écrivains comprenant Ronsard et du Bellay.
Le XVIIe siècle voit l’émergence d’une élite intellectuelle brillante et éloquente. La création de l’Académie française en 1635 par Richelieu illustre l’importance de la littérature, surtout au sein de la classe aisée de la noblesse et de la bourgeoisie. Durant la seconde moitié du siècle, le roi Louis XIV contribue grandement à l’épanouissement du théâtre et des arts du spectacle. Sa cour à Versailles est l’épicentre de la vie culturelle et intellectuelle en France, attirant des auteurs et des dramaturges de renom. C’est au cours de cette période charnière que le genre classique de la littérature prend forme, succédant ainsi au style baroque des décennies antérieures. Les grands noms du classicisme littéraire sont Corneille, Racine, La Bruyère, Boileau, La Fontaine, Molière et d’autres. Une citation pertinente mettant judicieusement en valeur les plus éminents auteurs de cette époque glorieuse est la suivante : « Une corneille perchée sur la racine de la bruyère boit l’eau de la fontaine Molière. »
Le XVIIIe siècle est couramment désigné comme le siècle des Lumières. Cette expression illustre l’ardent désir des intellectuels de l’époque de promouvoir, à travers l’esprit sain et fin du cartésianisme, le triomphe de la cognition et de la raison sur l’obscurantisme et le fanatisme. Parmi les principaux écrivains français des Lumières, on peut citer Voltaire, Rousseau, Diderot et Montesquieu. En mettant en exergue des valeurs nobles telles que l’égalité, la fraternité et la liberté, leurs ouvrages ont très probablement contribué à forger les idéaux de la Révolution française.
Le XIXe siècle constitue une période de floraison littéraire en France. Son apogée est symbolisée par la contribution immense et intense de Victor Hugo. Les nombreuses œuvres littéraires et poétiques de ce géant sont un bouillon somptueux et majestueux de romantisme et d’humanisme. D’autres grands écrivains romantiques incluent Musset, Nerval, Lamartine et Dumas. Ce siècle voit également l’émergence du réalisme et du naturalisme grâce à des auteurs tels que Balzac, Flaubert, Maupassant, Zola, Daudet et Stendhal. De plus, la science-fiction fait son apparition grâce à l’imagination et à l’inspiration fabuleuse de Jules Verne. La fin du XIXe siècle est marquée par le symbolisme, avec les légendaires poètes maudits, en l’occurrence le mélancolique Baudelaire, le lyrique Verlaine et l’énigmatique Rimbaud.
La littérature française du XXe siècle se caractérise par l’influence prépondérante de plusieurs écrivains emblématiques tels que Proust, Sartre, Camus, Aragon, Pagnol, Saint-Exupéry, de Beauvoir, Malraux, Céline ainsi que de nombreux autres talents. Ils se distinguent par la remarquable densité et variété de leurs œuvres, tant sur le plan stylistique que thématique. À travers des mouvements comme l’existentialisme, le déterminisme et le surréalisme, ils explorent une multitude de sujets liés aux profondeurs de l’âme humaine comme l’éphémère et l’imaginaire, l’aberration et l’émancipation.
Au XXIe siècle, de nombreux écrivains francophones se distinguent par la beauté, l’agilité et la limpidité de leur prose. Ils proviennent non seulement de la France, mais aussi d’autres pays se situant en Afrique, au Moyen-Orient, en Extrême-Orient, en Europe, en Amérique, en Océanie ainsi que d’autres régions du monde. Dans ce contexte, il convient de signaler que l’appartenance à l’Académie française transcende les frontières géographiques et les barrières ethniques. En effet, un bon nombre d’immortels de cette illustre institution ont des origines non françaises. Prenons l’exemple d’Amin Maalouf qui est d’origine libanaise. Récemment, le 28 septembre 2023, il a été élu au prestigieux poste de secrétaire perpétuel de l’Académie française en remplacement d’Hélène Carrère d’Encausse, décédée le 5 août 2023 à l’âge de 94 ans. Nous pouvons en déduire que la langue française crée des liens indéniables entre ceux qui la pratiquent. Comme l’a souligné le célèbre historien français Fernand Braudel dans Le Monde en 1985 : « La France, c’est la langue française. » Ou encore, comme l’a affirmé l’écrivain existentialiste Albert Camus : « Oui, j’ai une patrie : la langue française. »
Un exemple poignant et frappant de cette connexion intime entre la langue française et l’identité culturelle est illustré dans le récit d’Alphonse Daudet intitulé La dernière classe. L’histoire se déroule en Alsace, à l’époque de la guerre franco-
prussienne vers 1870. Le narrateur de ce récit est Frantz, un écolier alsacien insouciant et fainéant. Un jour, il arrive en retard à l’école. Au lieu de le réprimander, le professeur (Monsieur Hamel) lui demande gentiment de regagner sa place. Tout d’abord, le professeur explique que l’Allemagne a pris le contrôle de la région et que toutes les leçons de l’école se dérouleront désormais en allemand et non en français. C’est donc aujourd’hui sa toute dernière classe, car un nouveau maître germanique prendra la relève à partir du lendemain. Ensuite, le professeur parle de la langue française, affirmant que c’est « la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide : qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier ». À midi, l’horloge de l’église sonne soudainement, comme pour annoncer solennellement l’heure fatidique de la transition linguistique du français à l’allemand. À ce moment précis, les trompettes des troupes prussiennes revenant de l’exercice retentissent bruyamment sous les fenêtres de la classe. Monsieur Hamel, très pâle, se lève de sa chaire mais, submergé par l’émotion, ne parvient pas à articuler la moindre syllabe. Alors, il se tourne vers le tableau, prend un morceau de craie, et, en appuyant de toutes ses forces, écrit aussi gros qu’il le peut : « Vive la France ! »
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