Rechercher
Rechercher

Arabi(bi)es ...


C’est un peu comme ces plats qui vous restent sur l’estomac, des jours entiers après s’être fait un devoir d’y goûter. C’est bien le cas (profession de journaliste oblige !) de l’outrecuidant discours prononcé vendredi devant l’Assemblée générale de l’ONU par le chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahu.


Toute imposture est encore plus choquante quand elle dépasse la mesure, quand elle est criante. Quand, par exemple, l’homme qui écrase régulièrement sous les bombes la population civile de Gaza soumise à un cruel blocus, ou qui envoie ses colons se livrer à des ratonnades en Cisjordanie, se pose en vertueux apôtre de paix. En pourvoyeur de stabilité. En promoteur (et même moteur !) de progrès, de développement et de prospérité pour tous les peuples de la région. Cette vision idyllique d’un Moyen-Orient nouveau, n’a, quant à elle, rien de nouveau ; avec la chance qui ne cesse de le servir, ce chapardeur patenté de Bibi, d’ailleurs poursuivi pour corruption, l’aura en effet ravie à ses adversaires travaillistes. Shimon Peres et Yitzhak Rabin n’étaient certes pas des anges de douceur. Mais avant même que de rêver de romances israélo-arabes, du moins avaient-ils conclu les prometteurs accords d’Oslo que Netanyahu a réduits à néant en alimentant une meurtrière montée du fanatisme juif.

En façonnant et parrainant les accords d’Abraham, Donald Trump ouvrait à Israël les portes dorées du Golfe ; l’évènement ne connaîtra cependant son point d’orgue qu’avec l’adhésion du colosse saoudite, sous les auspices cette fois de Joe Biden. Voilà qui ne saurait tarder si l’on en juge par cette véritable première qu’est la présence depuis hier à Riyad d’un ministre israélien participant à un congrès international. Quoi qu’il en soit, c’est sur le seul point de la normalisation avec le royaume wahhabite que la péroraison au palais de verre aura revêtu un fugace accent de vérité, Netanyahu confirmant ce qui était déjà évident pour tous : à savoir que c’est la menace iranienne commune qui a réuni les ennemis d’hier. La République islamique peut donc se vanter d’avoir épouvanté plus d’un État arabe, et non des moindres, au point de le pousser irrésistiblement dans les bras d’Israël ; en toute objectivité, un rabatteur n’aurait pas fait mieux. Comble de duplicité, Téhéran s’arrange par ailleurs pour mettre en garde Riyad contre toute trahison et se féliciter, dans le même temps, de ses toutes récentes retrouvailles avec l’Arabie de MBS.


Cela étant, que peut-il y avoir de plus révoltant encore qu’une flagrante imposture ? C’est une supercherie qui, en dépit de tout bon sens et de toute justice, arrive quand même à tromper son monde. Affligeants de partialité, rageants de naïveté authentique ou simulée, furent ainsi les tonnerres d’applaudissements ponctuant chacune des tirades de l’orateur. Tout se passe hélas ! comme si la communauté internationale, qui assiste sans broncher au transfert de populations frappant les Arméniens du Haut-Karabakh, n’était que trop heureuse de prendre pour argent comptant les miettes promises aux Palestiniens par un État aussi ouvertement adepte de l’apartheid qu’Israël. Il en va de même pour les bravos qui ont salué l’évocation du projet de corridor reliant l’Inde à l’Europe via Haïfa. Voies de communication en tout point historiques, le canal de Suez et le port (déjà gravement mutilé) de Beyrouth font déjà figure de victimes collatérales, mais le monde n’y verra sans doute que la rançon qu’exige le fameux progrès.

Que par action ou omission des mains libanaises aient œuvré au désintéressement arabe frappant notre pays ; que ces mêmes mains soient responsables aussi de la déchéance matérielle du port de Beyrouth, tout cela n’aidera décidément pas à faire passer l’infâme tambouille qu’a brillamment mitonnée, puis gracieusement servie, Benjamin Netanyahu.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

C’est un peu comme ces plats qui vous restent sur l’estomac, des jours entiers après s’être fait un devoir d’y goûter. C’est bien le cas (profession de journaliste oblige !) de l’outrecuidant discours prononcé vendredi devant l’Assemblée générale de l’ONU par le chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahu.Toute imposture est encore plus choquante quand elle dépasse...