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Politique - Éclairage

Comment les politiques libanais perçoivent-ils le rapprochement saoudo-israélien ?

Le Hezbollah ménage ses critiques contre Riyad après l’accord saoudo-iranien. 
Comment les politiques libanais perçoivent-ils le rapprochement saoudo-israélien ?

Le prince héritier Mohammad ben Salmane le 11 septembre 2023 à New Delhi. Photo d’archives AFP

Si le sujet de la normalisation avec Israël n’est plus complètement tabou au Moyen-Orient, où plusieurs États arabes et du Golfe ont déjà sauté le pas, au Liban, les langues ont encore du mal à complètement se délier. Sollicités pour réagir à la récente interview du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, à la chaîne américaine Fox News dans laquelle il affirme que les pourparlers avec l’État hébreu sur cette question ont fait du chemin, les différents protagonistes libanais s’expriment avec circonspection. À quelques nuances près, tous font référence à l’initiative arabe lancée à l’occasion du sommet de Beyrouth de 2002, qui avait défini le cadre et les conditions d’une pacification des relations avec Israël qui se résument au principe fondateur de la « terre contre la paix ». 

C’est toutefois la position des milieux proches du Hezbollah qui surprend le plus et tranche avec la radicalité historique du parti chiite sur cette question. Même si la formation pro-iranienne refuse de s’exprimer sur ce dossier, arguant qu’il est prématuré de le faire, dans son entourage, on se contente de dire qu’« en principe », le refus est pour l’instant le maître-mot.

« Chaque jour, nous nous approchons un peu plus » d’une normalisation, avait déclaré le prince héritier, avant de préciser que pour « la première fois », Riyad et Tel Aviv s’engageaient dans des « pourparlers sérieux ». Une source proche du parti de Dieu indique à L’Orient-Le Jour que le parti n’a pas encore évoqué en détail ce nouveau développement. « Il faut d’abord voir quelle sera la réaction des Palestiniens », indique la source. « À voir également quelles étaient les intentions du prince saoudien derrière cette entrevue qu’il a lui-même sollicitée auprès de la chaîne américaine. Peut-être cherchait-il à améliorer ses relations avec les États-Unis ? » ajoute la source, avant de conclure qu’il est « impossible » pour les Israéliens de concéder la Cisjordanie aux Palestiniens comme prévu dans les précédents pourparlers de paix israélo-arabes. Plusieurs membres de la coalition au pouvoir en Israël – la plus à droite de l’histoire – ont déjà fait savoir qu’ils n’accepteraient de faire aucune concession aux Palestiniens.

Toutefois, dans les milieux du Hezbollah, on précise qu’« en principe », le parti rejette cette potentielle normalisation et qu’il s’aligne sur la position du président iranien Ebrahim Raïssi qui a estimé, vendredi dernier lors d’une conférence de presse en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, qu’« une relation entre des pays de la région et le régime sioniste serait un coup de poignard dans le dos du peuple palestinien et de la résistance palestinienne ». Dans le même temps, le chef iranien s’est toutefois réjoui de la relation de l’Iran « avec l’Arabie saoudite qui se développe »,  en référence à l’amorce d’une reprise des relations entre les deux parties, au printemps dernier, sous l’égide de la Chine. 

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Kassem Kassir, un expert du Hezbollah, estime pour sa part que si l’accord saoudo-iranien donne des « des résultats positifs, l’objection (du Hezb) à l’Arabie sera limitée, comme c’est actuellement le cas avec les Émirats ». Autrement dit, dans un contexte de détente régionale, ni l’Iran ni le Hezbollah ne veulent attaquer le royaume saoudien de front. 

Au Liban-Sud, la situation « restera stable, même en cas de normalisation saoudo-israélienne », affirme Kassem Kassir.« Tout le monde attend l’extraction du gaz », résume-t-il, en référence à l’accord sur la démarcation de la frontière maritime conclu entre le Liban et Israël en octobre 2022 qui a permis de lancer les travaux d’exploration de la zone 9 côté libanais. 

Le pessimisme de Joumblatt

Paradoxalement, c’est l’ancien chef du PSP, Walid Joumblatt, qui exprime le plus de doutes à l’égard des pourparlers entre Riyad et Tel-Aviv, en rappelant tous les échecs historiques qui ont marqué ce dossier. « On revient à la même subversion, le principe de “la terre contre la paix” étant bloqué depuis 20 ans, depuis le sommet de 2002. Preuve en est, l’avènement de 800 000 colons entre-temps et l’incertitude sur la question des lieux saints », dit-il. L’initiative de paix de 2002 proposait à Israël la normalisation des relations avec tous les pays membres de Ligue arabe en échange d’une paix qui comporte la création d’un État palestinien dans les frontières d’avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, et une solution pour le retour des réfugiés sur la base de la résolution 194 de l’ONU. Israël a toujours refusé cette proposition.

Le leader druze déplore que le nouveau projet de corridor commercial reliant l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe, annoncé par le président américain lors du G20 à New Delhi la semaine dernière, contourne Beyrouth et son port, faisant de Haïfa la nouvelle « porte de l’Orient ». Cette initiative vise à stimuler les relations commerciales entre l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe, pour notamment contrer l’influence chinoise mais aussi rapprocher les pays du Moyen-Orient, notamment Israël et l’Arabie saoudite.« Ce mégaprojet crée un nouveau canal de Suez qui se fera également au détriment de l’Égypte. Le commerce des épices est désormais assaisonné au pétrole aujourd’hui », ironise Joumblatt qui dit craindre des répercussions néfastes, laissant entendre que l’histoire est en train de se faire sans le Liban. Dans un entretien à Bloomberg, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré ce week-end que le corridor commercial se ferait de toute manière, « qu’il y ait un accord de paix ou non ».  

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Nouvelle dynamique régionale

Le Courant patriotique libre, lui, aborde cette question avec autant de doutes que le PSP, sans toutefois fermer la porte à une éventuelle percée. « Depuis 2002, le processus de paix fait marche arrière », dit Alain Aoun, député du bloc du Liban fort. Le parlementaire reconnaît toutefois que la nouvelle dynamique dans la région laisse présager une phase d’accalmie avec des pourparlers enclenchés par le royaume saoudien en direction de son adversaire iranien. Un processus qui, indéniablement, s’inscrit dans le sens d’« une stabilisation de la région ». « Une chose est certaine : la portée géopolitique d’un tel accord ne sera pas négligeable. Il faudra en suivre les détails », dit-il.

Bien plus prudentes, les Forces libanaises – alliées privilégiées de l’Arabie saoudite – tentent d’éluder la question en mettant en avant la priorité de consacrer la distanciation du Liban par rapport aux développements régionaux. « Nous évaluerons si ce processus est positif ou négatif lorsqu’il y aura un État au Liban. Pour l’instant, il est l’otage du Hezbollah », commente le porte-parole des FL, Charles Jabbour. « Il reste que la cause palestinienne doit être prise en compte. Israël devra faire un pas pour leur concéder leurs droits », dit-il.

Une condition sine qua non que pose également un ancien ministre sunnite qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat. « Rien n’est encore clair et l’on ne sait toujours pas si les Palestiniens pourront obtenir un État pour eux », dit l’ancien ministre, révélant ses craintes de voir le pouvoir radical en Israël refuser une telle concession pour des raisons « démagogiques ». La réponse de Benjamin Netanyahu a été, là aussi, on ne peut plus clair : « Si nous accordons aux  Palestiniens un État, nous aurions à nos côtés un État iranien terroriste », a-t-il indiqué à Bloomberg.    

Rappelant que de toute manière le Liban devra être le dernier État arabe à normaliser avec Israël, l’ancien responsable conclut cependant sur une note optimiste : « Le rapprochement entre Riyad et Téhéran est l’acte historique le plus important depuis 50 ans », souligne-t-il. Comme pour dire que la dynamique visant à une stabilité régionale est désormais en marche et visiblement irréversible.

Si le sujet de la normalisation avec Israël n’est plus complètement tabou au Moyen-Orient, où plusieurs États arabes et du Golfe ont déjà sauté le pas, au Liban, les langues ont encore du mal à complètement se délier. Sollicités pour réagir à la récente interview du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, à la chaîne américaine Fox News dans laquelle il...

commentaires (4)

Les iraniens tout comme leurs alliés locaux ont une stratégie infaillible qu’ils appliquent partout où ils mettent un pied. D’abord acquiescer et faire croire à leur bonne foi. Tapis dans l’ombre ils attendent leur heure de gloire jusqu’à aboutir à leur but. Celui des saoudiens serait les contrats juteux et les milliards sonnants et trébuchants. Une fois dans la poche ils feront tomber le masque. Ils l’ont déjà pratiqué avec tous nos ex présidents à qui ils ont promis une collaboration étroite pour sauver le pays pour ensuite, une fois ces présidents élus, ils les utilisent pour saper notre démocratie et les fouler du pied en signe de gratitude. Ils ont réussi à dominer notre pays et ses institutions grâce à leurs méthodes et certains continuent de vouloir collaborer avec eux comme si de rien n’était. La naïveté et la cupidité de tous politiciens imbus de leur personne nous ont mené au désastre qu’on vit au quotidien. Ils n’ont rien dans la ciboule et n’ont rien appris de leurs echec

Sissi zayyat

10 h 45, le 25 septembre 2023

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Commentaires (4)

  • Les iraniens tout comme leurs alliés locaux ont une stratégie infaillible qu’ils appliquent partout où ils mettent un pied. D’abord acquiescer et faire croire à leur bonne foi. Tapis dans l’ombre ils attendent leur heure de gloire jusqu’à aboutir à leur but. Celui des saoudiens serait les contrats juteux et les milliards sonnants et trébuchants. Une fois dans la poche ils feront tomber le masque. Ils l’ont déjà pratiqué avec tous nos ex présidents à qui ils ont promis une collaboration étroite pour sauver le pays pour ensuite, une fois ces présidents élus, ils les utilisent pour saper notre démocratie et les fouler du pied en signe de gratitude. Ils ont réussi à dominer notre pays et ses institutions grâce à leurs méthodes et certains continuent de vouloir collaborer avec eux comme si de rien n’était. La naïveté et la cupidité de tous politiciens imbus de leur personne nous ont mené au désastre qu’on vit au quotidien. Ils n’ont rien dans la ciboule et n’ont rien appris de leurs echec

    Sissi zayyat

    10 h 45, le 25 septembre 2023

  • Au liban, tout le monde vit dans le déni. Dans le passé. Comme l’histoire du verre à moitié vide ( ou â moitié plein). Au liban, si le verre est rempli aux 3/4 ? Ils ne voient que le 1/4 vide !!! Si les langues de la population ne se délie pas? C’est à cause du terrorisme intellectuel que subit le libanais. Il suffit qu’ils rejettent catégoriquement l’idéologie du Hezbollah ? Résultat ? Ils sont traités de tous les noms… de traitres… d’agents aux services des ambassades ( ex la révolte de 2019) Que serait-ce si les libanais abordaient le sujet de paix? Houla…. On n’imagine pas le résultat et insultes qui seront déversées…. Alors que les libanais à Dubaï sont de loin plus décomplexés puisque les entreprises dans lesquelles ils bossent font bien des affaires avec Israël. Dans la rue, ils croisent sans le savoir des centaines de milliers de touristes en provenance d’Israël… En Égypte, les vols entre tel aviv et Le Caire sont quotidiens. Au maroc aussi. Il n’y a qu’au liban où on force les citoyens à porter des œillères pour qu’ils ne voient pas ce qui se passe autour d’eux. Et lorsqu’il se passe quelque pas vers la paix , côté arabe? On met en évidence , la plupart du temps, l’aspect sceptique et impossible d’une quelconque paix. Sachant, il est vrai que les embûches sont nombreuses et que toute négociation quelqu’elle soit ( commerciale ou politique) n’est jamais un long fleuve tranquille mais le monde évolue et les mentalités aussi… sauf au liban où l’on vit dans le passé.

    LE FRANCOPHONE

    09 h 56, le 25 septembre 2023

  • M. Netanyahu peut parler d'un état terrosiste en connaisance de cause, c'est même un spécialiste, de l'Apartheid, du respect des diverses composantes de l'état d'Israël et de la mise en application des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Sa devise: Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi se discute.

    Joseph ADJADJ

    00 h 51, le 25 septembre 2023

  • Israël prarique la technique du salami. Persone ne le lmange à pleines dents, il serait trop fort de goût; en revanche, en tranches très fines, c'est autrement meilleur; tout d'un coup il n'y a plus de salami... Le monde arabe s'est laissé bercer par des propositions pleines de mauvaises foi, à l'exeption de Itzhac Rabin, nous savons ce qui lui est arrivé. L'état d'Israël finira par s'effondrer. Le peuple d'Israël n'a jamais gardé la maîtrise de sa terre longtemps, Les Palestiniens n'ont d'autre solution que d'attendre. Il leur suffit de se répéter à chaque célébration de l'Adha "L'année prochaine à Jérusalem", comme le peuple juif a fait avec assiduité pendant 2000 ans à chaque Pessah. Nous vivons une période où la loi du plus fort est toujours la meilleure, cependant elle ne résiste pas à l'usure du temps.

    Joseph ADJADJ

    00 h 43, le 25 septembre 2023

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