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Jeux de mains

États-Unis, France, Égypte, Arabie saoudite, Qatar. Ces puissances grandes et moins grandes, véritables poids lourds militaires, politiques ou financiers saisis de la crise du Liban, les plus optimistes espéraient les voir œuvrer en bonne synchronisation, un peu comme les cinq doigts de la main. Il s’avère cependant que ce prestigieux club des Cinq n’est pas lui-même à l’abri de fâcheux accès d’arthrite, comme en témoignent ses dernières et stériles délibérations à New York.


Il y a des mois, latitude était offerte au praticien français d’opérer plus ou moins en solo ; comme on sait, l’initiative a fait long feu. Le concept d’un troc entre un président proche du Hezbollah et un Premier ministre issu de l’autre bord a heurté en effet une bonne part de l’establishment local. Et surtout, elle n’avait jamais séduit les autres membres du quintette. Ceux-ci l’ont visiblement laissée mourir de sa belle mort, même si l’émissaire spécial de l’Élysée, attendu le mois prochain à Beyrouth pour un dernier tour de piste, demeure libre de s’essayer à des formules alternatives.


Cette fois cependant, Jean-Yves Le Drian ne sera plus seul sur scène. Place en effet au Qatar, que l’on voit déjà piaffer d’impatience dans les coulisses, et qui nous délègue bientôt son ministre d’État aux Affaires étrangères : le Qatar qui en effet est en mesure de décliner d’impressionnants états de service et qui, de surcroît, serait animé d’idées aussi ambitieuses que nouvelles. Extraordinaire électron libre, en tout cas, que ce richissime royaume gazier abritant sur son sol la plus grande base aérienne américaine du Moyen-Orient et entretenant pourtant d’excellents rapports avec le redoutable voisin iranien et ses protégés libanais ; rebelle à l’hégémonie saoudite dans la région du Golfe et faisant néanmoins le coup de feu contre les houthis, aux côtés du Big Brother wahhabite ; soutenant ouvertement les Frères musulmans aux quatre coins du monde arabe et réussissant quand même à se poser en médiateur hors pair dans plus d’un dossier régional.


On ne sait trop s’il faut lui en savoir gré, mais le Qatar n’en sera pas à son premier marathon libanais puisqu’on lui doit la conférence de Doha de 2008. Car s’il est vrai que celle-ci a mis fin à une longue vacance présidentielle, elle a institué en revanche cette hérésie de gouvernements d’unité : formule qui n’a d’autre résultat que de réunir la chose et son contraire dans un même organe exécutif et de le condamner ainsi à la paralysie. Or c’est précisément là que les mentalités (et les vues avec elles) pourraient avoir fondamentalement changé, comme le suggère le discours prononcé mardi devant l’Assemblée générale de l’ONU par l’émir Tamim ben Hamad al-Thani. Mettant en garde contre un effondrement des institutions libanaises, le souverain qatari a souligné en effet la nécessité d’une solution durable au vide politique qui affecte épisodiquement notre pays : la nécessité aussi de définir les mécanismes empêchant la réédition d’un tel vide.


Durable, mécanismes : deux mots-clés qui laissent entrevoir des perspectives aussi salutaires qu’inexplorées. Le premier, veut-on croire, annonce une rupture avec les rapiéçages et raccommodages à répétition du passé ; en toute logique, ce sont les précaires ententes et compromis du type Doha 2008 que répudie aujourd’hui Doha ! Quant aux mécanismes capables de conjurer la récurrence des pannes institutionnelles, on ne saurait aller les chercher sous le sabot d’un cheval : ils ne peuvent être trouvés que dans une Constitution débarrassée, épurée une fois pour toutes de toutes ces fausses zones d’ombre outrageusement exploitées par les saboteurs d’élections présidentielles, et à leur tête le despotique chef du législatif en personne. Plus aucun doute, plus aucune interprétation abusive ne doivent continuer de planer sur les modalités du scrutin, notamment en matière de quorum et de continuité de l’opération électorale.


Il nous va falloir les réconcilier, se gaussait hier le président Nabih Berry à propos des membres du quintette. À ce jeu de mains et de vilains, il n’a pas toutefois poussé le sarcasme jusqu’à leur proposer sa peu ragoûtante spécialité : une fantasmagorique table de dialogue.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

États-Unis, France, Égypte, Arabie saoudite, Qatar. Ces puissances grandes et moins grandes, véritables poids lourds militaires, politiques ou financiers saisis de la crise du Liban, les plus optimistes espéraient les voir œuvrer en bonne synchronisation, un peu comme les cinq doigts de la main. Il s’avère cependant que ce prestigieux club des Cinq n’est pas lui-même à l’abri de...