Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a de nouveau critiqué l'initiative du président du Parlement, Nabih Berry, pour sortir de l'impasse présidentielle, à savoir un dialogue de sept jours suivi de « séances électorales ouvertes et successives », le qualifiant de « traditionnel ». Le leader aouniste s'est toutefois montré ouvert à la tenue de « discussions bilatérales ou trilatérales » entre chefs de partis (de premier rang) pour aboutir à l'élection d'un président, dans un Liban sans chef d'État depuis le départ de Michel Aoun en octobre 2022. Il a tenu ces propos lors d'un discours prononcé à l'occasion de sa reconduction pour un troisième mandat à la tête du CPL.
« Viol de la Constitution »
Lors de sa dernière visite au Liban depuis sa prise de fonction, l'émissaire français pour le Liban Jean-Yves Le Drian a proposé, avec un coup de pouce de l'Arabie saoudite, la tenue de « discussions » politiques ou un « débat » à même de paver la voie à la tenue de l’élection, au lieu d'un dialogue élargi portant sur le nom et le profil du futur chef de l’État comme le souhaite le camp du 8 Mars. Une démarche que Nabih Berry (mais aussi le Hezbollah) tient à considérer comme une bénédiction à sa propre initiative qui consiste en un dialogue de sept jours suivi de « séances électorales ouvertes et successives ». Si l'opposition a catégoriquement rejeté cette offre, le CPL s'était montré dans un premier temps ouvert, tout en réclamant que le maître du perchoir clarifie son initiative, avant de prendre un peu ses distances. Dimanche, Gebran Bassil a franchi un nouveau cap dans son opposition à son ennemi juré. « Il faut que le président du Parlement s'engage à tenir, après un dialogue limité dans le temps, des séances électorales ouvertes qui conduisent soit à un consensus autour d'un nom, soit à une compétition démocratique entre deux candidats », a-t-il réclamé. Et d'abonder : « Venez à un véritable dialogue, sinon nous n'y participerons pas. Pas un dialogue traditionnel, pas une table ronde avec un président et un présidé ! » Et de proposer en contrepartie « des discussions bilatérales ou trilatérales entre des figures du premier rang ».
S'il s'est donc montré ouvert à la proposition de l'émissaire français, Gebran Bassil a tout de même critiqué Jean-Yves Le Drian, qui aurait insinué lors de sa tournée la semaine dernière que le commandant de l'armée Joseph Aoun, bête noire du leader aouniste, pourrait être le candidat de compromis idéal pour débloquer la crise. « Si l'Occident veut nous imposer un président, demandez lui au moins qu'il s'engage à alléger le blocus sur le Liban et rapatrier les migrants syriens », a-t-il lancé. Le leader aouniste est ensuite revenu à la charge contre Joseph Aoun. « Que valent les promesses de bâtir un État de droit si on commence le mandat par un viol de la Constitution alors qu'on élit quelqu'un qui doit jurer de la protéger », s'est-il interrogé. Si l'article 43 de la Loi fondamentale interdit aux fonctionnaires de première catégorie d'être élus à la magistrature suprême, cela n'a pas empêché Michel Sleiman, alors chef de la troupe, d'accéder à Baabda en 2008 suite au consensus atteint à Doha, avec l'aval des aounistes, pour éviter au Liban une nouvelle guerre civile.
« De même pour l'opposition »
Le chef du CPL s'en est également pris au leader des Marada et candidat du Hezbollah, Sleiman Frangié. « Le programme du président est plus important que sa personne, surtout s'il n'a pas de représentativité politique et que nous devons compenser cela par un soutien du Parlement et du peuple », a-t-il affirmé. Une pique contre celui qui ne peut compter au Parlement que sur un député (son fils, Tony Frangié) et trois alliés de circonstances. « Le camp de la moumanaa ne peut pas nous imposer un candidat qui ne nous représente pas, qui ne représente pas notre mentalité, ni nos citoyens », a-t-il lancé. S'il a récemment repris le dialogue avec le Hezbollah après des mois de froid, promettant de soutenir son allié dans le dossier présidentiel en échange de la décentralisation élargie et de la mise sur pied du fond fiduciaire pour la gestion des biens de l'État, Gebran Bassil semble ainsi vouloir garder toutes les cartes en main. Dans la même veine, alors qu'il s'était entendu en juin dernier avec les opposants pour soutenir la candidature de Jihad Azour, ancien ministre des Finances, face à Sleiman Frangié, cela ne l'a pas empêché de critiquer ce camp lors de son discours. « L'opposition ne peut pas imposer à la moumanaa un candidat qui la défie et qui justifie ses craintes », a-t-il souligné, dans une volonté de s'ériger en électron libre entre les deux pôles politiques.
Outre la présidentielle, le chef de file des aounistes a évoqué la reprise des combats la semaine passée dans le camp de réfugiés palestiniens de Aïn el-Héloué. Si le calme semble désormais revenu, de nombreux observateurs craignent que la trêve soit de courte durée et que les affrontements débordent vers la ville voisine de Saïda. « En 1948, nous avons payé le prix de la Nakba palestinienne, nous menant à la guerre en 1975. Nous nous sommes vu imposer l'asile d'opprimés, dont nous continuons de payer le prix aujourd'hui. Est-il permis de payer de nouveau, après 75 ans, le prix de conflits palestiniens dans des camps sur notre sol, nourris de l'extérieur et conduisant à de nouveaux dangers ? » a-t-il martelé.
M. Bassil s'est par ailleurs attardé sur les divergences au sein de son parti, notamment avec le vice-président de la Chambre Élias Bou Saab, membre du CPL, mais qui garde une importante marge de manœuvre par rapport au directoire, ce qui lui a valu des « sanctions ». « Personne n'est obligé d'être dans un parti. Mais on ne peut se contenter de prendre à son parti, on doit aussi lui donner », a-t-il lancé.
Quand donc l’OLJ lancera une pétition anti GB ?
11 h 12, le 19 septembre 2023