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Politique - Focus

Face aux tensions à la frontière Sud, le travail de fourmi de la Finul

Les médias invités par les Casques bleus à constater les récentes violations commises successivement par Israël et le Hezbollah.

Face aux tensions à la frontière Sud, le travail de fourmi de la Finul

Un officier indien au poste de Kfarchouba montrant la ligne bleue sur une carte. Photo Chérine Yazbeck

Véritable casse-tête, la frontière qui sépare le Liban d’Israël est perpétuellement source de tourments, notamment pour les soldats de la Force intérimaire des Nations unies qui surveillent les débordements de part et d’autre. Et ils sont nombreux cet été.

Lors d’une tournée de la presse organisée par les Casques bleus dans le secteur du Sud-Est, où plusieurs incidents se sont produits au cours des derniers mois – à Kfarchouba, à Bastara puis à Ghajar –, le calme tout au long de ce secteur semble toutefois de retour. Cette quiétude apparente contraste avec l’effervescence qui a prévalu lors des récents débats à l’ONU, fin août, à l’occasion du renouvellement du mandat de la Finul, à laquelle a mis fin un compromis sémantique, comme pour dire que personne n’a perdu dans la bataille. Le modus operandi des soldats onusiens est toujours le même, assurent placidement des officiers de la Finul, retenant un sourire dès que l’on mentionne la frénésie diplomatique à l’ONU et qui, d’après eux, n’a rien ajouté ni soustrait à leur quotidien.

Sur le terrain, rien, pratiquement, n’a changé à la mission des Casques bleus qui vaquent à leurs patrouilles comme si de rien n’était. De temps à autre, le convoi onusien croise un véhicule de l’armée dont la présence est devenue de plus en plus rare. Pour des raisons logistiques et financières, la troupe ne peut plus assurer que 20 pour cent des 380 patrouilles qu’effectuent par jour les Casques bleus. La coordination avec l’armée est cependant toujours de mise, tout comme elle l’était l’an dernier. La routine des briefings matinaux entre militaires libanais et de la Finul à Naqoura, siège de la force onusienne, est également maintenue.

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« La tente qui dérange »

Pourtant, les transgressions ne manquent pas et font partie désormais du décor. La dernière en date, l’installation dans la localité de Bastara, au début du mois de juin, par le Hezbollah de deux tentes de surveillance,   dont l’une dépasse de près de 50 m la ligne de retrait, contestée dans cette localité.

Surplombant les fermes de Chebaa occupées par Israël et que le Liban continue de réclamer, la tente du Hezb, flanquée d’un drapeau rouge écarlate, a été visiblement érigée à un endroit stratégique. Mais ce n’est vraisemblablement pas la raison principale derrière cet acte perçu comme un « défi » par l’État hébreu. C’est plutôt la symbolique d’une « minivictoire » du parti de Dieu qui profite souvent de certaines brèches à la frontière pour marquer des points, comme le confiait à L’OLJ, il y a quelques semaines, un expert militaire, Élias Hanna.

L’étang d’eau à Kfarchouba où s'abreuvent les moutons libanais. Photo Jeanine Jalkh

À quelques mètres de là, des unités du régiment indien affecté à cette zone surveillent, presque machinalement, les mouvements d’un élément du Hezbollah qui s’affaire autour de la tente, ignorant totalement les jumelles de l’officier indien braquées sur lui du haut de la tour de contrôle. Ici, la vie continue plutôt paisiblement en dépit de cet accident de parcours.

En face, les Israéliens – qui s’étaient mobilisés aux premiers jours de l’installation de la tente sur ce qu’ils considèrent être leur territoire, menaçant de recourir à la force pour l’enlever –, ont fini par y renoncer et par s’habituer au paysage. Pour quelque temps seulement. Car mardi dernier, l’affaire de la « tente » a resurgi pour atterrir à la table des négociations tripartites tenues à Naqoura entre la Finul, qui fait l’arbitre, et des représentants militaires libanais et israéliens. Cette rencontre devait évoquer la question de la démarcation de la frontière terrestre, plus particulièrement les 13 points revendiqués par le Liban le long de la ligne bleue, sans toutefois parvenir à un accord. Selon une source sécuritaire qui a requis l’anonymat, la réunion aurait porté notamment sur la possibilité de retirer « la tente », que l’État hébreu considère comme un coup porté dans son flanc, en contrepartie d’autres concessions qui seraient faites, entre autres, dans la région de Ghajar, un village syrien dont une large parcelle se trouvant en territoire libanais est occupée par Israël.


La partie de Ghajar située côté israélien. Photo Chérine Yazbeck

Les vaches israéliennes

L’incident de la tente ne peut cependant être compris qu’à la lumière d’une série de provocations et de contre-provocations orchestrées de part et d’autre de la frontière au cours de ces trois derniers mois. Tout d’abord, l’épisode de Kfarchouba qui s’est déroulé au niveau d’un plateau situé en hauteur à quelques kilomètres de la tente. Sur cette colline à laquelle mène une route rocailleuse, la géographie regorge d’incertitudes. Réclamées par le Liban, alors que l’ONU a officiellement reconnu la propriété syrienne du territoire, les fermes de Chebaa et leur prolongement à Kfarchouba ont constitué, des années durant, le prétexte idéal pour le Hezbollah, qui dit vouloir conserver son arsenal pour notamment libérer ce territoire occupé par l’État hébreu depuis 1967. Au poste onusien de Kfarchouba, le OP5, c’est le régiment indien qui est en charge. Il tente, avec les moyens du bord, de démarquer les lieux pour sa propre référence par des rochers peints en bleu. Du côté israélien, trônent des barbelés techniques érigés arbitrairement.


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Du haut de leur tour de contrôle, les Casques bleus scrutent le moindre mouvement suspect dans une zone aujourd’hui quasi déserte. Sur les lieux, un large bassin d’eau s’étend à une quarantaine de mètres de la position de la Finul, où viennent s’abreuver les moutons libanais, mais où les vaches israéliennes s’infiltrent de temps  à autre pour se désaltérer, « violant » ainsi la ligne de démarcation, provisoire, placée par la Finul. Par-delà l’étang d’eau, un muret d’à peine trois mètres n’a jamais pu être achevé. Et pour cause : le 28 mai dernier, l’armée israélienne a fait irruption à cet endroit et a entamé les travaux pour la construction d’un parapet de séparation. Le prétexte avancé : empêcher les vaches des fermiers israéliens de venir s’aventurer du côté libanais. Dès que l’information a circulé, les habitants des environs ont déboulé sur les lieux, constituant un cordon humain pour bloquer les travaux. La photo du propriétaire terrien présumé, Ismaïl Nasser, un ancien officier de l’armée libanaise, défiant le bulldozer israélien par des jets de pierres a fait le buzz sur les réseaux sociaux. La mobilisation générale est aussitôt décrétée : l’armée libanaise, d’une part, qui cherche à contenir la colère des manifestants et les empêcher d’avancer, et, d’autre part, au second rang, « un anneau bleu » formé par la Finul pour séparer les deux parties adverses. En face, les véhicules israéliens sont sur le qui-vive. Une tension qui s’est maintenue une dizaine de jours, jusqu’à ce que le haut commandement de la Finul parvienne à calmer le jeu. La construction du mur est alors interrompue et le mouvement de protestation suspendu. Ce sont autant d’histoires qui ponctuent ces derniers temps le quotidien au Liban Sud sans toutefois dégénérer en confrontations directes.

La partie de Ghajar située côté israélien. Photo Chérine Yazbeck

Stabilité en vue ?  

Depuis que le tracé de la frontière maritime a été finalisé en octobre 2022, une chose semble toutefois se dégager de cet imbroglio frontalier : les deux parties, qui ont entamé de part et d’autre les opérations, d’exploration pour le Liban, d’extraction des ressources pétrolières pour Israël, ont désormais tout intérêt à réduire au maximum les tensions générées par les provocations mutuelles. Le Hezbollah, qui dit depuis quelque temps être prêt à en finir avec les vicissitudes de la ligne bleue, est d’ailleurs convaincu que l’incident de Chebaa tout comme l’incident à Ghajar, survenu quelques jours plus tard, présagent d’une volonté israélienne d’ouvrir le dossier du tracé de la frontière terrestre avec le Liban. À 10 km de la colline de Kfarchouba, le poste-frontière espagnol, qui a tristement acquis sa réputation lorsqu’un soldat espagnol, le caporal Francisco Javier Toledo, posté en haut de sa tour de contrôle , avait été tué par une roquette israélienne  en 2015, surveille les lieux.

Devant les observateurs onusiens, s’étend Ghajar.  Ici, l’empiètement d’Israël, très marqué visuellement par la présence de la ligne bleue qui coupe le village en deux, est flagrant. Au nord du village, une route que seule la Finul peut emprunter cerne la partie libanaise occupée et bordée au sud d’une plaine aride bourrée d’explosifs depuis le dernier retrait israélien du Liban en 2000. Une violation à laquelle le Conseil de sécurité a demandé une fois de plus de mettre fin à l’occasion du renouvellement du mandat de la Finul.

Vue d’ensemble du village de Ghajar coupéau milieu par la ligne bleue. Photo Chérine Yazbeck

Outre les 13 points contestés par le Liban, « 18 autres points d’empiétement chroniques » régulièrement notifiés par le Liban, dont le village de Ghajar, sont également en suspens, comme l’explique le général Gemayel. Il s’agit de 18 points où les barbelés techniques, placés par Israël, violent la ligne bleue, soit un espace qui équivaut à 17 000 m2, explique l’ancien officier.  

À Ghajar, vivent des Syriens alaouites – des nomades à l’origine. Le village – qui comptait 380 habitants en 1985 et 3 000 aujourd’hui – s’est étendu du côté libanais en direction d’une localité connue sous le nom de Mari, grignotant ainsi un peu moins d’un kilomètre carré pour pouvoir accueillir les nouvelles générations. Or, pour rajouter une couche de complexité à la situation, les habitants de la bourgade ont refusé après le retrait israélien de l’an 2000 d’être transférés sous autorité libanaise. La ligne bleue a été donc tracée au milieu pour référence, sans que cela n’empêche l’État hébreu de sévir sur l’ensemble de la superficie occupée.

« Le comble est que les habitants du village se servent du fleuve Wazzani, au Liban, pour leurs besoins en eau, qui est canalisée vers la bourgade à l’aide de pompes hydrauliques installées par les Israéliens », commente le général Gemayel. Sur place, les officiers espagnols postés à cet endroit balayent de la main la thèse portant sur une « annexion formelle » à l’aide d’une clôture par Israël, début juillet, de la partie libanaise du village. Selon eux, l’incorporation de l’agglomération située dans la partie libanaise avait été achevée depuis des années, dans le prolongement de l’annexion par Israël du Golan syrien. « Les Israéliens n’ont fait que remplacer l’ancienne clôture par une plus sophistiquée », commente un officier de la Finul.

Quels que soient les objectifs énoncés, une chose ressort clairement de ce troisième incident : les développements à Kfarchouba, Chebaa et Ghajar sont clairement liés. Bien qu’il s’agisse d’actes de provocations mutuelles et concomitantes, l’objectif serait, de part et d’autre, de relancer la question de la frontière terrestre pour tenter de trouver un règlement. La réunion tripartite de jeudi dernier ne serait donc que le début d’un long processus.

Véritable casse-tête, la frontière qui sépare le Liban d’Israël est perpétuellement source de tourments, notamment pour les soldats de la Force intérimaire des Nations unies qui surveillent les débordements de part et d’autre. Et ils sont nombreux cet été.Lors d’une tournée de la presse organisée par les Casques bleus dans le secteur du Sud-Est, où plusieurs...

commentaires (2)

Sérieux ? Le conflit s’est étendu sur le sujet concernant les vaches israéliennes et les moutons libanais ?? Ils ont trouvé un nouveau sujet de conflits? Certains installent des tentes pour pickniquer… d’autres font la guerre aux vaches… en face, ils font la guerre aux moutons !!! Faudra qu’ils créent un nouveau jeu de société les gars…ils font comment les soldats indiens de la finul? Face aux vaches?? C’est sacré pour eux… bref… ca a tout l’air d’un sacré bazar à la frontière

LE FRANCOPHONE

02 h 21, le 17 septembre 2023

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Commentaires (2)

  • Sérieux ? Le conflit s’est étendu sur le sujet concernant les vaches israéliennes et les moutons libanais ?? Ils ont trouvé un nouveau sujet de conflits? Certains installent des tentes pour pickniquer… d’autres font la guerre aux vaches… en face, ils font la guerre aux moutons !!! Faudra qu’ils créent un nouveau jeu de société les gars…ils font comment les soldats indiens de la finul? Face aux vaches?? C’est sacré pour eux… bref… ca a tout l’air d’un sacré bazar à la frontière

    LE FRANCOPHONE

    02 h 21, le 17 septembre 2023

  • En résumé, il est de pus en plus évident que la soi-disant inimitié entre le Hezbollah et Israël n'est qu'une façade pour justifier un armement croissant. Ils sont d'accord car chacun a besoin de l'autre pour justifier l'accroissement de leurs armements. La peuve en est adminitrée par la faciéité avec laquelle l'accord sur le partage des champs pétrolifères et gaziers a été mis en place.

    Joseph ADJADJ

    11 h 57, le 16 septembre 2023

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