Une société d’armement US a annulé un mégacontrat en Arabie, Moscou et Pékin dans le viseur

Le géant américain de la défense RTX et la compagnie militaire saoudienne Scopa Industries devaient investir 25 milliards de dollars dans une coentreprise, mais les négociations se sont brusquement arrêtées en début d’année, a rapporté le Wall Street Journal. Les deux sociétés avaient signé un protocole d'accord pour créer en Arabie saoudite une usine de systèmes sophistiqués de défense aérienne dans le but de protéger le royaume des attaques de drones et de missiles, a révélé le quotidien. Le deal est désormais suspendu. En cause : la diversification stratégique de l’Arabie saoudite, qui s’étend également dans les domaines sécuritaire et militaire. « Selon des personnes proches des négociations, la crainte de RTX était que les sociétés de son partenaire saoudien fassent des affaires avec des entités chinoises et russes sanctionnées », précise le WSJ. Des actions qui mineraient les efforts américains pour isoler Pékin et Moscou.

Mais Washington craint surtout que des informations sur des technologies militaires américaines utilisées dans l’armement saoudien ne fuitent vers ces pays rivaux, la coopération de Riyad avec Pékin et Moscou s’étant intensifiée dans des domaines stratégiques comme la défense et l’énergie. « La Scopa envisageait de fabriquer une partie importante des armes de l’OTAN en Arabie saoudite, ce qui impliquait d’avoir accès à une technologie étroitement protégée par l’International Traffic in Arms Regulations », un ensemble de règles qui contrôlent l’exportation d’équipements de défense américains, écrit le WSJ. Des informations qui pourraient être utilisées contre les défenses américaines si elles tombaient entre les mains des Russes ou des Chinois.

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La proximité du patron de Scopa avec l’Empire du Milieu a alerté les Américains. Dirigeant le groupe Ajlan & Bros Holding, qui détient la société privée – alignée aux intérêts du pouvoir saoudien – Mohammad al-Ajlan préside en outre le Conseil d'affaires sino-saoudien et descend d’une grande famille d’importateurs de textile chinois. M. al-Ajlan a assuré au WSJ que les transactions de Scopa avec la Chine se limitaient aux importations de matières premières, comme le cuivre ou le caoutchouc, utilisées dans la production de munitions et de véhicules blindés. « Nous ne travaillons avec aucune entreprise soumise à des sanctions internationales », a-t-il juré lors d’une interview, qualifiant ces allégations de « rumeurs inexactes, illogiques et irréalistes ». Sa compagnie Tal Military Industries, concentrée sur l’Asie et dirigée par un ressortissant chinois, est néanmoins accusée d’avoir été en contact avec une douzaine de compagnies chinoises sanctionnées par Washington, telles que Norinco Group.

La filiale partage pourtant avec Scopa – orientée vers le marché américain – des fonctions administratives et des serveurs, exposant toute coopération avec l’entreprise saoudienne à un risque d’espionnage. C’est également le cas d’une compagnie sœur, Sepha Military Industries, focalisée elle sur l’Europe de l’Est, assure le président du groupe. Le directeur exécutif de cette dernière n’est pourtant autre qu’un cadre de Concern Granit-Electron, compagnie russe de technologies de communications sanctionnée par Washington pour son soutien à l’industrie militaire russe. De quoi agiter le drapeau rouge du côté des Américains.

Sourcer 50 % des achats d'armes en Arabie

Autant de raisons pour lesquelles un groupe d'officiers militaires américains à la retraite qui siégeaient dans un comité consultatif de la Scopa a décidé de démissionner, affirment des sources citées par le WSJ. Peu avant, le directeur général américain de la compagnie d’armement saoudienne avait été licencié après avoir exprimé ses inquiétudes par rapport aux liens de la société avec des entités sanctionnées. D’autres grandes entreprises de défense occidentales envisagent, toujours selon ces sources, de réévaluer leurs accords initiaux avec l’entreprise saoudienne, principalement en raison de leurs inquiétudes sur son implication avec des entités russes et chinoises.

De quoi éloigner l’objectif saoudien de sourcer 50 % de ses achats d’armes dans le royaume d’ici à 2030, alors que Riyad a fait de la production d’armement local l’une de ses priorités.

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